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REPUBLIQUE DU MALI Un Peuple – Un But – Une Foi Ministère de la Solidarité,... |
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REPUBLIQUE DU MALI
Un Peuple – Un But – Une Foi
Ministère de la Solidarité, de l'Action Humanitaire Programme des Nations
et de la Reconstruction du Nord Unies pour le Développement
------------
Secrétariat Général
------------
Observatoire du Développement Humain
Durable et de la Lutte Contre la Pauvreté
RAPPORT NATIONAL SUR LE DEVELOPPEMENT
HUMAIN, Edition 2016
Mai 2016
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EQUIPE D’ELABORATION RNDH, EDITION 2016
Supervision Générale
Hamadou KONATE Ministre, de la Solidarité de l’Action Humanitaire et de la Reconstruction
du Nord
Boubou Dramane CAMARA Directeur Pays du PNUD Mali
Coordination Technique
Samba Alhamdou BABY Secrétaire Général MSAHRN
Mohamed Oualy DIAGOURAGA Conseiller Technique MSAHRN
Zoumana B. FOFANA Directeur Général ODHD
Bécaye DIARRA Economiste Principal du PNUD
Alassane BA Economiste national du PNUD
Equipe ODHD/LCP
Personnel technique
Zoumana B. FOFANA Directeur Général
Diakaridja KAMATE Expert Économiste
Bouréma F. BALLO Expert Statisticien
Mody SIMPARA Statisticien
Seydou MAGASSA Sociologue
Sogona Binta Fadd DIABY Socio-anthropologue
Ely DIARRA Économiste- Informaticien
Abdoulaye dit Noël CISSOKO Chargé de Communication
Ismaila COULIBALY Documentaliste
Administration et Gestion
Youssouf DIARRA Agent Comptable
Sabane Mahamane MAIGA Comptable Matière Adjoint
Adama M. DIAKITE Appui à la Comptabilité Matière
Madame Niaré Hawa KAREMBÉ Assistante d’équipe
Madame Diallo Aminata TRAORE Secrétaire
Equipe PNUD
Bécaye DIARRA Economiste Principal du PNUD, Unité économique
Alassane BA Economiste national du PNUD, Unité économique
Comité Scientifique élargi
Président
Mohamed Oualy DIAGOURAGA MSAHRN
Membres
Zoumana B. FOFANA ODHD
Adama BARRY CT CSLP
AbdoulayeDIAKITE DNDS
Pr Cheick Hamallah BARADJI CRNST
Mme Zeinabou DRAME IER
Issa SACKO USSG
Aboubacar S. SACKO DNPD
Ibrahima KAMPO CESC
El Hadj Oumarou Malam SOULE AFRISTAT
Ishaga COULIBALY DNP
Benjamin SIVASIMA UNICEF
Mme Ramatou DIARRA DGB
Boubacar MACALOU CERCAP
Pr Naffet KEITA ULSHB
Dr Mamadou Fadiala SISSOKO INSRP
Arsène R. KAHO Banque Mondiale
Bécaye DIARRA PNUD
Mme KONE Sissi Odile DAKOUO DNPSES
Sanidié TOURE IERGG-Maison des aînés
Mme GUINDO Fatoumata dite Fatim
DIAKITE
Délégation Générale des Maliens de l’Extérieur
Mme DIARRA Mariame SAVANE Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur
N’tji DIARRA Direction Générale de la Gendarmerie Nationale
Colonel Mohamed Ould Sidi Ahmed Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile
Commissaire Fatoumata I. COULIBALY Direction de la Police des Frontières
N’golo DIARRA OCHA
Michel KAMATE OIM
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2
Abdoulaye COULIBALY CT-Co –Développement
Adama KONATE CNPM
Souleymane KONATE CIGEM
Modibo SYLLA USTTB
Djibril SOW USJPB
Salif DIALLO Personne ressource
Issaka COULIBALY Personne ressource
Comité de lecture
Mme Maïmouna K. TRAORE CT-CSLP
Ishaga COULIBALY DNP
Consultants
Mohamed DIALLO Economiste du développement et chef d’équipe
Yaouaga Felix. KONE Socio-anthropologue
Modibo TRAORE Statisticien
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3
PREFACE
Les contraintes d’ordres géographiques, écologiques, économiques, sécuritaires et sociales
continuent d’entraîner une grande mobilité des populations maliennes. La migration est
importante au Mali d’une part par l’intensité du flux et d’autre part par le montant des
transferts financiers. Les bénéfices en nature, en équipements, en infrastructures et en argent
sont évoqués comme preuve irréfutable de la pertinence de la migration dans l’amélioration
des conditions de vie des populations. Dans beaucoup de cas, la migration résout plus de
problèmes qu’elle n’en crée.
Mais les mouvements migratoires suscitent de nos jours la montée des sentiments xénophobes
et l’émergence des mouvements politiques d’extrêmes droites dans les pays d’accueil. Le
durcissement des législations en matière de migration dans les pays d’accueil poussent les
migrants à emprunter des chemins périlleux, transformant ainsi la Mer Méditerranée en un
vaste cimetière de migrants (naufrage d’embarcations de fortunes lors de la traversée des
océans). Face à tous ces défis nouveaux, le Gouvernement du Mali a adopté, le 03 septembre
2014,une Politique Nationale de Migration (PONAM).
L’ODHD/LCP dans le cadre de ses activités dont figure entre autres la production du Rapport
National sur le Développement Humain (RNDH), a choisi le thème « Migration,
Développement Humain et Lutte Contre la Pauvreté » pour le RNDH, édition 2016.
Le Rapport National sur le Développement Humain demeure, un outil fondamental de
dialogue, de politiques et de mobilisation de ressources. Il est un instrument de sensibilisation
et de plaidoyer en faveur du grand public, des autorités politiques nationales, régionales et
locales, des partenaires au développement, de la société civile, des médias et du secteur privé.
Nous espérons ainsi qu’il contribuera à enrichir les débats autour des questions de
développement humain au Mali. Le présent rapport offre une analyse détaillée sur les liens
entre la migration et le développement humain. Il donne l’état du développement humain
dans le pays et renseigne également sur la problématique de la migration au Mali.
Fruit d’un processus participatif, faisant contribuer les différentes structures réunies au sein
d’un Comité Scientifique élargi, il donne (i) l’état du Développement humain et fait l’analyse
(ii) de la Problématique et la gestion de la migration, (iii) des causes de la migration et du
profil des migrants, (iv) de la migration interne, pauvreté et développement humain durable,
(v) de la migration externe, pauvreté et développement humain durable.
Les recommandations issues de ce rapport permettront de donner aux autorités du Mali une
plus grande visibilité dans la gestion des questions de migration notamment à travers la mise
en œuvre de la Politique Nationale de Migration.
Ministre de la Solidarité, de l’Action
Humanitaire et de la Reconstruction du Nord
Hamadou KONATE
Officier de l’Ordre National
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REMERCIEMENTS
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5
TABLE DES MATIERES
EQUIPE D’ELABORATION RNDH, EDITION 2016 ........................................................ 1
PREFACE ................................................................................................................................. 3
LISTE DES TABLEAUX ........................................................................................................ 8
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................. 8
SIGLES ET ABRÉVIATIONS ............................................................................................... 9
RESUME ................................................................................................................................. 11
INTRODUCTION .................................................................................................................. 14
I. LIENS ENTRE DEVELOPPEMENT HUMAIN DURABLE ET MIGRATION .... 16
1.1. Contexte de développement et de réduction de la pauvreté au Mali ...................................16
1.1.1. Evolution des indicateurs macroéconomiques ..........................................................17
1.1.2. Situation sociale .....................................................................................................19
1.2. Les indicateurs de développement humain ......................................................................21
1.2.1. L’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) ...............................22
1.2.2. L’indice d’inégalité de genre (IIG) ..........................................................................22
1.2.3. L’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) ......................................................22
1.2.4. L’Indice de Développement Humain (IDH) .............................................................23
1.2.5. Que retenir des résultats 2014 en matière de Développement Humain ? ....................24
1.3. Liens entre les composantes du Développement Humain et la Migration ...........................24
II. PROBLEMATIQUE ET GESTION DE LA MIGRATION ....................................... 27
2.1. Problématique de la migration ........................................................................................27
2.2. Dispositif institutionnel..................................................................................................28
2.3. Politique nationale de la migration..................................................................................30
III. CAUSES DE LA MIGRATION ET PROFIL DES MIGRANTS .............................. 32
3.1. Les causes des migrations ..............................................................................................32
3.1.1. La pauvreté............................................................................................................32
3.1.2. Causes naturelles : dérèglement climatique et sécheresses à répétition ......................34
3.1.3. Causes sociales et culturelles ..................................................................................36
3.1.4. Les causes liées à la sécurité ...................................................................................37
3.1.5. La fascination des images des lieux d’accueil et des migrants de retour......................38
3.1.6. Facteurs d’attrait (raisons du choix des destinations) : cas de Sikasso ........................39
3.2. Profil des migrants ........................................................................................................41
3.2.1. L’âge et le sexe des migrants ..................................................................................41
3.2.2. L’état matrimonial des migrants ..............................................................................44
3.2.3. Le niveau d’instruction des migrants .......................................................................48
3.2.4. La situation dans l'activité des migrants ...................................................................50
3.2.5. Activités des migrants internes : exemple de la Région de Sikasso.............................50
3.2.6. Les provenances des migrants internes ....................................................................54
3.2.7. Les principales destinations des migrants internes ....................................................55
3.2.8. Les provenances des migrants externes ....................................................................56
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6
3.2.9. Les principales destinations des migrants externes....................................................57
IV. MIGRATION INTERNE, PAUVRETÉ ET DÉVELOPPEMENT HUMAIN
DURABLE............................................................................................................................... 60
4.1. Evolution des migrations internes ...................................................................................60
4.2. Une migration interne de natures diversifiées : cas du cercle de Sikasso ............................61
4.3. Lien migration interne, DHD et pauvreté ........................................................................63
4.3.1. Migration interne et Pauvreté ..................................................................................64
4.3.2. Migration interne et longévité .................................................................................66
4.3.3. Migration interne et niveau de l’éducation ...............................................................67
4.3.4. Migration interne et niveau de vie ...........................................................................67
4.4. Les effets des migrations ................................................................................................68
4.4.1. Les effets des migrations sur les zones de départ ......................................................68
4.4.2. Les effets des migrations sur les zones d’accueil ......................................................69
4.5. Intégration ....................................................................................................................70
4.5.1. Carnets de famille et biens immeubles .....................................................................70
4.5.2. Hommes politiques locaux : des migrants élus municipaux .......................................71
4.6. Les problèmes ...............................................................................................................71
4.6.1. La destruction de l’environnement ..........................................................................71
4.6.2. La quête d’émancipation (autonomie – étrangers, statut de cadets sociaux) ................72
4.6.3. Délinquance et prostitution .....................................................................................73
4.6.4. Migrants mineurs ...................................................................................................73
4.6.5. Les difficultés du retour ..........................................................................................73
V. MIGRATION EXTERNE, PAUVRETE ET DEVELOPPEMENT HUMAIN ........ 75
5.1. L’évolution des migrations externes du Mali ...................................................................75
5.2. Etat des migrations externes de la région de Kayes ..........................................................76
5.3. Les conditions de vie des migrants dans les pays d’accueil ...............................................77
5.3.1. L’accès à l’emploi ..................................................................................................77
5.3.2. L’accès au logement ...............................................................................................78
5.4. Les transferts d’argent des émigrés .................................................................................78
5.4.1. L’estimation des transferts des migrants ..................................................................79
5.4.2. Provenance des Transferts ......................................................................................81
5.4.3. Destination des transferts ........................................................................................81
5.4.4. Utilisation des transferts .........................................................................................82
5.4.5. Perception du rôle et de l’impact des transferts .........................................................83
5.4.6. Problèmes liés aux transferts ...................................................................................84
5.5. Codéveloppement..........................................................................................................85
5.6. TOKTEN......................................................................................................................88
5.7. Les défis de la migration externe ....................................................................................90
5.7.1. Dans les zones de départ .........................................................................................90
5.7.2. Du retour des migrants ...........................................................................................91
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7
5.7.3. La réinsertion.........................................................................................................92
CONCLUSION ....................................................................................................................... 95
RECOMMANDATIONS ....................................................................................................... 97
1. Recommandations concernant la migration interne ..........................................................97
2. Recommandations concernant la migration externe..........................................................98
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 100
ANNEXES N°1 : Concepts de Développement Humain Durable .................................... 103
ANNEXES N°2: Autres Indicateurs du Développement Humain Durable .................... 106
1. L’Indice de Développement Humain ajusté aux Inégalités (IDHI).................................. 106
2. L’Indice des Inégalités de Genre (IIG) .......................................................................... 108
3. L’Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM) .......................................................... 111
ANNEXES N°3 : Concepts de pauvreté ............................................................................. 114
1. Mesures de la pauvreté ................................................................................................ 114
a. Mesures objectives de la pauvreté................................................................................. 115
b. Mesures de la pauvreté subjective ................................................................................. 115
ANNEXES N°4 : Les outils d’entretien .............................................................................. 116
ANNEXES N°6 : Les Termes De Références de l’étude ................................................... 119
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LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: Encours de la dette publique de 2010 à 2013 (Mrds de FCFA) ........................................18
Tableau 2: Evolution de l’IDH du Mali entre 2010 et 2014 .............................................................23
Tableau 3: Calcul des indices dimensionnels et de l'IDH en 2014. ...................................................24
Tableau 4: Répartition (en %) des émigrants, par région de départ et selon les motifs .......................32
Tableau 5 : Répartition (en %) des migrants internes par région selon le sexe ..................................42
Tableau 6 : Répartition des migrants internes par région selon le statut matrimonial et le sexe ..........44
Tableau 7 : Répartition des migrants internes par région selon le statut matrimonial et le sexe ..........46
Tableau 8: Répartition des migrants internes par région selon le statut matrimonial et le sexe...........46
Tableau 9 : Répartition des migrants externes par région selon le statut matrimonial et le sexe
masculin ......................................................................................................................................47
Tableau 10: Répartition (en %) des migrants externes par région selon le statut matrimonial et le sexe
féminin........................................................................................................................................47
Tableau 11: Répartition (en %) des migrants externes par région selon le statut matrimonial et les
deux sexes ...................................................................................................................................48
Tableau 12: Répartition des migrants internes par région selon le niveau d’instruction et le sexe .......49
Tableau 13: Répartition (en %) des migrants externes par région selon le niveau d’instruction et le
sexe.............................................................................................................................................49
Tableau 14: Répartition (en %) des migrants internes par région selon la situation par rapport à
l’activité économique et le sexe.....................................................................................................50
Tableau 15 : Répartition des migrants internes par région d’origine selon le milieu ...........................55
Tableau 16 : Répartition des migrants internes selon les principales destinations par région et par sexe
...................................................................................................................................................56
Tableau 17 : Répartition des émigrants internationaux par régions de départ selon le milieu ..............57
Tableau 18 : Répartition des émigrés selon les principaux pays de destinations déclarés (en %).........58
Tableau 19 : Evolution des effectifs et des proportions des migrants internes selon la région de
provenance ..................................................................................................................................60
Tableau 20: Evolution des effectifs et des proportions des migrants internes selon la région de
destination ...................................................................................................................................61
Tableau 21: Coefficient de corrélation entre les variables migration, pauvreté et développement
humain ........................................................................................................................................64
Tableau 22 : Solde migratoire en 2009...........................................................................................64
Tableau 23 : Classement des régions selon le niveau d’incidence de la pauvreté ...............................66
Tableau 24 : Espérance de vie à la naissance, longévité ..................................................................66
Tableau 25 : Taux d’alphabétisation ..............................................................................................67
Tableau 26 : Taux brut de scolarisation au primaire ........................................................................67
Tableau 27 : Dépenses de consommation par tête (en FCFA) ..........................................................68
Tableau 28 : Répartition des émigrants, par région de départ, selon le sexe ......................................76
Tableau 29 : Répartition des émigrés selon les principaux pays de destinations déclarés (en %).........76
LISTE DES FIGURES
Figure 1: Evolution du taux de croissance réel du PIB de 2010 à 2014 ................................... 17
Figure 2 : Évolution de l’inflation de 2010 à 2014 .................................................................. 17
Figure 3 : Pyramide des âges des migrants .............................................................................. 42
Figure 4 : Répartition (en %) des migrants externes par région selon le sexe et l’âge ........... 43
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SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ADDY Agence pour le Développement Durable de Yélimané
AFD Agence Française de Développement
AEP Adduction d’Eau Potable
AMADER Agence Malienne pour le Développement de l’Energie domestique et de
l’Electrification Rurale
AMRK Association des Migrants de Retour de Kayes
ANADEB Agence Nationale pour le Développement des Biocarburants
APD Aide Publique au Développement
ARV Anti Rétroviraux
BAD Banque Africaine de Développement
BCEAO Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
BSI Budget Spécial d’Investissement
CEDEAO Communauté Economique de Développement des Etats d’Afrique de
l’Ouest
CIDS Conseil Ingénieur pour le Développement au Sahel
CIGEM Centre d’Information et de Gestion des Migrations
CMDT Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles
CREDD Cadre stratégique pour la Relance Economique et le Développement
Durable
CRMT Cadre des Ressources à Moyen Terme
CSCom Centre de Santé Communautaire
CSCRP Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté
CSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté
CTC Cellule Technique du Codéveloppement
CT Collectivités Territoriales
DGDP Direction Générale de la Dette Publique
DHD Développement Humain Durable
DNDS Direction Nationale du Développement Social
DNPD Direction Nationale de la Planification du Développement
DNSI Direction Nationale de la Statistique et de l’Informatique
EDSM Enquête Démographique et de Santé du Mali
ELIM Enquête Légère et Intégrée auprès des Ménages
EMDK Espace Migration et Développement de Kayes
EMMU Enquête Malienne sur la Migration et l'Urbanisation
EMOP Enquête Modulaire et Permanente auprès des Ménages
EPAM Enquête emploi Permanente Auprès des Ménages
FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine
FIDIMA Forum des Investissements de la Diaspora Malienne
GRDR Groupe de Recherche pour le Développement Rural
i166 Initiative des 166 communes les plus vulnérables
IDHI Indice de Développement Humain ajusté aux inégalités
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IDH Indice de Développement Humain
IIG Indice d’Inégalité de Genre
INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
INSTAT Institut National de la Statistique
IPM Indice de Pauvreté Multidimensionnelle
NINA Numéro d’identification nationale
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
ODHD/LCP Observatoire du Développement Humain Durable/Lutte Contre la Pauvreté
OFII Office Français de l’Immigration et de l’Intégration
OIM Organisation Internationale pour les Migrations
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG Organisation Non Gouvernementale
OPEP Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
PDESC Programme de Développement Economique, Social et Culturel
PIB Produit Intérieur Brut
PMA Paquet Minimum d’Activités
PME/PMI Petite et Moyenne Entreprise / Petite et Moyenne Industrie
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PONAM Politique Nationale de Migration
PV/VIH Personnes Vivantes/ Virus Immunodéficience Humaine
RGPH Recensement Général de la Population et de l’Habitat
RMDH Rapport Mondial sur le Développement Humain
RNB Revenu National Brut
RNDH Rapport National sur le Développement Humain
SCAP Stratégie Commune d’Accompagnement Pays
SHA Secrétariat à l’Harmonisation de l’Aide
TOKTEN Transfer of knowledge through Expatriate Nationals ou Transfert de
connaissances à travers les nationaux expatriés
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la
Culture
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RESUME
Afin de renseigner, autant que possible, le phénomène migratoire,il importe de répondre à un
certain nombre, relativement limité, de questions. Celles-ci, entre autres, renvoient :
- à l’identification des migrants ;
- à leur provenance et leur point de chute ;
- aux facteurs qui les poussent à partir et ceux qui guident leur choix du lieu d’accueil ;
- aux domaines d’activités dans lesquels ils se retrouvent ;
- aux problèmes qu’ils posent et qu’ils rencontrent ici et là ;
- à leurs apports au lieu de départ aussi bien qu’au lieu d’accueil ;
- aux dispositions envisageables pour une meilleure gestion du phénomène migratoire.
L’âge de la majorité des migrants (hommes et femmes confondus) se situe entre 15 et 35 ans.
Pour les hommes, les plus nombreux ont un âge compris entre 20 et 25 ans, alors que les
migrantes les plus nombreuses sont âgées de 15 à 20 ans. Ces tranches d’âge qui regroupent le
plus grand nombre de migrants confortent les plaintes relatives au départ des bras valides.
Toutefois, c’est aussi la période de la vie où tout individu valide peut fournir des efforts
capables de changer ses conditions de vie.
Par rapport au statut matrimonial, si 60% des migrants internes sont mariés, les hommes
comptent plus de mariés (55,9%) que de célibataires (42%). Cet écart, entre mariées (64%) et
célibataires (29,2%), est encore très fort au niveau des femmes. Le statut social de marié
semble se présenter comme un facteur important de la migration interne. La formation d’un
couple peut être considérée comme un facteur favorisant la migration au regard des nouvelles
conditions de vie matérielles dont ont besoin les jeunes ménages.
Ils sont 50% des migrants externes à être mariés : 37,5% des hommes sont mariés contre
61,4% de célibataires ; chez les femmes 60,4% d’entre elles sont mariées contre, 31,7% de
célibataires. L’importance du taux des célibataires hommes s’explique par les difficultés des
migrations de longues distances, en termes de risques et de nombreuses incertitudes. Au-delà
de ce principe de précaution, de nombreux jeunes vivent cette expérience pour acquérir les
moyens financiers nécessaires à leur mariage. Généralement, le premier épisode du projet
migratoire précède le mariage. Par contre, la forte proportion de femmes mariées s’explique
par le regroupement familial qui a été relativement plus facile pendant une certaine période,
notamment en France.
Les principales régions pourvoyeuses de migrants internes sont, par ordre d’importance, les
régions de Ségou, de Koulikoro et de Sikasso.
Les principales zones de destination de migrants internes sont le District de Bamako (38,7),
les régions de Koulikoro (19,3%), et de Sikasso (13,2%).
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Les contingents de migrants externes sont principalement fournis par Kayes, Koulikoro et
Mopti. Leurs principales destinations sont des pays africains et la Côte d’Ivoire est la
première destination. L’Europe est la deuxième destination des migrants maliens.
La majorité des migrants internes a été toujours les personnes de sexe masculin. Il en est de
même pour les résultats du RGPH 1998 qui confirment que les émigrants étaient
essentiellement de sexe masculin quelle que soit la région d’où ils viennent. En 2009, la
tendance s’est inversée, car ce sont les personnes de sexe féminin (52,5%) qui ont pris goût
pour une installation à l’extérieur et cela est confirmé par l’EMOP 2011(elles sont encore
majoritaires avec 51,5%).
En faisant référence au solde migratoire, les zones qui fournissent plus de migrants internes
qu’elles n’en perçoivent sont celles qui sont restées dans la zone de pauvreté relativement
supérieure à la moyenne. En effet, les principales régions de départ sont celles où la pauvreté
perçue à travers les dépenses de consommation, demeure importante, c’est-à-dire Sikasso,
Tombouctou, Mopti et Ségou.
Le cas de la région de Kayes fait exception. La pauvreté y recule assez vite et la migration se
maintient. Il existe sans doute la conjonction de plusieurs facteurs :
- l’aspect culturel de la migration dans cette région ;
- une contribution de la migration à l’amélioration des conditions de vie des
populations, situation qui contribue à maintenir ou même à intensifier la même
migration.
De 1998 à 2011, la proportion des migrants externes par région a considérablement changé.
Le RGPH 1998 montrait que la région de Sikasso était celle qui avait plus de personnes
(23,7%) à l’étranger suivis par le District de Bamako (16,8%), les régions de Koulikoro
(14,4%) et de Kayes (13,4% en 4e position). Le RGPH 2009 et les résultats de l’EMOP 2011
font constater un changement de tendance : la région de Kayes est devenue celle qui fournit
plus de migrants externes (29,3% en 2009 et 25,8% en 2011) suivies des régions de Koulikoro
(16,0% en 2009 et 20,0% en 2011) et de Sikasso (13,0% en 2009 et16,1% en 2011).
Trois principales causes apparaissent comme les facteurs essentiels qui expliquent la
migration. Ces facteurs sont d’ordre économique, du dérèglement climatique et d’ordre
socioculturel. Le dérèglement climatique, avec son lot de sécheresses à répétition a rendu les
conditions de production plus difficiles participant ainsi à un accroissement de la pauvreté.
Sécheresse et dégradation des espaces agricoles ont obligé des populations à migrer à la
recherche de nouvelles terres (migration interne) ou de nouvelles opportunités de création de
biens et de revenus (migrations interne et externe), quand bien même, il peut s’agir
actuellement de miroir aux alouettes en ce qui concerne les migrants externes.
Qu’il s’agisse de migrants internes ou externes, chaque catégorie contribue selon ses moyens
à soulager les parents qu’ils ont quittés, en améliorant leurs conditions de vie, bien que leur
départ crée un vide plus ou moins profond. Dans le cas de la région de Kayes, il semble que
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les apports de la migration ont amplement contribué au relèvement du niveau de vie des
communautés.
Dans les lieux d’accueil, les migrants participent à la création de biens et de services, bien que
leur présence et leurs activités puissent souvent être sources de malentendus et de conflits
avec les autochtones. La migration externe avec son lot de drames constitue aujourd’hui un
important défi en matière de coopération internationale.
La diaspora malienne dispose de ressources financières et humaines importantes qui peuvent
être mobilisées pour des investissements productifs et le renforcement de capacité des
travailleurs dans plusieurs domaines et à tous les niveaux. Il importe pour les autorités de
créer les conditions favorables à leur mobilisation comme indiqué dans la PONAM et par les
recommandations du premier Forum des Investissements de la Diaspora Malienne (FIDIMA).
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INTRODUCTION
Les mouvements migratoires s’inscrivent dans l’histoire du Mali et ont joué un rôle important
dans la construction du pays. En effet, l’actuelle République du Mali est héritière de plusieurs
entités géopolitiques (l’Empire du Ghana, l’Empire du Mali,l’Empire Songhay, le Royaume
de Ségou, le Royaume du Macina, etc.) qui, à travers les multiples guerres ou les activités de
commerce qu’elles ont développées, ont engendré de grands mouvements de population. Elles
ont également favorisé l’émergence de villes, notamment de capitales, qui ont exercé un fort
pouvoir d’attraction sur les populations.
L’administration coloniale n’a pas arrêté le phénomène migratoire, mais a cependant changé
certains aspects de sa nature, notamment par l’imposition de frontières fixées en fonction
d’accords politiques entre grandes puissances européennes.
La monétarisation de l’économie et la charge de l'impôt ont conduit les populations à adopter
la migration de travail comme stratégie de survie. Il s’est d’abord agi d’une migration
purement saisonnière et de courte distance, le navetanat, qui permettait aux migrants de
revenir cultiver leurs champs pendant la saison humide. Peu à peu, notamment sous
l’influence de la sécheresse, ces mouvements ont perdu de leur prégnance au profit de
migrations de plus longue durée et plus lointaine. A cette période, le Mali fait figure de
réservoir de main-d’œuvre pour les régions côtières d’Afrique (Côte d’Ivoire, Sénégal,
Ghana) et pour l’Europe (France).
Les contraintes géographiques, écologiques, économiques et sociales continuent d’entraîner
une grande mobilité des populations maliennes. La migration est importante au Mali d’une
part par l’intensité du flux et d’autre part par le montant des transferts financiers, si l’on
s’intéresse au flux des migrations et aux transferts financiers des migrants maliens vers le
pays d’origine.
L’intensité des migrations internes varie d’une région à l’autre en fonction de son niveau de
pauvreté. Les contraintes et le poids de la culture sont en général les causes de l’émigration et
les potentialités sont les facteurs de l’immigration dans chaque région. On peut émettre aussi
l’hypothèse que les migrations interrégionales, intersectorielles et saisonnières sont liées aux
contraintes et aux potentialités existant dans chaque région. La population rurale notamment
la composante jeune constitue la bonne partie des migrants ruraux vivant dans des conditions
de vie souvent précaires les conduisant à choisir la migration. On peut citer entre autres
comme conséquences :
- le dépouillement des campagnes de leurs forces de travail, ce qui peut avoir un impact
sur la production agricole ;
- l’urbanisation non contrôlée avec son corollaire de faible viabilisation des quartiers ;
- le développement de la délinquance dans les villes à cause de la paupérisation des
ménages en raison du chômage, du sous-emploi…
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15
Les facteurs économiques expliquent pour beaucoup l’importance de l’émigration malienne
(87 % selon le RGPH 2009). S’agissant des flux migratoires, certaines études (Merabet,
2007 ; Ouallet, 2008) estiment à plus de 4 millions de personnes la communauté malienne
vivant à l’extérieur. Cette communauté se caractérise par sa forte structuration et sa capacité
de mobilisation pour le pays d’origine. Cette migration internationale est confrontée à
beaucoup de difficultés dont :
- de nombreux drames dans les tentatives d’émigrer vers l’Europe (naufrage de bateaux
lors de la traversée des océans) ;
- des contraintes liées aux législations des pays d’accueil (chasse aux immigrés
clandestins et les reconduites aux frontières) ;
- la fuite des cerveaux et la perte de bras valides.
Les mouvements migratoires suscitent de nos jours la montée des sentiments xénophobes et
l’émergence des mouvements politiques d’extrêmes droites dans les pays d’accueil. Ces
mouvements comportent d’importants enjeux à travers le monde.
Au plan international, la question de la migration est devenue, au fil des ans, un débat de
politique interne des pays occidentaux et même un thème déterminant des campagnes
électorales dans ces pays. La persistance de la crise économique et financière, le chômage
grandissant des jeunes, le manque d’opportunités réelles d’emplois ont amené beaucoup de
pays de destination à durcir les conditions d’entrée et de séjour.
Ces difficultés ont conduit bon nombre de jeunes du Mali et des pays voisins à emprunter les
voies de la migration irrégulière dont la plupart partent ou se croisent sur le territoire national.
Le corollaire de cette situation de la migration irrégulière est le drameàlongueur de journée de
perte des vies humaines aux larges de la méditerranée.
La migration apparaît donc comme une composante importante des réalités des populations
maliennes qui interagit avec leur état de pauvreté et de développement. La présente étude a
menéune analyse approfondie sur les questions de migration tant aux niveaux interne
qu’international, en vue de permettre une meilleure compréhension des questions de
migration et de leurs interrelations avec la réduction de la pauvreté et le développement
humain durable.
La méthodologie utilisée comprend deux parties : l’analyse documentaire et des entretiens
avec des acteurs ciblés sur les différentes thématiques à étudier. Au titre des entretiens avec
les acteurs, ont été visées les structures nationales et internationales s’occupant de la
migration d’une part et d’autre part les organisations de migrants et les ONG à Bamako et
dans les régions de Kayes et Sikasso.
L’étude comprend quatre parties traitant : (i) Problématique et gestion de la migration, (ii)
Causes de la migration et profil des migrants, (iii) Migration interne, pauvreté et
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développement humain durable, (iv) Migration externe, pauvreté et développement humain
durable. Elle formule également des recommandations.
I. LIENS ENTRE DEVELOPPEMENT HUMAIN DURABLE ET MIGRATION
1.1. Contexte de développement et de réduction de la pauvreté au Mali
La question fondamentale qui se pose est celle de l’utilisation du potentiel humain de la
migration dans l’intérêt de tous. Les possibilités économiques, qui existent ailleurs, incitent
les populations à changer de pays en quête d’une vie meilleure. Les facteurs comme les
sécheresses et les conflits sont eux aussi des causes de migration.
Le changement climatique représente pour le Mali un très grand défi. Il engendre
d'importantes perturbations dans le fonctionnement des écosystèmes du pays et contribue à la
désertification. Il touche et menace déjà des secteurs clefs pour le développement du pays :
l̀ eau, l̀ agriculture, l̀ élevage, la pêche, les forêts et la santé.
Une des vulnérabilités du Mali se situe également au niveau de sa démographie galopante. Il
est établi qu’une croissance démographique qui ne s’accompagne pas d’une augmentation
correspondante de ressources peut effacer tous les efforts de réduction de la pauvreté. A titre
d’illustration, la forte croissance démographique, jointe à la croissance économique négative
qui a accompagné la crise de 2012, a rendu les jeunes encore plus vulnérables et plus
facilement mobilisables pour des activités illégales ou déstabilisantes. Ainsi, beaucoup de
jeunes, pour qui l'avenir semblait sans espoir, sont devenus des proies pour les groupes
armés, criminels et/ou terroristes.
Les travailleurs migrants apportent des ressources financières, des connaissances et des
compétences nouvelles. Leur créativité, leur esprit d’innovation et leur expérience rendent la
migration mutuellement bénéfique pour les migrants qui accèdent au travail et les pays
d’accueil qui bénéficientdeleurs compétences et deleurs expériences. Avec un indice de
développement humain (IDH) de 0,419 en 2014 contre 0,407 en 2013 selon le Rapport
Mondial sur le Développement Humain (RMDH) 2015, le Mali fait partie du lot des pays à
faible développement humain (IDH inférieur à 0,555 pour l’année 2014). Cette valeur de
l’IDH attribue au Mali le 179ème rang sur 188 pays classés.
Le taux de pauvreté monétaire a connu une baisse importante entre 2006 et 2011, passant de
56,1 % à 45,4%. Cette baisse de la pauvreté serait une résultante d’une part de la croissance
économique et d’autre part de la réduction des inégalités. Liée au ralentissement économique
induit par la crise de 2012, la pauvreté a augmenté entre 2011 et 2013, avant de fléchir très
légèrement en 2014. En effet, le taux de pauvreté monétaire est passé de 45,4% en 2011 à
47,1% en 2013. En 2014, grâce à la reprise des activités économiques, le taux de pauvreté a
très légèrement diminué à 46,9%.
Malgré les quelques résultats engrangés, depuis la mise en œuvre des différents documents de
stratégies de réduction de la pauvreté au Mali, la cible OMD qui consistait à réduire le taux de
pauvreté de moitié (34,7%) avant 2015 n’a pas été atteinte. La pauvreté monétaire s’est
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accentuée de 2011 à 2013, aussi bien dans le milieu urbain (de 47 à 49,3%) que dans le milieu
rural (de 51 à 54,5%). Un infléchissement relativement faible a été enregistré en 2014, car le
milieu rural a connu une diminution passant de 54,5% à 52,8%, tout comme le milieu urbain
où le taux de pauvreté est passé de 49,3% à 46,6%. Le taux de pauvreté dans le District de
Bamako en 2014 est de 11,1% contre 10,3% en 2013. Il convient de noter que l’incidence de
la pauvreté en 2014 à Bamako et en milieu rural est plus élevée que son niveau de 2011.
Pour réduire efficacement la pauvreté et les inégalités, le Gouvernement du Mali avec l’appui
des partenaires techniques et financiers a entrepris le processus de relecture du CSCRP 2012-
2017 en vue de disposer d’un nouveau document unique de référence affichant une bonne
visibilité des priorités de développement du pays.
1.1.1. Evolution des indicateurs macroéconomiques
Le taux de croissance réelle du PIB est ressorti à 7,2% en 2014 contre 1,7% en 2013. Cette
performance est imputable principalement aux secteurs primaire et secondaire dont les valeurs
ajoutées ont connu respectivement des hausses de 10,4% et 9,2% en 2014 contre -7,5% et
5,5% en 2013.
L’économie malienne a enregistré une croissance moyenne de 3,5% du PIB sur les cinq
dernières années (2010-2014). Cette croissance a été tirée essentiellement par le secteur
primaire avec un taux de croissance moyen de 4,3%.
Figure 1: Evolution du taux de croissance réel du PIB de 2010 à 2014
Source : INSTAT, Comptes Nationaux,mars 2015
En 2014, l’inflation des prix à la consommation n’a été que de 0,9% en 2014 contre -0,6% en
2013. Cette baisse est due essentiellement aux postes «Produits alimentaires et boissons non
alcoolisées», «logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles», et « transport». Ce
niveau d’inflation est conforme à la norme communautaire de l’UEMOA (3,0% maximum).
Figure 2 : Évolution de l’inflation de 2010 à 2014
Source : INSTAT
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En 2014, le taux d’accroissement de la consommation finale a baissé de 3,0 points de
pourcentage par rapport à 2013. Cette évolution est imputable au recul de la consommation
finale des ménages et de celle du public.
La demande d’investissement est restée dans une bonne dynamique en 2014 sous l’impulsion
des programmes d’investissements publics ainsi que du secteur privé. La Formation Brute du
Capital Fixe a enregistré une croissance de 17,2% en 2014 contre 24,0% en 2013.
Au terme de l’année 2014, le solde de la balance des services est ressorti à -938,8 milliards de
FCFA, après -854,1 milliards un an auparavant. Cette évolution est induite, d'une part, par la
hausse du fret en liaison avec l'accroissement des importations de marchandises et, d'autre
part, par la hausse des flux débiteurs de services militaires reçus avec la MINUSMA.
Le solde du revenu primaire s’est établi à -193,1 milliards de FCFA en 2014, après -213,7
milliards un an plus tôt. Cette détérioration du solde est liée aux revenus d'investissement
générés dans les secteurs aurifère et des télécommunications au cours de l'année 2013. Quant
aux paiements d'intérêts sur la dette publique extérieure, ils se sont inscrits à 17,2 milliards de
FCFA en 2014, après 18,4 milliards en 2013.
Les recettes totales cumulées en réalisation à la fin décembre 2014 sont ressorties à 1 056,1
milliards de FCFA contre une réalisation de 951,2 milliards de FCFA à la fin décembre 2013,
soit une augmentation de 11,02%. Les recettes budgétaires ont atteint 939,3 milliards de
FCFA en 2014 contre 842,7 milliards de FCFA en 2013, soit une hausse de 11,5%en lien avec
l’amélioration des recettes fiscales. Les recettes fiscales nettes sont passées de 804,5 milliards
de FCFA en 2013 à 894,5 milliards de FCFA en 2014, soit une progression de 11,2%. Les
recettes non fiscales sont passées de 38,2 milliards de FCFA en 2013 à 44,7 milliards de
FCFA en 2014, soit une hausse de 17,01%.
Le solde budgétaire de base s’est amélioré en s’affichant à -55 milliards de FCFA en 2014
contre -160,4 milliards de FCFA en 2013. En termes de pourcentage du PIB, il a été de -
2,5% en 2014 contre -2,9% en 2013.
Au 31 décembre 2014, l’encours de la dette publique à moyen et long termes est estimé à
1930,0 milliards de FCFA contre 1698,5 milliards de FCFA au 31 décembre 2013. Il
comprend la dette intérieure pour 445,4 milliards de FCFA, soit 23,1% du total et la dette
extérieure pour un montant de 1 484,6 milliards de FCFA, soit 76,9% de l’encours total.
Tableau 1: Encours de la dette publique de 2010 à 2013 (Mrds de FCFA)
Rubrique/Année 2012 2013 2014
Encours de la dette extérieure 1350,0 1445,0 1 484,6
Encours de la dette intérieure 195,0 253,5 445,4
Encours Total Dette publique 1545,0 1698,5 1930,0
Ratio encours de la dette/PIB (en%) 29,5% 31,4% 31,1%
Source : DGDP
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1.1.2. Situation sociale
La situation sociale en 2014 a été marquée par la poursuite du processus de négociation et de
réconciliation nationale avec la tenue des pourparlers inter maliens d’Alger. Processus engagé
suite à la crise socio-politique et sécuritaire que le pays a connue en 2012 et qui a abouti à la
signature d’un accord de paix entre le Gouvernement du Mali et les groupes armés du Nord.
Elle a été aussi marquée par la reprise de la coopération avec les Partenaires Techniques et
Financiers, les contraintes de l’épidémie EBOLA et la préparation du document de la
Stratégie Commune d'Accompagnement Pays (SCAP II) 2015-2018.
Une amélioration des indicateurs sociaux a été notée, cela en rapport avec les efforts déployés
par les autorités en faveur du bien-être des populations.
La situation en matière de nutrition et sécurité alimentaire de 2012 à 2014 a été préoccupante.
En matière de sécurité alimentaire, en 2012, environ 4,6 millions de personnes ont été
considérées vulnérables à l’insécurité alimentaire. Selon les acteurs humanitaires, le nombre
de personnes en insécurité alimentaire sévère est passé de 810 000 en décembre 2013 à 1 530
000 en mars 2014. Pour 2015, l’estimation est de 841 340.
En matière d’éducation, la pression démographique pose le problème de l’adéquation des
capacités d’accueil avec les besoins en scolarisation. En effet, le nombre des enfants de la
tranche d’âge de 7-15 ans, devrait être de 4,7 millions en 2020, d’où la nécessité de multiplier
par deux (2) les capacités d’ici 2020 sur la base des capacités d’accueil de 2009 pour faire
face à ces besoins. Le Taux Brut d’Admission au 1ercycle de l’enseignement fondamental a
connu une bonne évolution entre 2001 et 2007, passant de 54,3% à 75,8%. De 2007 à 2011,
ce taux a oscillé entre 75% et 79%. Mais à partir de 2011 une forte régression est constatée, le
taux est passé de 74,6% à 57,6% en 2013 pour remonter à 60,5% en 2014. Cette régression est
due à plusieurs facteurs à savoir : (i) la situation socio-économique des ménages, (i)
l’insécurité et (iii) la faiblesse de l’offre éducative.
La situation globale de l’état de santé des populations se caractérise par une mortalité infantile
élevée, un état nutritionnel des enfants et des femmes enceintes toujours préoccupant.
L’accessibilité à des soins de santé de qualité reste un problème. Les taux d’accès au Paquet
Minimum d’Activités (PMA)sanitaires dans un rayon de 5 km et 15 km n’ont augmenté
respectivement que de 1 et 2 points de pourcentage entre 2012 et 2014. En matière de lutte
contre le VIH/SIDA, le taux de prévalence est de 1,1% en 2014 (EDSM V). Les personnes
vivant avec le VIH (PV/VIH) ont été prises en charge sur 85 sites en 2014. En fin 2014, 49
720 personnes vivant avec le VIH ont été initiées aux Anti rétroviraux (ARV).
Les femmes représentent plus de la moitié de la population et constituent la majorité des
pauvres de la planète. Elles produisent la moitié des aliments, ne gagnent que 10 % du revenu
total, possèdent moins de 2 % des terres, reçoivent moins de 5 % des prêts bancaires. Dans le
secteur formel, la représentation des femmes dans les instances de décisions reste encore très
faible. Pour parvenir à corriger les inégalités entre hommes et femmes, il est essentiel
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d’intégrer le genre dans la conception et la budgétisation des politiques et stratégies pour
davantage de justice et d’égalité dans la conduite des actions publiques.
Le taux d’accès à l’eau potable a baissé d’environ cinq (5) points de pourcentage entre 2012
et 2014 à tous les niveaux : national, urbain et rural. Il est passé de 68,5% en 2012 à 63,8% en
2014. Plus d’un tiers de la population n’a pas accès à l’eau potable. Il existe également une
grande disparité de couverture entre le milieu rural et le milieu urbain. Selon les données de
2013, la couverture en eau potable est de 91% dans les zones urbaines et 54% dans les zones
rurales. Dans les régions du nord, la plupart des infrastructures d’accès à l’eau ont été
vandalisées, pillées ou abandonnées. Ainsi, la capacité de fourniture d’eau dans les localités
du Nord a été réduite d’environ 40%, alors que leurs sous-sols recèlent d’importantes
ressources en eau renouvelables.
La dégradation des écosystèmes porte préjudice aux populations rurales. La diminution de la
biodiversité a eu un impact négatif sur les activités génératrices de revenus. Les impacts sont
plus sévères sur les populations les plus démunies car celles-ci dépendent complètement des
ressources naturelles. C’est ainsi qu’en matière de gouvernance environnementale, le Mali
enregistre un très mauvais rang, il est à la 177ièmeplace sur 178 pays classés (indice EPI,
2014).
Pour l’assainissement, les taux sont de 35% en milieu urbain et 14% en milieu rural. Les
populations utilisent majoritairement des ouvrages d’assainissement autonomes.
L’assainissement collectif ou semi collectif ne concerne que quelques quartiers de Bamako et
de certaines capitales régionales. Le tout-à-l’égout n’existe que dans la capitale, desservant
moins de 1% des habitants de Bamako. Le fleuve Niger constitue son exutoire. Les
populations desservies ne représentent qu’une infime partie des habitants des localités
concernées.
L’accès à l’électricité a plus que doublé au cours des dix dernières années (32% en 2013 ), en
partie grâce aux services d'électricité fournis par EDM SA, aux sociétés énergétiques privées
locales soutenues par l'Agence Malienne pour le Développement de l'Energie Domestique et
de l'Electrification Rurale (AMADER), par le Fonds d'électrification rurale et par l'Agence
Nationale pour le Développement des Biocarburants (ANADEB). Toutefois, les taux
d'électrification sont encore très faibles, en particulier dans les zones rurales (15% dans le
secteur rural, comparativement à 55% dans les centres urbains).
La proportion des ménages propriétaires de leur logement est de 73,9% en 2013 contre 73,2%
en 2011. Dans la Stratégie Nationale du Logement, les besoins en logements sont estimés à
440 000 unités (pour 2015). Le nombre de demandeurs solvables est d’environ 428 000 dont
153 000 pour les résidents locaux et 275 000 pour les Maliens de l’extérieur.
Le pourcentage de la population couverte par le système de protection sociale a augmenté au
cours des trois premières années de mise en œuvre du CSCRP. Il est passé de 10,81% en 2012
à 16,32% en 2014. La protection sociale et l’économie sociale et solidaire sont
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21
particulièrement importantes pour venir en appui aux groupes vulnérables. La situation de
vulnérabilité se traduit essentiellement par une précarité économique et une très grande
incertitude quant à la capacité de faire face aux événements imprévus. Cette situation de
vulnérabilité se traduit également par un accès très limité aux services sociaux de base. En
outre, le système de protection sociale et son degré de couverture est révéleur du degré de
développement humain d’un pays.
En 2014, la population en âge de travailler est estimée à 8 043 098 sur une population de 17,2
millions d’habitants dont 50,4% de femmes. De plus, la main-d’œuvre (actifs occupés et
chômeurs) occupe 74,4% de cette population (soit 5 986 584 personnes) et 25,6% d’entre
elles sont économiquement inactives. La main-d’œuvre est constituée d’hommes (53,3%)
contre 46,7% pour les femmes. Le taux de chômage est estimé à 8,2%, ce qui correspond à un
effectif de 492 310 chômeurs dont 52,6% de femmes contre 47,4% d’hommes. En effet, le
taux est de 11,5% à Bamako, 11,1% pour les autres zones urbaines contre 7,3% en milieu
rural. Les femmes sont les plus exposées au chômage quel que soit le niveau d’instruction.
C’est surtout à Bamako et autres zones urbaines que la différence entre le taux de chômage
des hommes et celui des femmes de même niveau d’instruction est plus marquée, surtout à
partir du secondaire. En outre, le chômage est et demeure un phénomène urbain. Il faut aussi
noter que près de 3/4 des chômeurs sont dans la tranche d’âge de 15-35 ans au niveau des
autres zones urbaines. A Bamako, cette proportion atteint les 85%.
Par ailleurs et s’agissant des actions humanitaires, la situation des personnes déplacées
internes en février 2016est de 41 062 et celle des réfugiées est de 138 564 selon les données
de la Direction Nationale du Développement Social.
1.2. Les indicateurs de développement humain
Le caractère multidimensionnel du développement humain et la profondeur du concept ont
rendu nécessaire la construction de différents indices en vue de pouvoir cerner ses multiples
aspects. Au-delà de l’IDH qui est le plus usité, les principaux indicateurs sont les suivants :
l’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) ;
l’indice d’inégalité de genre (IIG) ;
l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) ;
l’indice de Développement Humain (IDH).
Chacun de ces indices apporte des informations sur le développement humain dans le pays
pour lequel il est calculé. Nous rappelons que depuis le Rapport mondial sur le
développement humain de 2010, les quatre indices composites ci-dessus sont présentés, l’IIG
et l’IPM sont des indices expérimentaux.
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1.2.1. L’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI)
Il ne se limite pas au niveau de développement humain atteint dans un pays en termes de
santé, d’éducation et de revenus. Cet indice se fixe l’objectif de montrer la répartition des
réalisations entre la population, en réduisant la valeur de chaque dimension en fonction du
niveau d’inégalité qu’elle présente. L’IDHI peut être interprété comme le niveau réel du
développement humain (tenant compte des inégalités), alors que l’IDH désigne le
développement humain potentiel qu’il serait possible d’atteindre en l’absence de toute
inégalité. La différence entre l’IDH et l’IDHI, exprimée sous forme de pourcentage, indique
la perte subie par le développement humain potentiel en raison des inégalités. La différence
entre le classement selon l’IDH et l’IDHI montre que la prise en compte des inégalités est
susceptible de faire reculer un pays dans le classement si cette différence a une valeur
négative. Il y a une possibilité de faire progresser le même pays si la différence est positive.
Différents indices dimensionnels sont calculés pour aboutir à l’IDHI :
- l’indice d’espérance de vie ajusté aux inégalités (0,318 en 2014) ;
- les pertes subies par le Développement Humain potentiel en raison des inégalités dans
l’espérance de vie (45,6% en 2014) ;
- l’indice de niveau d’éducation ajusté aux inégalités (0,176 en 2014) ;
- les pertes subies par le DH potentiel en raison des inégalités de niveau d’éducation
(41,6% en 2014) ;
- le coefficient de Gini qui exprime les inégalités de revenu (0,33 sur la période 2005-
2013).
La valeur chiffrée de l’IDHI pour le Mali au titre de 2014 est de 0,270.
1.2.2. L’indice d’inégalité de genre (IIG)
Cette grandeureffectueune mesure des inégalités dans les réalisations des hommes et des
femmes dans trois dimensions : santé reproductive, autonomisation et marché du travail.
L’IIG devrait permettre l’analyse des politiques et efforts. Une valeur élevée indique une forte
inégalité entre les hommes et les femmes. En 2014 l’IIG s’est établi à 0,677 pour le Mali, le
classant au 150ème rang sur 188 pays classés.
1.2.3. L’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM)
Il est conçu pour déterminer le cumul de privations auxquelles les personnes sont confrontées
dans les domaines de l’éducation, de la santé et des niveaux de vie. L’IPM fournit l’incidence
d’une pauvreté multidimensionnelle non monétaire, il s’agit du dénombrement des personnes
se trouvant dans la pauvreté multidimensionnelle et aussi de l’intensité de celui-ci (nombre
relatif de privations subies simultanément par ces personnes). En 2014 l’IPM s’est établi à
0,456 pour le Mali.
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1.2.4. L’Indice de Développement Humain (IDH)
Le Développement humain d’un pays prend en compte plusieurs dimensions, l’IDH en
constitue une mesure synthétique. Le niveau élevé de cet indice traduit la longévité des
populations, un bon niveau d'éducation et le fait d’avoir un niveau de vie décent.
La méthode de calcul de l’IDH a connu une révision1 en 2010 pour la raison qu’elle ne
permettait pas de mieux mesurer les progrès accomplis dans les trois dimensions de base.
Ainsi, la santé est mesurée par l’espérance de vie à la naissance (nombre d’années qu’un
nouveau-né peut espérer vivre si les taux de mortalité par âge ayant prévalu au moment de sa
naissance demeurent inchangés tout au long de sa vie). La mesure des réalisations en matière
d’éducation prend en compte les années de scolarisation escomptées pour un enfant d’âge
scolaire et les années de scolarisation préalables moyennes pour les adultes âgés de 25 ans et
plus. S’agissant du niveau de vie, la mesure est désormais faite à travers le Revenu National
Brut2 (RNB) par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat.
Une fois définies les valeurs minimales et maximales, nous calculons les sous-indices de la
manière suivante :
Indice dimensionnel =
–
–
(1)
Pour l’éducation, nous utilisons l’équation (1) pour chacune des deux composantes, puis nous
calculons la moyenne géométrique des indices résultants, et finalement nous appliquons de
nouveau l’équation (1) à la moyenne géométrique des indices, en utilisant zéro comme valeur
minimale et, comme valeur maximale, la valeur la plus élevée des moyennes géométriques
des indices obtenus pour la période considérée. Cette méthode revient à appliquer directement
l’équation (1) à la moyenne géométrique des deux composantes.
Chaque indice dimensionnel servant d’indicateur des capacités dans la dimension
correspondante, la fonction permettant de convertir le revenu en capacités est susceptible
d’avoir une forme concave (Anand et Sen 2000). Dans le cas du revenu, nous utilisons donc le
logarithme népérien des valeurs minimales et maximales utilisées.
2ème étape : cumul des sous-indices pour obtenir l’indice de développement humain
L’indice s’obtient en calculant un indice dimensionnel correspondant à chacune des 3
composantes ci-dessus mentionnées, enfin à retenir la moyenne géométrique de ces indices
dimensionnels : (
.
.
). (2)
Tableau 2: Evolution de l’IDH du Mali entre 2010 et 2014
Année 2010 2011 2012 2013 2014
IDH 0,409
0,415 0,414 0,416 0,419
Source : Bureau RMDH
1Selon la formule des IDH calculés avant 2010, la santé était mesurée par l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éduca tion était mesuré par un mélange du taux
d’alphabétisation et du taux brut de scolarisation combiné. Q uant au niveau de vie, il était mesuré par le PIB par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat
2Le RNB comprend les revenus de la propriété et de l’entreprise reçus du reste du monde et les mêmes revenus versés au reste du monde. En d’autres termes, il prend en compte
les flux internationaux pour ne retenir que les richesses conservées au sein du pays.
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Tableau 3: Calcul des indices dimensionnels et de l'IDH en 2014
Indicateurs de mesure des dimensions Valeur en 2014
Espérance de vie à la naissance (en année) 58,0
Durée moyenne de scolarisation (en année) 2,0
Durée attendue de scolarisation (en année) 8,4
RNB/ habitant (en PPA en dollars) 1583
Indice de Développement Humain au niveau mondial 0,419
Sources : RMDH 2015
Ainsi, l’IDH mondial au titre de 2014 (publié dans le Rapport mondial 2015) s’est établi à
0,419.
1.2.5. Que retenir des résultats 2014 en matière de Développement Humain ?
En 1990, le premier rapport sur le développement humain partait d’une notion simple : le
développement est le processus qui élargit l’éventail des possibilités offertes aux individus, en
s’intéressant plus généralement à la richesse des vies humaines au lieu de se limiter à la
richesse des pays. Le travail, pierre angulaire de ces deux richesses, est cependant souvent
conceptualisé en termes économiques plutôt qu’en termes de développement humain. Le
rapport sur le développement humain 2015 transcende cette convention en établissant un lien
direct entre le travail et la richesse des vies humaines.
Ce rapport commence par poser une question fondamentale : comment le travail peut-il
renforcer le développement humain ? Il se place dans une optique élargie du travail, ajoutant à
la notion d’emploi celles de travail de soins non rémunéré, de travail bénévole et de travail
créatif, autant de formes de travail qui contribuent à la richesse des vies humaines.
1.3. Liens entre les composantes du Développement Humain et la Migration
Il existe des liens entre la migration et les composantes du développement humain durable.
L’immigration dans certains cas/secteurs octroie à l’économie des ressources humaines qui
contribuent à la création de richesses, donc à l’accroissement du PIB. Cela s’opère dans les
secteurs où le Mali est moins compétitif (ex : mines, hôtellerie, restauration, etc.).
De la même manière les migrations internes – qui constituent aussi une redistribution des
ressources humaines à l’intérieur du territoire – permettent à une partie du pays de bénéficier
des compétences/ressources humaines d’une autre partie du territoire. C’est le cas de la pêche
dans la zone de Sikasso par les ressortissants de la région de Mopti. Ce qui accroît aussi le
PIB et par conséquent le RNB en raison de l’amélioration des rendements et des productivités,
d’où leur contribution à l’amélioration du développement humain. Un autre effet des
migrations internes est l’obtention des parts de marchés étant donné que les migrants internes
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contribuent à la relance des activités économiques à travers leurs besoins de consommations
dans la zone d’accueil.
Par ailleurs, les migrations externes génèrent des flux financiers importants en destination du
pays. Ces flux financiers sont plus élevés que le volume de l’APD reçu et le montant annuel
du BSI. Ils permettent de réduire la pauvreté monétaire des ménages bénéficiaires à travers la
consommation. Mais les tendances nouvelles incitent à l’orientation de ces fonds vers des
projets d’investissement productif. Les revenus ainsi générés permettent d’accroître les
richesses créées (RNB) et par la suite d’améliorer la composante « niveau de vie décent » de
l’IDH.
Une partie des transferts de fonds est utilisée dans la réalisation des infrastructures sociales de
base (écoles, centres de santé, adduction d’eau, etc.). Ce qui permet également la réduction de
la pauvreté des conditions de vie, et donc l’amélioration des composantes « santé, longévité »
et « instruction » de l’IDH.
Le lien entre DHD et Migration s’exprime également à travers les transferts de connaissances.
En effet, le pays a bénéficié de l’apport des émigrés universitaires pour renforcer le corps
professoral des jeunes universités du Mali à travers le programme TOKTEN, contribuant ainsi
à accroître la qualité de l’enseignement supérieur. En outre, l’élargissement de ce programme
aux entreprises maliennes permet de renforcer la compétitivité de celles-ci et de créer des
emplois. La mise en œuvre de ce programme favorise ainsi « le niveau de vie décent » et
augmente l’IDH.
En définitive, les questions de migration ne doivent pas être appréhendées sous l’angle des
problèmes seulement, mais aussi comme des facteurs contribuant à l’intégration économique
et sociale des peuples et des nations. C’est un processus contribuant à la recherche de
meilleures conditions de vie.
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II. PROBLEMATIQUE ET GESTION DE LA MIGRATION
2.1. Problématique de la migration
La migration est très souvent l’expression d’un mal-être ou du moins d’un malaise
quelconque. C’est une mobilité des populations caractérisée par trois dimensions
importantes :(i) l’importance des contraintes multiples et diverses comme causes ou
conséquences ; (ii) l’importance des flux migratoires à l’intérieur ou vers l’extérieur du pays ;
(iii) l’importance des apports aux zones de départ, notamment les transferts financiers.
Dans certaines parties du Mali, la migration est une pratique très ancienne qui varie selon les
périodes et en fonction de l’ampleur des contraintes.
Actuellement les analyses des migrations, selon la perspective économique, font perdre de
vue le fait que la migration peut aussi s’inscrire dans un système de représentations d’ordre
culturel et identitaire et apparaît alors comme un rite initiatique (partir pour mûrir), « une
possibilité de promotion sociale ».
Quoi qu’il en soit, la migration est une composante importante des réalités des populations
maliennes. Face aux catastrophes naturelles et aux crises multiples ayant conduit à une
détérioration des conditions économiques, « le recours à la pratique migratoire (s’inscrit) dans
le cadre des stratégies familiales de diversification des revenus. » (Lesclingand 2004, 23).
Qu’elle soit interne ou externe, la migration semble s’inscrire dans une logique de gestion
d’une contrainte quelconque. D’après Gonin (2010), migrer c’est :
- « Partir pour vivre » ;
- « Partir pour rester » ;
- « Partir pour que les autres restent » ;
- « Partir pour mieux revenir ».
Le premier objectif renvoie à une quête de meilleures conditions de vie (pas nécessairement
une installation mais la recherche d’une relative autonomie financière, les migrations
temporaires), le deuxième s’inscrit dans la perspective de recherche d’une solution face aux
crises persistantes (une installation). Letroisième évoque un regard tourné vers ceux que le
migrant a laissés derrière lui et la nécessité de les aider (les transferts financiers). Le
quatrième objectif affiche clairement une intention de retour après une migration réussie.
Ces objectifs reflètent surtout les logiques individuelles des migrants qu’il convient de
prendre en compte, en complément des analyses macro-économiques et macro-sociales.
Finalement, la mobilité spatiale, quelle qu’elle soit (partir pour rester, partir pour que les
autres restent, partir pour mieux revenir) est toujours une quête de mieux vivre.
Parmi les migrants, les jeunes semblent constituer un gros lot. En effet, « beaucoup d’entre
eux expriment leur scepticisme face à l’avenir et dénoncent l’absence d’opportunités dans leur
pays pour justifier leur départ ». (Ouallet, 2008, 94). Face à l’absence d’opportunités, la
migration est présentée comme une stratégie de lutte contre la pauvreté. Au-delà de cette
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stratégie et à un niveau individuel, les migrations « qui se réalisent pendant la jeunesse, une
période de la vie où les désirs d’affirmation personnelle et d’émancipation du groupe social
d’origine sont particulièrement forts. » (Lesclingand 2004, 24).
Toutefois, en partant, les migrants vident les villages et posent le problème de main-d’œuvre.
« Partir pour que les autres restent » se traduit par l’importance des flux financiers par
transfert. Une des fonctions avérées de la migration est d’être une assurance pour les familles
du lieu de provenance : « Grace aux transferts qu’ils effectuent, les migrants pallient l’absence
ou la défaillance des systèmes formels d’assurance dans des régions où les revenus d’activités
sont d’une extrême variabilité, les maladies plus fréquentes et plus dommageables qu’ailleurs,
l’instabilité politique, économique ou sociale plus forte. » (Gubert 2008, 52). Les transferts
assurent une sécurité, de plusieurs points de vue, à ceux qui ne sont pas partis.
Longtemps orientés vers la satisfaction des besoins individuels et familiaux, actuellement les
transferts s’inscrivent aussi de plus en plus dans une logique de développement local, surtout
en ce qui concerne l’offre de services de base (eau, santé, éducation) et la communication
(route et téléphonie), participant ainsi à la lutte contre la pauvreté.
Au regard de l’importance des flux migratoires et de l’importance du rôle que jouent de plus
en plus les transferts dans le développement local, la nécessité d’une meilleure régulation des
flux et une meilleure gestion des transferts financiers s’imposent. Mieux capitaliser les
hommes et leurs biens est un grand défi des migrations actuelles.
2.2. Dispositif institutionnel
L’importance de la problématique migratoire a conduit de nombreux acteurs à intervenir
dansle processus de collecte d’informations, d’analyse et de gestion des problèmes de
migration.
Au niveau gouvernemental, il existe un Ministère en charge des Maliens de l’Extérieur qui a
pour missions entre autres : (i) la promotion des intérêts et la protection des Maliens établis à
l’étranger, (ii) la mise en œuvre des actions relatives au retour et à la réinsertion des Maliens
de l’extérieur, (iii) l’élaboration et la mise en œuvre de mesures destinées à assurer une pleine
implication des Maliens établis à l’extérieur dansla vie nationale et dans la réalisation des
actions de développement.
Ce ministère s’appuie sur les structures suivantes :
- La Délégation Générale des Maliens de l'Extérieur, créée par Ordonnance N°00-046/P
- RM du 25 Septembre 2000, a pour missions d'élaborer les éléments de la politique
nationale en matière d'administration, d'assistance, de protection et de promotion des
Maliens de l'Extérieur, d'assurer la coordination et le contrôle des Missions
Diplomatiques et Consulaires qui concourent à la mise en œuvre de cette politique.
- Le Centre d’Information et de Gestion des Migrations, ouvert officiellement, le 6
octobre 2008, est un projet pilote du Gouvernement malien et de la CEDEAO. Il a
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pourmissions:(i)l’améliorationdelaconnaissance
desphénomènesmigratoires;(ii)l’accueil,l’information,l’orientationet
l’accompagnementdesmigrantspotentielsetdesmigrantsderetour;(iii)
l’informationsurlesconditionsjuridiquesdelamigrationetlasensibilisationde
lapopulationpourlapréventiondelamigrationirrégulièreet(iv)lavalorisation
ducapitalhumain,financierettechniquedesMaliensdel’extérieur
- Le TOKTEN (Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals, ou encore
Transfert de Connaissances à travers les Nationaux Expatriés), opérationnel depuis
1998, travaille dans le cadre d’un partenariat entre le Gouvernement et le PNUD.
D’autres partenaires ont intégré le programme par la suite, notamment la Coopération
française, l’UE. Le projet vise à travers le transfert de compétences des experts
nationaux, le développement des secteurs stratégiques nationaux dont l’enseignement
supérieur, l’agriculture, la santé et les PME-PMI.
D’autres départements interviennent également comme les Affaires Etrangères, les Ministères
en charge de la Sécurité et de la Protection Civile, de la Santé, de l’Education, du
Développement Social, de l’Economie et des Finances, de l’Aménagement du Territoire et de
la Population. Parmi les structures de ces départements on retient notamment :
- La Cellule Technique du Codéveloppement, rattachée au Ministère de l’Economie et
des Finances, a été créée en 2002 pour valoriser les capacités de la diaspora dans le
développement local.
- L’Agence Nationale Pour l’Emploi, l’Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes
et le Fonds d’Appui à la Formation Professionnelle et à l’Apprentissage, rattachés au
Ministère de l’Emploi, de la Formation Professionnelle,de la Jeunesse et de la
Construction Citoyenne, appuient la mise en œuvre de la Politique Nationale de
l’Emploi.
Il existe également des acteurs non gouvernementaux dans le processus de gestion de la
migration :
- Le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur est une organisation faîtière des Maliens de
l’Extérieur avec un rôle consultatif auprès du Gouvernement du Mali. Il a été créé en
novembre 1991 suite aux recommandations de la Conférence Nationale et reconnu
d’utilité publique. Il se fixe entre autres comme objectifs de rassembler tous les émigrés
Maliens de l’extérieur sans distinction d’origine ethnique, régionale, confessionnelle,
sociale et de sexe ; d’encourager la participation des Maliens de l’extérieur au
développement du pays ; de participer à l’élaboration d’une politique adéquate de
réinsertion des Maliens de l’extérieur.
- Les ONG nationalesinstallées au Mali traitant des questions migratoires, avecl’appui
des partenaires au développement et/ou des autorités maliennes.
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- Les associations de la diaspora malienne qui occupent une place de premier plan dans
le dispositif de gestion de la migration du fait de l’importance des actions de
développement qu’elles réalisent.
On remarque que le dispositif est développé essentiellement autour de la migration externe. Il
n’existe pas de dispositif spécifique pour les migrations internes.
2.3. Politique Nationale de Migration
Le Gouvernement a élaboré, de manière participative, une Politique Nationale de Migration
au Mali (PONAM). La formulation de cette politique est justifiée par la diversité et la
complexité des problèmes de la migration, notamment (i) l’existence d’une diaspora
importante, mais peu protégée et peu sécurisée, (ii) des flux d’émigration importants et mal
organisés, (iii) des flux de migrants de retour involontaire de plus en plus importants et
diversifiés, (iv) des dispositifs d’accueil, de retour et de réinsertion insuffisants, (v) des
pratiques de traite des personnes et de trafic illicite des migrants de plus en plus fréquentes.
La visionqui soutient cette politique est de faire de la migration, un véritable « atout pour le
développement du pays », un facteur de croissance économique et de promotion sociale pour
réduire durablement la pauvreté.
L’objectif global de la politique consiste à mieux gérer la migration, afin qu’elle contribue à
la réduction de la pauvreté et au développement durable du pays.
Ses objectifs spécifiques sont les suivants :
- assurer la protection et la sécurisation des migrants et les membres de leurs familles en
veillant au respect de leurs droits et devoirs, en favorisant leur accès à un travail décent et
à une bonne couverture sociale ;
- mettre en place des mécanismes et des dispositifs de gestion appropriés (en matière de
connaissances, de réglementation, d’accueil et de réinsertion, de valorisation des
capacités) pour mieux organiser la migration ;
- mobiliser et valoriser les apports des diasporas pour réduire la pauvreté et soutenir le
développement national ;
- faire du Mali un carrefour ouest-africain de dialogue et de concertation sur les migrations.
Les principaux axes de la stratégie de mise en œuvre de la politique sont :
i. la protection et la sécurisation des migrants et les membres de leur famille ;
ii. la mise en place de mécanismes et de dispositifs de gestion appropriés pour mieux
organiser la migration ;
iii. l’appui à une meilleure réinsertion des migrants de retour ;
iv. la valorisation du capital humain (social, culturel, technique), économique et financier
des migrants ;
v. le renforcement des capacités des organisations des migrants et de la société civile ;
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vi. le positionnement stratégique du Mali comme carrefour ouest-africain de dialogue et
de concertation sur les migrations ;
vii. l’amélioration des connaissances sur les migrations ;
viii. la réadaptation des conditions d’entrée, de séjour et d’établissement au Mali.
La PONAM semble concerner uniquement la migration externe et l’immigration. Il
n’existe aucune politique nationale de gestion des migrations internes. Cependant la
Politique Nationale de Population prend en compte certains aspects de la question.
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III. CAUSES DE LA MIGRATION ET PROFIL DES MIGRANTS
3.1. Les causes des migrations
Les facteurs qui favorisent la décision de migrer sont nombreux. Si la migration est surtout la
réponse à une dégradation de plusieurs ordres, on considère qu’elle est, le plus souvent, la
résultante d’une détérioration des conditions de vie ordinaire.
Le 4èmeRGPH a relevé les causes de l’émigration. La principalecause est économique
(87,2%), suivie du social (6,0%) et la poursuite des études (4,2%).
Tableau 4: Répartition (en %) des émigrants, par région de départ et selon les motifs
Région de
départ
Raisons
économiques sociales professionnelles Politiques d'études de santé Autres Total
Kayes 92,9 4,1 0,7 0,1 1,9 0,3 0 100
Koulikoro 90,4 4,4 1,9 0,1 2,7 0,5 0 100
Sikasso 86,5 8,8 1,7 0,2 2,6 0,3 0 100
Ségou 90,4 5,5 1,3 0,1 2,4 0,2 0 100
Mopti 92,7 4,7 1,1 0,1 0,9 0,4 0 100
Tombouctou 89,2 5,5 3,1 0,2 1,1 0,8 0 100
Gao 79,4 12,1 2,7 0,1 3,6 2,1 0 100
Kidal 69,5 11,7 5,5 0,8 10,2 2,3 0 100
Bamako 62,3 10,4 6,5 0,2 19,6 1 0 100
Total 87,2 6,0 2,0 0,1 4,2 0,5 0 100
Source : RGPH 2009, INSTAT
Les causes des migrations internes ne sont pas directement appréhendées par les RGPH,
mais d’importantes études ont donné des indications relatives à la motivation de ce type
de migrants. D’après l’étude OIM de 2009, les facteurs engendrant la migration interne sont
multiples et diversifiés ; mais la raison économique semble prépondérante et liée au niveau de
développement socio-économique de la zone. D’autres causes sont également évoquées
comme les causes socio-culturelles, les causes liées à la dégradation des ressources naturelles
et les causes liées à la sécurité.
3.1.1. La pauvreté
Le principal motif économique de la migration interne est la pauvreté qui sévit dans la zone
de résidence habituelle ou le manque de condition de vie satisfaisante. Aussi, la majeure
partie des bras valides se dirige-t-elle vers les zones où il existe une grande activité
économique diversifiée, comme dans le District de Bamako ou vers celles qui offrent des
possibilités d’une intense production agricole, comme dans la région de Sikasso et dans la
zone Office du Niger à Ségou ou encore récemment dans les zones aurifères du pays.
Les résultats des enquêtes EMMU 1992/1993 et EPAM 2007 ont déjà indiqué que les ruraux
constituent la majorité des migrants. Cette réalité est confirmée par les résultats de l’EMOP
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2011 qui révèlent que huit migrants sur dix (81,5%) sont ruraux. Les justifications données
par ces ruraux, tout comme par les urbains, sont en rapport avec leurs conditions de vie, leurs
revenus et les potentiels de développement de leurs régions (RGPH 1998).
L’ampleur de la migration interne et/ouexterne varierait donc principalement selon
l’importance de ces contraintes et de l’indice de pauvreté dans les régions pourvoyeuses
d’émigrants.Tout compte fait, il s’agit surtout de situation que l’on qualifie de pauvreté
monétaire et qui est liée à plusieurs facteurs.
Le manque d’opportunités d’emploi, l’insuffisance des revenus et la nécessité d’un apport
extérieur sont autant de facteurs qui se sont installés dans la durée, dans plusieurs parties du
Mali. Dans ces conditions, la migration est une stratégie de diversification des revenus.
« L’émigration étrangère constitue un palliatif qu’aucune autre activité locale ne saurait
remplacer dans la mesure où elle fait bénéficier des familles entières de revenus supérieurs
aux capacités locales de production de la régions de Kayes » (Diarra, 2008, p 87).Dans la
région de Kayes et particulièrement dans le cercle de Yélimané, la baisse de production
agricole et la pauvretéreviennent de façon récurrente dans les discours sur les facteurs de
l’émigration. C. N’Diaye, ancien émigrant, retraité, explique les raisons de son départ pour la
France ainsi : « A l’époque de ma jeunesse, on migrait à Kayes puis au Sénégal pour des
activités agricoles. Dans les années 1960, il y avait la pauvreté accrue au village. J’avais des
copains en France qui m’écrivaient et décrivaient la situation en France très enviable. Alors,
j’ai ainsi demandé la permission à mes parents pour y aller. »
Un de nos interlocuteurs, migrant de retour, raconte une partie de l’histoire de sa migration
qui illustre bien cette stratégie de lutte contre la pauvreté. Les raisons de mon départ, c’est la
pauvreté de ma famille. A l’époque où je quittais, avoir un vélo à rouler était difficile. Alors,
j’ai constaté que toute personne qui partait en Côte d’Ivoire revenait avec un vélo. C’est la
pauvreté de la famille qui est à la base de ma migration vers ce pays. A l’époque dans
certains villages on comptait un seul vélo. D’autres villages en étaient dépourvus. Alors, à
l’époque quand un jeune partait en Côte d’Ivoire il revenait avec un vélo pour sa famille.
Les courses de cette famille devenaient faciles, parce que les enfants utilisent ledit vélo. Ils
l’utilisent quand ils vont dans d’autres villages, tandis que les autres marchent à pied. Cela
pousse les jeunes à aller en chercher pour leur famille. C’est dans cet objectif que je suis
parti pour la Côte d’Ivoire. Certes que je n’ai pas gagné assez de fortune, mais je ne peux pas
non plus me plaindre. J’ai fait beaucoup de réalisations dans ma famille étant en Côte
d’ivoire ». (K. BENGALY)
Face à des états pauvreté monétaire au niveau de la famille, celle-ci peut désigner une
personne pour aller tenter (d’émigrer) sa chance ailleurs, lorsque le lieu de résidence n’offre
pas d’opportunités de biens monnayables à souhait. «Le besoin d’argent est à la base des
migrations. Personnellement j’ai migré au Sénégal et en Côte d’ivoire. Je suis parti chercher
de l’argent. Ce sont ces mêmes raisons qui poussent aussi les gens à venir s’installer ici pour
faire la pêche, l’agriculture, le commerce, et toute autre activité susceptible d’apporter
économiquement ou financièrement. Par exemple si vous êtes deux ou trois jeunes dans la
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famille quand les récoltes ne sont pas bonnes, les autres décident que l’un d’entre eux aille
tenter sa chance ailleurs. » (Le chef de village de Kangaré, cercle de Yanfolila)
3.1.2. Causes naturelles : dérèglement climatique et sécheresses à répétition
Les moyens de subsistance au Mali sont, en majeure partie, liés aux ressources naturelles,
notamment en milieu rural. L’économie du pays est très dépendante du secteur primaire etles
conditions de vie sont étroitement liées aux conditions climatiques. Une bonne partie du Mali
souffre de manque d’eau nécessaire (mauvaise pluviosité) à la pratique de l’agriculture, de
l’élevage et de la pêche.
Les sécheresses répétitivesont obligéde nombreuses populations à se déplacer vers les zones
relativement favorables à ces activités. Ainsi, les sécheresses des années 70 et 80, ont donné
lieu à de massifs déplacements au cours desquels, il a été observé des flux migratoires vers le
Sud-Ouest du pays. Les principales zones de départ étaient les régions de Gao (Kidal inclus),
Tombouctou et Mopti, à destination avant tout des régions de Sikasso, Ségou et du District de
Bamako.
La détérioration des conditions de production, entrainant une insécurité alimentaire des
agriculteurs aussi bien que des éleveurs, peut conduire à entreprendre la migration comme
solution temporaire ou permanente. La perte des productions agricoles et des animaux conduit
à la pauvreté du monde paysan, dans des systèmes de production très fragiles. « Suite à la
rareté des pluies, les productions n’ont cessé de décroître par rapport aux besoins des
populations depuis la grande sécheresse des années 1973/1974. Ainsi, face à la famine, les
départs, pour la recherche de céréales complémentaires pour les besoins alimentaires, ont été
massifs (tous les âges et sexes confondus) dans tous les villages des cercles de Mopti,
Bandiagara, Bankass, Koro et Douentza. Depuis cette période de la « migration alimentaire »,
cette pratique continue dans les villages pendant les saisons sèches. Certains vont directement
travailler dans les champs de riz dans d’autres villages à la périphérie de Mopti. » (CIGEM
2011 p)
Quand bien même la région de Sikasso enregistre des flux migratoires de types nouveaux, les
mouvements de population qu’elle connaît actuellement ne datent pas d’aujourd’hui. Les
mouvements migratoires de masse dans la région sont indissociables de la grande sécheresse
qui a frappé le Mali dans les années 1970 et 1980. «Pour la majeure partie des migrants, ce
sont les conditions climatiques défavorables qui seraient à la base de leur arrivée dans la
région. Il ne pleuvait pas suffisamment dans les années 1980. Une sécheresse endémique a
provoqué un flux vraiment important d’émigrants de Mopti qui continuent à venir parce que
les conditions ne sont pas favorables». (N. DISSA)
Les sécheresses des années 1970 et 80 ont occasionné le déplacement de nombreux maliens
qui n’étaient plus capables de trouver sur place de quoi satisfaire leurs besoins fondamentaux.
« Là où les systèmes de production sont incapables d’assurer la survie des populations pour
des raisons tenant aux variations climatiques, à la dégradation des sols, à la croissance
démographique, elles ont étendu leurs capacités d’adaptation à la migration en recherchant
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hors de l’échelle locale les solutions de survie » (CISSE, 2010, 90). L’irrégularité des pluies
conduisant à la diminution des ressources naturelles s’accompagne d’une inévitable faible
productivité agricole dans les zones où l’agriculture dépend fortement de la pluviosité. La
migration apparaît comme une réponse immédiate à la sécheresse.
La recherche de bonnes terres agricoles participe aussi au développement de ce que
DOUGNON qualifie de migration de survie. « Dans le pays dogon, tant sur le plateau que
dans la plaine, les terres de cultures sont rares. Cette situation a obligé certaines familles ou
parties de familles à un transfert définitif de leurs membres vers les régions sud du pays. »
(CIGEM, 2011). Les mouvements migratoires, pour la recherche de terres agricoles, ont été
appuyés et encouragés par les autorités de l’époque, soucieuses du mieux-être des
populations. Il était urgent de trouver des moyens de production pour ces agriculteurs sinistrés
par des calamités naturelles à répétition. La solution immédiate, à portée de main, était de leur
trouver des terres de culture. Pour ce faire, la région de Sikasso paraissait être l’une des mieux
indiquées.
La situation de référence des i166 (édition 2014) a donnédes informations relatives à la
disponibilité en ressources naturelles dans les communes concernées. Les résultats obtenus
indiquent que plus de deux tiers (68,4%) des communes disposent des réserves de terres. Mais
par rapport à la disponibilité en eau d’irrigation, moins de la moitié des communes (46,2%) en
possèdent. Cela est remarquable pour l’existence de fleuve/rivière (38,6%). Cette absence
d’eau pourrait être un handicap à la pratique de l’agriculture, entrainant un nombre important
de la population à se déplacer vers les zones ayant ces ressources naturelles relativement
abondantes.
A l’intérieur de la région de Sikasso, des mouvements de personnes à la recherche de terres de
cultures ont également été enregistrés. Pour causes de saturation du foncier agricole, dans
certains cercles, de nombreuses familles ont envoyé certains membres à la recherche de
nouvelles terres : « Il est bien connu que de grandes familles détachent certains ou quelqu’un
pour aller chercher de l’argent, ou aller s’installer ailleurs et venir en aide au reste de la
famille restée.Je connais aussi, dans mon village à Yorosso, beaucoup de gens qu’on a
envoyés à Manankoro (cercle de Bougouni), avec le consentement de la famille, parce que
l’espace cultural de la famille est insuffisant. Il n’y a plus suffisamment de terre, donc, les
autres leur disent allez-y là-bas où il y a suffisamment de terres pour que ceux qui vont rester
prospèrent tout en comptant sur vos appuis ». (K.Goîta)
Dans tous les cas, dans la littérature, les récits de fondation de plusieurs villages, à travers le
Mali, évoquent la recherche de nouvelles ou bonnes terres favorables à l’agriculture ou à
l’élevage.
Ces situations de sécheresse et de pauvreté sont bien synthétisées par le passage suivant :
« L’insuffisance des revenus monétaires, l’insuffisance des terres fertiles et le déficit
pluviométrique ; toutes choses directement et intimement liées aux productions agro-sylvo-
pastorales – donc à l’exploitation des ressources naturelles renouvelables – qui constituent la
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base de l’économie de la commune. On peut donc dire que c’est la dégradation de la base des
ressources entrainant une précarité des productions et des revenus qui conditionne, pour
l’essentiel, le départ des bras valides. » (MACALOU, 2002, p 62-63).
Au-delà des conditions climatiques défavorables, la faible rémunération du travail, le sous-
emploi ou le chômage peuvent entretenir la pauvreté et provoquer chez les jeunes une
impression d’inutilité, d’insignifiance donnant lieu à de très forts ressentiments contre l’ordre
social en vigueur. Voilà pourquoi « les jeunes fournissent le gros du contingent des migrants.
Beaucoup d’entre eux expriment leur scepticisme face à l’avenir et dénoncent l’absence
d’opportunités dans leur pays pour justifier leur départ. » (Ouallet, 2008, 95).
3.1.3. Causes sociales et culturelles
Au Mali, la migration, dans sa reproduction temporelle, est intimement liée aux
considérations socio-culturelles en vigueur et très valorisées dans différentes zones à grand
mouvement.
En milieu Soninké, se déplacer une fois dans sa vie est une expérience par laquelle tout
homme doit passer3. La migration est « conçue comme une phase obligatoire dans la vie de
tout homme avant que celui-ci ait droit à la sédentarité : céder le « pas de voyage » à un autre
plus jeune, avoir suffisamment de ressources pour ne plus repartir ». Ainsi donc « Si les
sécheresses des années 1970, constituent un tournant important dans le processus migratoire
malien, notons également que dans cette partie du Mali, les migrations font partie intégrante
de la vie des populations. La migration internationale est un phénomène social majeur et où
les populations ont une certaine culture en la matière » (KEITA, 2012, p 67). Il existe, des
dictons et proverbes et chansons qui invitent à la migration. Ce proverbe Diawando est on ne
peut plus clair sur l’état d’esprit qui prévaut dans certaines communautés : « va jusqu’à ce que
la mort te frappe sur le chemin de la réussite plutôt que de demeurer sur place jusqu’à ce que
la mort t’avalise » (DIARRA, 2008, p 17). Ne pas partir en migration est un handicap majeur
qui dévalorise un jeune, car l’immobilité est un signe incontestable de couardise qui génère
une insignifiance sociale.« La migration est un élément culturel fondamental chez certaines
communautés maliennes. Culturellement, le voyage est perçu comme un phénomène
valorisant par certaines ethnies du Mali, et plus particulièrement les Soninkés dans les régions
de Kayes et de Koulikoro. » (KEITA, 2012, 65). Pour ces communautés, la migration est une
étape qui participe à la construction du modèle d’homme que la société veut produire.
Une migration peut être la solution de conflits sociaux surtout familiaux : à la suite d’une
mésentente grave entre membres d’une même famille, une partie peut quitter définitivement
les autres pour s’installer ailleurs. Ces cas sont fréquents dans la littérature. Le départ, plus ou
moins forcé de certaines personnes peut être relatif à des comportements, actes et situations,
tels un adultère, un crime, qui heurtent localement les traditions, les mœurs. L’auteur d’un de
3 Tita KONE et Ganda FADIGA deux griots emblématiques de nationalité malienne ont par leurs œuvres musicales : « Dioula, Nayonko » et « poyi, segelaaré, njaru kaaro »
incité les jeunes soninké à la migration.
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ces délits peut être exclu de toute vie sociale. Dans de telles situations et pour des raisons de
sécurité, de résurrection et de survie sociale, il choisit de quitter sa communauté et chercher à
se faire oublier. Ces personnes ne parlent jamais de leur lieu de provenance et ne reçoivent la
visite d’aucun parent.
La maltraitance et les violences sous diverses formes peuvent être à l’origine du départ de
certaines personnes. Ainsi, un traitement inégalitaire des membres d’une famille peut
provoquer le départ de ceux qui se croient victimes. « Souvent, un chef de famille qui
redistribue très peu ou pas du tout, peut conduire les bras valides à partir. Ils choisissent
d’aller chercher leur part au lieu de rester à travailler comme un âne pour tout le monde. Ce
sont là des causes de migration que nombreux jeunes évoquent. (N. DISSA).
La position inconfortable des cadets sociaux pousse les jeunes à prendre les chemins de la
migration pour se construire, voire se faire un nom, comme le souligne le passage suivant :
« … le statut figé des jeunes dans les sociétés gérontocratiques traditionnelles encourage les
jeunes gens à l’expatriation, moyen de s’affranchir de l’autorité hiérarchique pour prospérer
ailleurs, d’acquérir une épargne personnelle et le statut d’adulte. D’autre part, le lignage de
naissance pèse sur certaines catégories sociales. L’initiative des descendants d’esclaves est
très limitée au sein des villages et partir constitue pour certains une opportunité de
promotion…» (Gauvrit et Le Bahers, 2004, p 11).
Les jeunes sont souvent très frustrés au regard des efforts qu’ils fournissent au nom du
collectif sans une juste récompense, en retour, pour faire face à leurs besoins individuels et
catégoriels. Cela ressort de façon éloquente dans les propos de ce jeune migrant rencontré en
Espagne : « Je n’avais pas de travail au Mali. J’étais sous tutelle de mon père et de mes autres
oncles, nous cultivons nos champs avec les autres membres de la famille. Bon, je n’ai jamais
considéré cela comme du travail, car il ne me procure pas ce dont j’ai besoin pour mon propre
bien être. Ici, je peux dire que je travaille, car je suis payé à la fin du mois. … le travail au
village, c’est du travail gratuit …» (CISSE 2012, 160). La volonté d’échapper au contrôle
familial et de disposer des fruits de son travail n’est immédiatement possible qu’à travers la
migration. « La migration masculine est un moyen pour les jeunes hommes de satisfaire leurs
nouvelles exigences individuelles » (Lesclingand, 2004, p 34). Dans ce cas, elle constitue une
stratégie de contournement des dispositifs traditionnels de gestion économique à l’échelle
familiale.
3.1.4. Les causes liées à la sécurité
Selon le RGPH 2009, une infime partie des émigrants (0,1%) ont signalé le motif
« politique » inséparable des causes sécuritaires. En effet, d’après le RNDH4 édition 2014, la
sécurité est une fonction régalienne de l’Etat, en d’autres termes, le secteur de la sécurité est
un domaine réservé au chef de l’État, à ses conseillers et aux gradés de l’armée.
4 Cf. RNDH, édition 2014 portant sur le thème « Gouvernance socioéconomique, politique, sécuritaire et résilience a la crise 2012 au mali : enjeux et perspectives »
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Pendant longtemps, la sécurité du pays a été gérée sans une stratégie claire et bien définie.
Cette politique a débouché sur une insécurité amenant les populations soit à se déplacer à
l’intérieur du pays, soit à quitter le Mali pour s’installer dans d’autres pays où elles pensent
vivre tranquillement.
Certaines migrations, qu’elles soient internes ou externes, liées à l’insécurité sont les
conséquences de multiples rebellions au Nord du pays. Depuis 1963, le Mali fait face à une
répétition de rébellions touarègue et arabe (1990, 2006 et 2012) mettant en branle la quiétude
des populations du septentrion. Dès lors, les populations de cette zone se sont déplacées vers
d’autres lieux à la recherche de lendemains meilleurs.
Le RNDH édition 2014, a analysé la migration liée à la sécurité en mettant un accent sur les
déplacements commel’expression du refus des contraintes de vie imposées et aussi la volonté
de continuer à exister dans des conditions meilleures à celles imposées par l’occupant. Ainsi,
face à l’insécurité grandissante dans la zone et pour sauvegarder son intégrité physique, sa
dignité (crainte de se faire violer et autres agressions physiques), sa vie (les exécutions
sommaires), sa liberté (obligation du port du voile pour les femmes, restriction de
déplacement) et, dans une moindre mesure ses biens (vols et pillages), une grande partie de la
population a préféré se déplacer surtout celle recherchée pour son appartenance ethnique
(bambara), sa provenance (sudiste),sa religion (chrétienne),son statut (agent de l’Etat).
Les récentes migrations vers les pays européens nous en disent beaucoup sur le lien entre les
causes sécuritaires, la politique et l’émigration. Les règlements de compte politiques ont
abouti à des guerres dans les pays comme la Syrie, le Yémen, l’Irak, etc. obligeant de très
nombreux ressortissants à émigrer vers des pays jugés stables ou ayant une économie pouvant
supporter leur situation.
Le développement humain durable est lié à la stabilité, la sécurité et la paix du pays. Sans ces
trois conditions, toutes les actions de développement sont vouées à l’échec, elles sont des
exigences pour la prospérité économique et sociale. La stabilité, la sécurité et la paix sont des
compartiments (dimensions) indispensables à une bonne gouvernance (cf. RNDH, édition
2014).
3.1.5. La fascination des images des lieux d’accueil et des migrants de retour
Les récits des migrants, leur paraître, leur pouvoir d’achat lors des séjours, leurs réalisations
dans leurs localités de départ, les meilleures conditions de vie qu’ils offrent à leurs parents
restés sur place, sontautant de facteurs attractifs. Ainsi, « Les départs vers l’Europe sont aussi
motivés par des raisons économiques et souvent alimentés par des visions utopiques de la vie
occidentale. » (KEITA, 2012, p 66). Au cours d’une réunion relative à la gestion de
l’émigration, un intervenant aurait dit haut ce que tout le monde pense tout bas : « Il a dit en
substance, de ne pas se leurrer entre nous, car les seules familles où il fait bon vivre sont
celles des émigrés » (DIARRA, 2008, p 17). Pour atteindre cet objectif, parmi d’autres,
certaines personnes ont misé sur la migration en y mettant une part importante du patrimoine
familial. « Le jour où nous avons vendu tout le bétail (10 bovins) de la famille pour organiser
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mon départ en France, tous les voisins prenaient mon grand frère et moi pour des fous…
Aujourd’hui, Dieu merci, grâce à la rente migratoire, j’ai pu reconstituer le cheptel et j’ai
cassé nos maisons en banco et en paillote, pour construire à leur place des maisons en dur.
Aujourd’hui au village, la famille dispose de 100 ovins bovins, caprins. J’ai passé une bonne
partie de ma vie ici, au village, à cultiver et à faire du trafic sans pouvoir construire une seule
chambre en tôles. » (DIALLO 2014, p 112).
L’image idyllique, que les migrants présentent de leur lieu d’accueil, fonctionne comme « une
sorte d’allégorie, liée à une représentation positive de la migration, … construite par la
perpétuation de la croyance en l’eldorado, le pays d’émigration fonctionnant comme un miroir
aux alouettes. Ceux qui migrent en Europe et transmettent une image idéalisée perpétuent
aussi les désirs de migrer. » (Ouallet, 2008, p 87). La migration alimente la migration, car,
entre autres « Les images véhiculées par les premiers migrants, venus de l’Espagne sont des
facteurs incitant au départ. » (CISSE 2012, p 151). Tant que des migrants reviendront exhiber
leur réussite, le désir de migrer sera toujours vivace quoi qu’on fasse.
3.1.6. Facteurs d’attrait (raisons du choix des destinations) : cas de Sikasso
Le choix des destinations est lié aux causes qui sont à la base de la décision de migrer et aux
opportunités recherchées. Ce sont ces facteurs qui orientent les options, ainsi que les facilités
d’accès inhérentes. Ainsi, il ressort des entretiens réalisés que la disponibilité des espaces
cultivables et fertiles, l’abondance des espaces pastoraux, la construction du barrage de
Sélingué et la relative abondance des points d’eau dans la région de Sikasso ont attiré les
migrants.
Conditions agro-climatiques favorables
Située dans la zone soudanienne pré guinéenne, la région de Sikasso regorge de potentialités
importantes pour la pratique de l’agriculture et de l’élevage. Pendant longtemps, la région a
disposé d’énormes réserves foncières. Suite aux sécheresses des années 1980, l’Etat malien
s’est employé à encourager l’installation, dans la région de Sikasso, de populations venant de
Mopti. C’est ainsi qu’un grand hameau peuplé de dogons a vu le jour, entre la ville de
Koutiala et celle de Zangasso. Mais bien avant, des personnes en provenance de la Région de
Mopti avaient appris la disponibilité de terres fertiles et facilement accessibles dans la région
de Sikasso.
Avec la coton-culture, les agriculteurs avaient la possibilité de multiplier les sources de
revenus. Les migrants n’ont pas manqué d’exploiter cette opportunité, en s’investissant dans
ce créneau qui a été longtemps porteur d’espoir d’enrichissement. Dans la commune rurale de
Kouoro Barrage (cercle de Sikasso), dans chaque village, il y a une importante communauté
dogon.
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Le barrage hydro-agricole de Sélingué
Dans le cercle de Yanfolila et dans la commune rurale de Baya, l’exploitation du périmètre
agricole est porteuse de promesses objectives surtout avec le maraîchage et les cultures de riz
en double saison. La construction du barrage a été à l’origine d’un important mouvement de
population qui a abouti à la création de nombreux hameaux/quartiers peuplés de migrants :
« Batourou est un quartier à 90% dogon qui a été créé suite à la sécheresse des années 80 qui
a vu un grand nombre de migrants dogon venir s’installer ici pour la riziculture dans les
périmètres de Sélingué. D’autres quartiers de Kangaré, tels que Lafiabougou, Kibarou,
Bozola, sont peuplés de migrants. ». (Le maire de la commune rurale de Baya)
La construction du barrage a donné lieu à beaucoup de vagues de migrants, d’agriculteurs et
de pêcheurs. La mise en eau du barrage leur procurait un espace favorable à la pratique de la
pêche. La période 1981-82 est celle de la migration massive de pêcheurs, qui sont venus des
régions de Ségou et Mopti pour s’installer au bord du lac.
Facilités d’accès à la terre
Les flux migratoires des années 1984 ont bénéficié des facilités d’accès aux terres cultivables.
Les espaces étaient disponibles, les équipements agricoles n’étaient pas encore aussi
motorisés, les exploitations étaient non seulement moins nombreuses mais moins grandes.
Aussi, à l’époque, l’accès à un espace agricole était-il relativement facile. Quelques présents
suffisaient pour obtenir un droit d’usage illimité à une terre de culture. Mais, dans ces
conditions, la terre n’était pas donnée pour toujours. Elle est prêtée à titre viager. Si le préteur
venait à mourir, le bénéficiaire était tenu de renouveler la demande aux ayant-droits, sous
peine d’en perdre l’usufruit. Pour les nouveaux migrants, les conditions d’accès semblent
avoir sensiblement changées : «Généralement, pour les premiers migrants, c’était de simples
colas qu’on donne pour chercher ces terres. Si le propriétaire est d’accord, il t’installe dans
une zone temporaire. Mais, pour ce qui concerne les migrants actuels ce n’est pas la même
chose.». (K.GOÏTA).
L’abondance des pâturages
Quant aux migrants peulhs, ils viennent généralement en transhumance ou s’installent
définitivement. Avec ces derniers généralement, il n’y a pas de condition à remplir. « Pour ce
qui concerne les éleveurs c’est des gens qui viennent s’installer dans les espaces qui
entourent le village où ils séjournent, après ils partent. Souvent, ils ne demandent la
permission à personne ». (N. DISSA)
Aujourd’hui, les espaces agricoles et pastoraux sont saturés. Les zones de pâturage et de
culture sont rares.
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L’ouverture d’unités industrielles
Les petites unités industrielles emploient la main d’œuvre temporaire. Ce sont des jeunes qui
viennent pour exercer une activité et se faire de l’argent personnel. Ils viennent après les
récoltes en général. « Les migrations temporaires c’est avec la CMDT. Les usines
d’égrainage qui sont à Karangana, Koutiala, Sikasso, Bougouni accueillent beaucoup de
jeunes qui y viennent travailler. Il y a aussi les petites unités de transformation des fruits et
légumes, de produits locaux. Par exemple, les Indiens ont une usine à Yanfolila pour la
transformation de la mangue. Dans la ville de Sikasso, nous avons des petites unités de
transformation de mangue. Les unités industrielles de transformation des produits locaux
emploient vraiment les femmes. Elles viennent même d’ailleurs ou de la ville. »(N,
DIARRA).
L’ouverture de mines et de sites d’orpaillage : les sites aurifères
En général, les migrants sont à la recherche d’opportunités de production de revenus. Or, les
sites aurifères, qu’il s’agisse de mines d’or ou de placers, offrent un large éventail
d’opportunités très variées pour se faire des revenus. Les mines d’or favorisent la création
d’emplois indirects (petits commerçants, mécaniciens, menuisiers, tailleurs, restaurateurs,
bars, transporteurs, etc.). Tout autour des mines d’or, gravitent de nombreux demandeurs
d’emplois diplômés aussi bien que non diplômés.
Sur les sites d’orpaillage, il y a des emplois qu’il faut tout simplement prendre et point n’est
besoin de qualification, car il y a du travail pour tout le monde. Les prestations et services que
demande l’exploitation artisanale de l’or sont nombreux et nécessitent une haute intensité de
main d’œuvre. Selon certaines estimations,l’ouest et le sud du Mali comptent plus de 350 sites
d’orpaillage (KEÏTA, 2001) et le nombre d’orpailleurs au Mali oscillerait entre 100 000 et
200 000 (Panela, 2007).Les sites d’orpaillage sont des lieux de forte concentration de
populations migrantes, venant du Mali et des pays limitrophes.
3.2. Profil des migrants
Il s’agit dans cette sous partie d’analyser les caractéristiques des migrants selon l’âge, le sexe,
l’état matrimonial, le niveau d’instruction, l’activité économique, les provenances et les
principales destinations.
3.2.1. L’âge et le sexe des migrants
Selon les résultats du RGPH 2009, les migrants internes comme externes sont essentiellement
la population active des deux sexes et sont de tous les âges.
Considérant la figure 3 et le tableau 5, les migrants internes de sexe masculin (50,7%) sont
majoritaires par rapport aux migrantes(49,3%). Cette tendance est observée dans toutes les
régions du Mali. C’est dans le District de Bamako que les migrantes sont majoritaires
(51,1%). Cela pourrait s’expliquer par l’affluence des aides ménagères dans la capitale en
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quête très généralement de leur trousseau de mariage ou du moins parvenir à des conditions
de vie meilleures.
Figure 3 : Pyramide des âges des migrants
Tableau 5 : Répartition (en %) des migrants
internes par région selon le sexe
Région
Sexe
Ensemble
Masculin Féminin
Kayes 55,5 44,5 100,0
Koulikoro 50,6 49,4 100,0
Sikasso 52,1 47,9 100,0
Ségou 49,8 50,2 100,0
Mopti 51,7 48,3 100,0
Tombouctou 53,0 47,0 100,0
Gao 51,9 48,1 100,0
Kidal 61,4 38,6 100,0
Bamako 48,9 51,1 100,0
Mali 50.7 49,3 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
Dans les tendances migratoires en termes d’âge, il est établi que les jeunes sont très nombreux
à émigrer. De tous les temps, les jeunes ont toujours été la proportion importante. Bien que
plusieurs raisons les poussent à migrer, la plus importante semble celle de se faire des revenus
à titre individuel. Exceptionnellement, les jeunes primo-migrants ont des projets de migration
définitive ou de longue durée. Monsieur N. DISSA estime que les jeunes sont
majoritaires: « Je peux dire que les jeunes représentent les 60% parce qu’ils viennent seuls et
le déplacement est plus facile et leur retour est aussi facile comparativement à quelqu’un qui
vient avec toute sa famille. Le jeune peut venir et quand il trouve que les conditions ne sont
pas favorables il peut retourner plus facilement. Donc, les jeunes sont majoritaires ensuite
viennent les adultes avec leurs familles. Les vieux ne migrent pas ».
Quant à la répartition des migrants en termes de sexe, les informations recueillies illustrent
que les hommes sont majoritaires. Ils viennent à la recherche des terres, des pâturages, de
l’eau pour s’installer. Ils sont plus nombreux à aller sonder l’inconnu. Les femmes que l’on
rencontre en migration y viennent soit pour un regroupement familial, soit ce sont des jeunes
filles à la recherche de biens matrimoniaux. Généralement, on les retrouve dans le secteur des
aides ménagères majoritairement. Elles sont là pour une période donnée de la saison sèche.
Mais, avec l’implantation de certaines petites unités industrielles de transformation des
produits locaux, la main-d’œuvre féminine est devenue importante et a accentué la migration
des femmes. Pour N. DIARRA: « Les activités industrielles liées à la transformation des
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produits locaux, les mangues par exemple, emploient vraiment les femmes. Elles viennent
d’ailleurs ou de la ville». Une autre image de la femme migrante est en construction.
En ce qui concerne les migrants externes, de la tranche d’âge 15 à 35 ans, ils sont également
les plus nombreux et sont de sexe masculin. En comparant les deux sexes, l’émigration
semble intéresser les femmes de 15 à 25 ans plus que les autres tranches d’âge. La
féminisation de la migration externe est liée à cette tranche d’âge, qui constitue
essentiellement des épouses des émigrés et des femmes en quête d’opportunité.
Figure 4 : Répartition (en %) des migrants externes par région selon le sexe et l’âge
Source : RGPH 2009, INSTAT
Cas spécifique de Kayes : La migration la plus développée dans la région de Kayes
concerneles hommes, notamment les jeunes. Le rêve de tout jeune est de partir. Rester est
contraire à la mentalité et à la logique dans beaucoup de localités de la région. Le jeune qui
n’émigre pas à Yélimané est stigmatisé selon deux cas de figure. On l’appelle soit « tenès »
(par comparaison à un enfant qui rampe) : il a la clé du magasin qu’il gère, il possède une
moto et s’occupe des courses de la famille. Cette première image signifie qu’il a une mobilité
de faible ampleur. Pour le second cas de figure, on parle de « téntètenès » (enfant qui bouge
sur ses fesses).Celui-ci s’occupe des animaux et va chercher du bois de cuisine. Sa mobilité
est quasi nulle. Dans une zone où la culture de la mobilité est très valorisée, le « tenès » vaut
mieux que le « téntètenès » car le premier bouge un peu, tandis que le second bouge à peine.
Les chances d’avoir une épousepour lui sont minimes. Avec cette mentalité, il est fréquent
que des élèves du second cycle de l’enseignement fondamental abandonnent l’école pour
migrer. Les parents encouragent plutôt de tels comportements « si j’envoie mon enfant à
l’étranger, en 3 ans il m’apportera cent fois plus que ce qu’il pourrait m’apporter après 12
années d’études ».
Tout l’avenir de la plupart des jeunes semble placé dans la migration. Les émigrants ont, en
général, pour intention d’aller travailler ailleurs pour se faire un avenir meilleur et revenir. Ils
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ambitionnent de soutenir le reste de la famille, d’investir dans l’immobilier et dans les
infrastructures sociales de base dans leur localité de départ.
3.2.2. L’état matrimonial des migrants
Les migrants internes
Au Mali, l’état matrimonial des migrants est marqué par le statut « marié ». Parmi les
migrants internes,il y a une forte proportion de mariés monogames (41,0%) et plus du tiers
sont célibataires (36,1%). Moins d’un quart (19,0%) sont mariés polygames. Peu de migrants
internes sont concernés par les statuts de veuf/veuve et divorcé/séparé et très peu par les
unions libres.
Dans toutes les régions, les mariés représentent plus des deux-tiers des migrants internes. La
migration interne, au niveau des hommes, compte plus de mariés que de célibataires. Les
mariés monogames représentent une proportion plus forte dans toutes les régions, exception
faite des régions de Kidal et du District de Bamako où les célibataires sont plus importants.
S’agissant des femmes, les monogames représentent la plus forte proportion dans toutes les
régions. En outre, au moment du recensement, 42,8% des migrants étaient des hommes
célibataires contre 29,2% de femmes célibataires.
Tableau 6 : Répartition (en %) des migrants internes par région selon le statut
matrimonial et le sexe
Régions
Masculin
Etat matrimonial
Sous-
Ensemble Célibataire
Marié(e)
monogame
Marié(e)
polygame
Veuf/
Veuve
Divorcé/
séparé (e)
Union libre/
Concubinage
Kayes 45,4 38,9 14,8 0,4 0,3 0,1 100
Koulikoro 44,5 40,9 13,5 0,5 0,4 0,1 100
Sikasso 36,1 45,4 17,4 0,5 0,4 0,2 100
Ségou 37,3 46,4 15,2 0,7 0,3 0,1 100
Mopti 37,5 47,4 13,5 0,9 0,5 0,1 100
Tombouctou 39,3 47,2 12,4 0,5 0,6 0 100
Gao 36,7 51,6 10,3 0,6 0,7 0,1 100
Kidal 48,7 43,6 6,4 0,4 0,8 0,1 100
Bamako 46,5 36,8 15,3 0,7 0,4 0,4 100
Mali 42,8 41 14,9 0,6 0,4 0,2 100
Source : RGPH 2009, INSTAT
Dans l’ensemble, nous constatons que 55,9% des hommes sont mariés ; contre 42% de
célibataires.
S’agissant de l’analyse selon la région, les régions de Kidal et de Gao se distinguent par leur
proportion très élevée de femmes mariées monogames (57,4% et 53,0%). Seule la région de
Gao, parmi les entités administratives, présente la plus forte proportion d’hommes mariés
monogames (51,6%) et les proportions d’hommes mariés monogames sont inférieures à 50%
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dans les autres régions. La proportion d’hommes mariés la plus faible s’observe à Bamako
(36,9%) et la plus élevée à Mopti (47,4%).
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Tableau 7 : Répartition (en %) des migrants internes par région selon le statut
matrimonial et le sexe féminin
Régions
Féminin
Etat matrimonial
Sous-
ensemble Célibataire
Marié(e)
monogame
Marié(e)
polygame
Veuf/V
euve
Divorcé/
Séparé (e)
Union libre/
Concubinage
Kayes 20,9 42,5 31,6 4,1 0,8 0,1 100
Koulikoro 29,7 42,3 22,5 4,6 0,7 0,2 100
Sikasso 20,3 44,9 29,8 4,3 0,5 0,2 100
Ségou 22,4 45,3 25,2 6,4 0,6 0,2 100
Mopti 21 48,5 22,9 6,5 0,9 0,1 100
Tombouctou 22,2 49,8 18,4 7 2,5 0,1 100
Gao 24,3 53 14 6,4 2,3 0,1 100
Kidal 28,1 57,4 6,5 3,7 4,1 0,2 100
Bamako 36,9 35,6 19,9 6,2 1,1 0,3 100
Mali 29,2 40,9 23,1 5,6 0,9 0,2 100
Source : RGPH 2009, INSTAT
L’analyse du tableau n°7permet de constater que 64% des femmes migrantes internes sont
mariées, alors que la proportion de femmes célibataires est de 29,2%.
Tableau 8: Répartition (en %) de l’ensemble des migrants internes par région selon le
statut matrimonial
Régions
Ensemble
Etat matrimonial
Sous-
ensemble
Célibataire
Marié(e)
monogame
Marié(e)
polygame
Veuf/
Veuve
Divorcé/
Séparé (e)
Union
libre/Concub
inage
Kayes 34,8 40,5 22,1 2 0,5 0,1 100
Koulikoro 37,2 41,6 17,9 2,6 0,6 0,2 100
Sikasso 28,6 45,1 23,3 2,3 0,5 0,2 100
Ségou 29,8 45,8 20,2 3,6 0,5 0,1 100
Mopti 29,5 48 18,1 3,6 0,7 0,1 100
Tombouctou 31,4 48,4 15,2 3,5 1,4 0 100
Gao 30,8 52,2 12,1 3,4 1,5 0,1 100
Kidal 41,4 48,4 6,5 1,6 2 0,1 100
Bamako 41,6 36,2 17,6 3,5 0,8 0,3 100
Mali 36,1 41 19 3,1 0,7 0,2 100
Source : RGPH 2009, INSTAT
Les migrants externes
La moitié (50,0%) des émigrés maliens sont mariés :le régime matrimonial est soit
monogamique (23,8%), soit polygamique (26,2%). La majorité des migrantes (60,4%) est
mariée (26,8% pour les monogames et 33,6% pour les polygames) contre 37,5% des hommes.
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47
Plus de quatre sur dix migrants externes (45,0%) sont célibataires, cela est plus marqué chez
les personnes de sexe masculin avec 61,4% contre 31,7% chez les personnes de sexe féminin.
L’important taux de jeunes hommes célibataires s’explique par le fait que la plupart du temps,
le premier épisode de migration précède le mariage. Les jeunes migrent pour gagner de
l’argent nécessaire à l’acquisition des biens matrimoniaux. La présence de plus grand nombre
de femmes émigrées est due au regroupement familial.
Tableau 9 : Répartition (en %) des migrants externes par région selon le statut
matrimonial et le sexe masculin
Régions
Masculin
Etat matrimonial
Sous-
Ensemble
Célibataire
Marié(e)
monogame
Marié(e)
polygame
Veuf/
Veuve
Divorcé/
Séparé (e)
Union libre/
Concubinage
Kayes 62,6 15,5 21,1 0,5 0,3 0,0 100,0
Koulikoro 59,8 20,7 18,5 0,6 0,3 0,1 100,0
Sikasso 59,7 16,8 22,5 0,6 0,3 0,0 100,0
Ségou 58,3 23,1 17,7 0,7 0,1 0,1 100,0
Mopti 55,1 27,7 15,6 1,2 0,3 0,1 100,0
Tombouctou 51,8 36,6 9,3 1,8 0,4 0,1 100,0
Gao 55,8 33,4 8,5 1,4 0,9 0,0 100,0
Kidal 46,7 48,9 1,1 1,1 1,6 0,5 100,0
Bamako 71,5 17,0 10,4 0,6 0,4 0,1 100,0
Mali 61,4 20,2 17,3 0,7 0,3 0,1 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
Tableau 10: Répartition (en %) des migrants externes par région selon le statut
matrimonial et le sexe féminin
Régions
Féminin
Etat matrimonial
Sous-
Ensemble Célibataire
Marié(e)
monogame
Marié(e)
polygame
Veuf/
Veuve
Divorcé/
Séparé (e)
Union libre/
Concubinage
Kayes 24,6 24,0 44,5 6,0 0,8 0,1 100,0
Koulikoro 30,0 27,7 34,1 7,3 0,7 0,2 100,0
Sikasso 29,5 19,8 43,3 6,9 0,4 0,1 100,0
Ségou 32,9 27,7 32,3 6,7 0,3 0,1 100,0
Mopti 29,3 35,3 26,6 8,0 0,6 0,1 100,0
Tombouctou 24,0 45,3 16,3 11,7 2,6 0,1 100,0
Gao 28,7 39,4 15,2 12,4 4,3 0,1 100,0
Kidal 37,5 50,6 1,3 5,0 5,6 0,0 100,0
Bamako 51,2 22,6 19,1 5,6 1,4 0,2 100,0
Mali 31,7 26,8 33,6 7,0 0,9 0,1 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
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Tableau 11: Répartition (en %) de l’ensemble des migrants externes par région selon le
statut matrimonial
Régions
Total
Etat matrimonial
Sous-
Ensemble
Célibataire
Marié(e)
monogame
Marié(e)
polygame
Veuf/
Veuve
Divorcé/
séparé (e)
Union libre/
Concubinage
Kayes 40,7 20,4 34,6 3,7 0,6 0,0 100,0
Koulikoro 43,4 24,6 27,1 4,3 0,5 0,1 100,0
Sikasso 43,5 18,4 33,7 4,0 0,3 0,1 100,0
Ségou 44,7 25,6 25,5 3,9 0,3 0,1 100,0
Mopti 41,1 31,8 21,6 4,9 0,5 0,1 100,0
Tombouctou 35,9 41,6 13,3 7,4 1,7 0,1 100,0
Gao 40,7 36,7 12,2 7,5 2,8 0,0 100,0
Kidal 42,4 49,7 1,2 2,9 3,5 0,3 100,0
Bamako 60,7 20,0 15,0 3,2 0,9 0,1 100,0
Mali 45,0 23,8 26,2 4,2 0,7 0,1 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
3.2.3. Le niveau d’instruction des migrants
D’après les tableaux12 et 13, la plupart des migrants internes comme externes est peu instruite
et cette condition est très prononcée chez les femmes.
Les migrants internes
Ils sont 56,2% sans aucun niveau de scolarisation et peu de migrants internes ont atteint le
niveau fondamental 1 (9,5% pour les deux sexes) et par rapport au niveau supérieur, les
hommes sont seulement 4,1% et les femmes 1,3%. Tandis que les non instruits sont très
remarquables chez les femmes (30,6%) que chez les hommes (25,6%).
Par rapport aux régions, le District de Bamako représente la plus faible proportion de migrants
internes sans niveau d’instruction (19,5%) et Mopti, la plus forte (35,9%). De même, chez les
femmes, les proportions de non instruites sont plus importantes dans la région de Mopti
(37,1%) et Kidal enregistre la proportion la plus faible (22,2%).
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Tableau 12: Répartition (en %) des migrants internes par région selon le niveau
d’instruction et le sexe
Régions Niveau d'instruction
Ensemble
Aucun
Fondamental
1
Fondamental
2 Secondaire Supérieur
M F M F M F M F M F M F
Kayes 33,2 30,4 10,6 8,4 4,8 3,1 5,2 2 2,1 0,3 55,8 44,2
Koulikoro 23,5 27,9 11,7 11,6 5,6 4,9 6,2 3,8 3,6 1,2 50,5 49,5
Sikasso 31,4 33,4 9,4 8,1 4,3 3,3 5,3 2,5 1,8 0,4 52,2 47,8
Ségou 29,6 35,1 8,8 8,1 4,4 3,6 5,2 2,8 1,9 0,5 49,8 50,2
Mopti 35,9 37,1 6,5 6 2,9 2,5 4,4 2,2 2 0,5 51,7 48,3
Tombouctou 29,3 29,7 8,6 8,5 4,1 3,3 7,7 4,1 3,5 1,3 53,2 46,8
Gao 27,2 30,7 9,6 9,1 4,6 3,3 7,3 4,3 3,1 0,6 51,9 48,1
Kidal 26,9 22,2 11,8 9,3 7,5 2,8 10,1 2,5 6,1 0,9 62,3 37,7
Bamako 19,5 28,6 9,1 10,2 5,7 5 7,9 5 6,7 2,3 48,8 51,2
Mali 25,6 30,6 9,5 9,5 5 4,2 6,5 3,7 4,1 1,3 50,7 49,3
Source : RGPH 2009, INSTAT
Les migrants externes
La plupart des émigrés (67,3%) maliens sont sans aucune instruction. L’analphabétisme est
plus prononcé chez les femmes avec 38,8%. De plus en plus, nous disposons d’émigrés
maliens instruits. En effet, les émigrés de niveau secondaire sont 5,2% et 1,7% ont un niveau
supérieur. Ces taux doivent attirer l’attention surtout qu’ils sont composés essentiellement des
étudiants envoyés par l’Etat afin d’avoir une bonne qualification professionnelle pour le
développement du pays. Mais, le constat est que la plupart préfère rester dans les pays
d’accueil en exerçant n’importe quel emploi plutôt que de revenir au pays.
Tableau 13: Répartition (en %) des migrants externes par région selon le niveau
d’instruction et le sexe.
Région
Niveau d'instruction Ensemble
Aucun Fondamental 1 Fondamental 2 Secondaire Supérieur
M F M F M F M F M F M F
Kayes 29,1 42,8 12,6 9,5 3,1 1,4 0,9 0,4 0,2 0,0 46,4 53,6
Koulikoro 27,7 38,3 13,1 10,0 4,3 2,6 1,9 1,0 0,8 0,3 48,1 51,9
Sikasso 30,0 39,0 13,0 9,8 3,6 2,2 1,5 0,6 0,3 0,1 48,3 51,7
Ségou 31,7 39,2 11,1 9,3 3,6 2,4 1,5 0,7 0,4 0,1 48,5 51,5
Mopti 37,8 44,6 6,5 6,4 2,1 1,3 0,7 0,3 0,2 0,0 47,5 52,5
Tombouctou 38,1 47,4 5,8 5,7 1,3 0,9 0,5 0,2 0,1 0,1 46,3 53,7
Gao 34,0 43,1 9,2 8,3 2,1 1,5 0,9 0,5 0,3 0,0 47,0 53,0
Kidal 35,2 33,7 10,6 11,8 3,3 2,4 1,8 0,4 0,8 0,0 51,2 48,8
Bamako 13,3 22,7 12,8 14,1 7,1 6,5 8,1 6,0 6,3 3,1 47,8 52,2
Mali 28,5 38,8 11,5 9,7 3,8 2,5 2,2 1,3 1,2 0,5 47,5 52,5
Source : RGPH 2009, INSTAT
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50
La proportion de migrants externes, sans aucun niveau de scolarisation est plus importanteque
celle des migrants internes non scolarisés.
3.2.4. La situation dans l'activité des migrants
Les migrants sont généralement des personnes actives. On peut affirmer que la migration est
liée à la quête d’emploi ou d’occupation permettant d’améliorer le niveau de vie des
concernés.
Tableau 14: Répartition (en %) des migrants internes par région selon la situation par
rapport à l’activité économique et le sexe
Région
Situation dans l'activité
%
Ensemble
Inactif
5
Actif occupé Chômeur
M F M F M F M F
Kayes 11 29,2 44,6 14,2 0,7 0,3 100 56,3 43,7
Koulikoro 18,2 35,6 31,7 13,4 0,7 0,4 100 50,6 49,4
Sikasso 12,2 32,2 39,8 15,2 0,4 0,2 100 52,4 47,6
Ségou 12,5 33,8 36,9 16 0,5 0,2 100 49,9 50,1
Mopti 12,8 27,8 38,8 19,9 0,4 0,2 100 52 48
Tombouctou 15,4 31 37,4 14,8 0,9 0,5 100 53,7 46,3
Gao 18,8 37,1 32,5 10,5 0,8 0,3 100 52,1 47,9
Kidal 15,2 26,9 46,4 9,7 1,4 0,5 100 63 37
Bamako 15,2 32,2 32,3 17,9 1,5 0,9 100 49 51
MALI 14,6 32,5 35,3 16,1 0,9 0,5 100 50,9 49,1
Source : RGPH 2009, INSTAT
Chez les migrants internes, le chômage est presque inexistant. En effet, on constate peu de
chômeurs, qu’ils soient masculin (0,9%) ou féminin (0,5%), avec une proportion inférieure à
1%. Cette tendance est confirmée dans toutes les régions, sauf pour les hommes de la région
de Kidal et du District de Bamako qui ont respectivement 1,4% et 1,5%. Les actifs occupés
sont plus nombreux chez les hommes (35,3%), tandis que les inactifs le sont chez les femmes
(32,5%).
3.2.5. Activités des migrants internes : exemple de la Région de Sikasso
Les activités qu’exercent les migrants touchent presque tous les secteurs. Ces activités ont
varié dans le temps. Au commencement, la majorité des migrants était à la recherche de terres
fertiles pour pratiquer l’agriculture, suivie des peulhs à la recherche de pâturage pour leur
bétail. Il y avait également des pêcheurs bozo et somono pour mener l’activité de pêche dans
les fleuves, les affluents, rivières et les marigots. Actuellement, les migrants sont dans le
commerce, la restauration, l’orpaillage, l’artisanat, etc.
5 Inactif : selon le RGPH ce sont personnes âgées de moins de 15 ans et de 60 ans et plus. Par contre le chômeur est défini par le BIT comme les personnes de 15 ans et plus
déclarées qui ont perdu leur emploi et sont à la recherche d’un nouvel emploi ou une personne n’ayant jamais travaillé mais à la recherche de son premier emploi.
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51
Agriculture
Suite à la grande sécheresse qu’a connue le Mali, le Nord a été durement touché. Les
populations fuyant ces zones ont migré principalement vers la région de Sikasso où des terres
fertiles étaient disponibles. Ces migrants à la recherche des terres cultivables étaient composés
majoritairement des dogons suivis des miniankas. On note quelques bobos aussi. Devant ce
drame naturel, les populations de la région ont manifesté l’hospitalité à leurs hôtes en les
accueillant et en satisfaisant, tant que faire se peut, leur demande qui était principalement la
recherche de terres cultivables.
Ceux qui viennent à la recherche de terres cultivables sont les hommes. Ils sont les premiers
qui se déplacent pour aller chercher les terres avec les propriétaires terriens. Une fois la terre
acquise, ils font une, deux voire trois campagnes agricoles après la famille les rejoint.
L’Elevage
Pour les mêmes raisons que les premières, suite à la grande sécheresse qui frappa le Mali dans
son ensemble, les peulhs migreront de Mopti vers Sikasso à la recherche de meilleurs
pâturages pour leur bétail. Comme nous l’avons déjà souligné, leur installation a été faite
aussi progressivement au sud de la région. Ainsi, de Yorosso ils ont progressé vers Koutiala,
Sikasso, Kadiolo, et actuellement Bougouni, Kolondiéba et Yanfolila. Ce processus
d’invasion des pâturages de la région a été décrit comme suit : « Maintenant, pour ce qui
concerne la recherche de zone de pâturage, ce sont les hommes qui sont encore nombreux.
Les troupeaux quittent les cercles de Koutiala, Yorosso même Mopti et Ségou pour le cercle
de Sikasso. Beaucoup séjournent notamment dans la zone de Lobougoula. A un certain
moment, ils se déplacent pour aller dans le cercle de Kadiolo souvent Kolondiéba et
finalement la Côte d’Ivoire » (N. Diarra). Avec la forte concentration des animaux, le
phénomène de surpâturage est permanent dans les cercles de Koutiala, Yorosso et Sikasso.
Actuellement les conflits que l’on enregistre n’opposent plus seulement agriculteurs et
éleveurs. Ils sont manifestes entre agriculteurs eux-mêmes parce que ces derniers ont investis
dans l’élevage des bœufs de labour et des vaches laitières comme les peulhs. Au-delà des
conflits liés au système d’élevage, il faut reconnaître que les avantages qu’on en tire sont
importants. En effet, cette activité contribue beaucoup à la fertilité des sols, favorise ainsi une
plus grande production agricole et participe du coup à la sécurité alimentaire. Ce que
reconnaît le maire de la commune rurale de Gonkasso : « La migration des peulhs avec leurs
troupeaux nous apporte beaucoup d’avantages. Quand les peulhs s’installent dans les
champs récoltés d’un paysan, la bouse du troupeau constitue de la fumure organique pour ce
dernier. Certains éleveurs peuls, pendant l’hivernage, donnent gratuitement des bœufs de
labour aux paysans. Certes que les bétails font souvent des destructions de récoltes mais, les
peuls n’envoient pas ces bêtes faire ces dégâts ». (K. BENGALY),
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52
La Pêche
La pêche est la principale activité génératrice de revenus exercée par les Bozo. Ils pratiquent
la pêche sur les fleuves et marigots qui traversent les terroirs des villages d’accueil. Dans la
région l’activité de pêche a pris de l’ampleur avec l’arrivée des bozo et les somono, d’abord,
dans les zones comme Kouoro-barrage et plus tard avec la construction du barrage de
Sélingué. « La migration a été extrêmement importante dans la zone avec la construction du
barrage. Cela a engendré la mobilité de plusieurs personnes. Aujourd’hui nous avons des
hameaux Bozo. Les bozo sont des migrants saisonniers qui se déplacent en fonction des
périodes d’abondance des poissons. La colonie de bozo gagne en importance pendant les
périodes de grande production de poisson ». (G. CISSE).
Le petit commerce
Ces activités sont assez florissantes dans la ville de Sikasso. Elles sont, pour la plupart,
exercées par les soninkés et les peulhs dans les grandes agglomérations. Toutes les grandes
boutiques commerciales de la ville sont détenues par ces derniers. Les migrants qui n’ont pas
eu de terres, s’ils ont un peu d’argent, se lancent dans le petit commerce.
Restauration, Boucherie et rôtisserie
La position carrefour de la ville de Sikasso offre les opportunités de développement d’un
secteur de restauration variée: « Certains jeunes qui arrivent dans la région se livrent à des
activités de restauration. Parce que la ville de Sikasso est un carrefour. C’est une porte de
sortie et une porte d’entrée pour les pays de la zone CEDEAO». (N. DIARRA)
La restauration, jadis activité réservée aux femmes dans la région, est actuellement investie
par les hommes. Ces hommes sont des émigrants internationaux de retour. Ils ont appris cette
activité dans les pays d’accueil tels que la Côte d’ivoire, le Burkina–Faso, le Togo, le Benin,
la Guinée, etc. Dans la composition sociologique de cette activité, on retrouve des maliens et
maliennes (migrants et migrantes) et des citoyens de diverses nationalités de la sous-région
ouest-africaine. La majorité des femmes maliennes qui exercentcette activité ont séjourné
pendant longtemps en Côte d’ivoire.
L’orpaillage
L’orpaillage est devenu, depuis une dizaine d’années, uneactivité très attrayante dans la
région. Les sites d’orpaillage ont proliféré un peu partout. Ils sont présents dans 5 des 7
cercles que compte la région. Les zones d’extraction traditionnelle de l’or sont devenues des
lieux d’accueil importants de migrants venus de divers horizons (intra-régionaux,
interrégionaux, internationaux). Les migrants internationaux sont Ivoiriens, Ghanéens,
Guinéens, Nigérians, Sénégalais, Burkinabé, etc.
L’orpaillage mobilise aujourd’hui des enfants, des jeunes, des adultes, des femmes etdes
hommes. Ces migrants viennent des villes comme des villages. Bien que les résultats soient
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incertains et ressemblent beaucoup plus à un jeu de hasard, certaines personnes mettent leur
vie professionnelle entre parenthèses pour venir tenter leur chance dans les placers: «Pour les
sites d’orpaillage, les gens viennent de partout des grandes villes, des campagnes. Il y a des
gens qui ferment même leurs boutiques à Bamako pour venir dans les sites d’orpaillage. Il y a
beaucoup de nationalités qui sont là.(N. DIARRA).
Les candidats sont séduits par les gains de ceux qui ont la chance de « gagner de gros lots » et
qui viennent investir leurs gains dans leurs lieux de départ. Le chef de village de Kangaré
évoque ici le pouvoir de séduction qu’exercent les investissements des heureux gagnants :
«Vraiment, certains ont eu tout dans l’orpaillage. Des maisons entières de certaines familles
ont été détruites et reconstruites en dur. Beaucoup de maisons à étages ici ont été construites
grâce aux gains de cette activité ».
Si les citadins améliorent leurs conditions de vie, qu’ils illustrent par la construction de
logements décents, les jeunes ruraux investissent dans des équipements. « Les jeunes ruraux
qui sont dans les sites d’orpaillage, une fois qu’ils gagnent de l’argent, ils regagnent leur
famille. L’argent gagné est utilisé pour l’achat de moto, de matériels agricoles et pour la
prise en charge des évènements sociaux (mariage, baptême, décès, etc.). Quant aux jeunes
filles, l’argent qu’elles gagnent est primordialement dépensé dans l’achat de trousseaux de
mariage et aider leur maman et puis le reste de la famille ». (N. DISSA),
L’exhibition des réalisations avec les gains issus de l’orpaillage éblouit des membres de toutes
les catégories socioprofessionnelles. Quand bien même, la probabilité de découvrir une pépite
de valeur est très faible, les placers entretiennent un espoir indiscutable et indéfectible pour
les accros. « Chaquefois que tu leur demandes de rentrer au village, ils te diront que notre
trou est sur le point d’aboutir bientôt, je ne peux pas rentrer maintenant ». (D. DOUMBIA)
Parmi ceux qui tiennent ce langage, certains ne quitteront le site qu’avec la fermeture du
placer. Entre temps, ils auront semé la désolation chez les leurs qu’ils ont laissés au village et
dans les champs, car « c’est au bon moment où on a besoin des jeunes pour les champs qu’ils
quittent pour aller à l’orpaillage. C’est un problème. Il y a des femmes mariées aujourd’hui
qui quittent leurs maris pour les sites d’orpaillage sans autorisation. Il y a des jeunes filles
fiancées qui quittent pour aller dans les sites d’orpaillage. Il y a des élèves qui abandonnent
l’école pour aller dans les sites d’orpaillage. Les conséquences sont immédiates ici :
mésentente au sein des couples et des familles, abandons scolaires ». (N. DIARRA).
Outre, les problèmes sociaux, les activités d’orpaillage sont fortement préjudiciables à
l’environnement.Elles détruisent les espaces de culture.Tous les placers sont des champs de
trous ouverts à grand ciel. Ces trous non seulement rendent ces sites impropres à l’agriculture,
mais aussi à l’élevage ; puisque les pâturages sont détruits et les trous sont des dangers pour
les personnes et le bétail. L’orpaillage laisse derrière lui, ruines et désolation, car toute la
végétation est détruite comme après le passage d’un ouragan.
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Pire, des forêts classées ont été transformées en sites d’orpaillage : « On va jusqu’à ouvrir des
sites d’orpaillage dans les forêts classées, c’est une catastrophe. Il y avait une forêt classée à
Misséni, précisément à Massiogo. Aujourd’hui, avec la présence d’un placer, c’est une image
attristante qu’offre cette réserve forestière. Quelqu’un qui a quelques scrupules ne va pas
ouvrir un chantier d’exploitation d’or dans une forêt classée ». L’impuissance de l’Etat est
étalée au grand jour. Les intérêts individuels ont primé sur ceux d’un Etat tout entier.
Beaucoup de nos interlocuteurs pensent que la persistance et le regain de l’orpaillage est la
manifestation d’une très grande faiblesse de l’autorité de l’Etat. « L’Etat malien est incapable
de fermer ces sites d’orpaillage. Sinon selon nous les vieux, il faut fermer ces sites. Les
autorités maliennes avaient dit qu’elles vont fermer les sites d’orpaillage.Elles ont même
envoyé les militaires, mais en vain. L’activité continue, en saison sèche comme en
hivernage. » (D.D). Il semble qu’il y a une incapacité notoire à faire appliquer la loi pour le
respect des textes et dispositions réglementaires. Les textes qui réglementent les activités
d’orpaillage au Mali sont purement ignorés. Selon un de nos interlocuteurs : « la loi prévoit
qu’on ouvre des couloirs d’orpaillage. Les sociétés coopératives d’orpailleurs sont autorisées
maintenant à travailler dans ces couloirs.Ce sont ces couloirs que des sociétés coopératives
d’orpailleurs accréditées doivent exploiter en y installant leurs membres. Celui qui n’est pas
adhérent d’une des sociétés de coopératives, ne peut non seulement exploiter dans ce
couloirs, ni partout ailleurs. Et en dehors des couloirs pas d’orpaillage.Malheureusement ce
n’est pas actuellement le cas.». (N.DIARRA).
Le défi est de taille, car l’absence de ces couloirs dans la région fait que les sites d’orpaillage
fleurissent partout dans la région. Elle est devenue une proie pour les orpailleurs qui du reste
empiètent sur les domaines de l’Etat. Les placers font plutôt figure d’un Etat dans l’Etat.
3.2.6. Les provenances des migrants internes
Selon le RGPH, les migrations internes constituent essentiellement les déplacements d’un
malien à l’intérieur du pays plus de six mois autre que son lieu de naissance et avec l’intention
d’y résider pendant au moins six mois. Les RGPH de 1987, 1998 et 2009 ont appréhendé ces
informations relatives à ces déplacements à l’intérieur du pays. Des enquêtes comme
l’EMMU et l’EMOP donnent aussi des indications sur la migration interne.
Les régions de Ségou, Koulikoro, Sikasso et le District de Bamako enregistrent, selon le
RGPH 2009, une forte proportion de la population (respectivement 19,2% ; 17,1% ; 15,8% et
15,4%) qui vit dans les autres régions du pays.
D’après le RGPH 2009, les migrants internes natifs des régions de Mopti et Tombouctou
viennent en majorité du milieu rural avec plus de 51%, tandis que l’inverse est constaté dans
les autres régions. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que la population urbaine du
Mali commence à prendre goût à la migration. Par exemple, les jeunes de la ville de Ségou
autrefois allergiques à passer une nuit à Bamako se sont installés définitivement pour mener
des affaires.
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Tableau 15: Répartition des migrants internes par région d’origine selon le milieu
Région Milieu Effectifs
Urbain Rural Nombre %
Kayes 59,6 40,4 201 145 11,0
Koulikoro 62,3 37,7 311 287 17,1
Sikasso 50,5 49,5 288 413 15,8
Ségou 55,1 44,9 350 895 19,2
Mopti 49,0 51,0 249 710 13,7
Tombouctou 48,4 51,6 85 594 4,7
Gao 65,4 34,6 53 009 2,9
Kidal 62,4 37,6 4 007 0,2
Bamako 100,0 280 988 15,4
Mali 54,1 45,9 1 825 048 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
3.2.7. Les principales destinations des migrants internes
Après Bamako qui constitue le principal pôle d’attraction des migrants internes (38,7%),
Koulikoro vient en 2ièmeposition avec 19,3% des migrants résidents essentiellement en milieu
rural, Sikasso en 3ièmeposition avec 13,2% et Kayes en 4e position avec 10,1%.
Par contre les régions de Koulikoro, Sikasso et Ségou qui viennent après Bamako par rapport
à la destination des migrants enregistrent une incidence de pauvreté relativement élevée, mais
elles sont aussi des régions où l’activité économique progresse au cours de ces dernières
années. De plus, le solde migratoire (arrivée moins départ) est négatif dans ces régions sauf
Koulikoro qui enregistre un solde positif de 41 337 personnes. Le District de Bamako a un
solde migratoire positif, l’effectif de ceux qui viennent double celui de ceux qui partent.
Pour les deux sexes, il n’existe pas une grande différence entre les migrants internes par
rapport à leur arrivée dans les régions, sauf à Kayes (56,0%) et à Kidal (61,3%) qui se
démarquent des autres en faveur des hommes. Cela peut s’expliquer par le développement de
l’extraction de l’or à Kayes et les fonctionnaires et les militaires qui sont présents à Kidal sans
leurs familles. En ce qui concerne le sexe féminin, ce sont les régions de Koulikoro (49,8%) et
de Ségou (50,4%) qui sont les principales destinations ; ce qui peut être lié à leur passage pour
Bamako qui a le fort taux (51,1%) de destination.
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Tableau 16: Répartition des migrants internes selon les principales destinations par
région et par sexe
Région Sexe Ensemble
Masculin Féminin Effectif %
Kayes 56,0 44,0 152 642 8,4
Koulikoro 50,2 49,8 352 624 19,3
Sikasso 52,0 48,0 240 552 13,2
Ségou 49,6 50,4 183 675 10,1
Mopti 51,0 49,0 121 718 6,7
Tombouctou 51,2 48,8 32 991 1,8
Gao 51,7 48,3 27 088 1,5
Kidal 61,3 38,7 6 630 0,4
Bamako 48,9 51,1 707 128 38,7
Mali 50,5 49,5 1 825 048 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
A l’intérieur d’une même région, il y’a également des mouvements de populations. Les
mouvements migratoires que la région de Sikasso a connus dans le temps venaient
principalement de la partie nord du Mali. Au début, la principale zone de destination des
migrants étaitYorosso, puis Koutiala. Avec la dégradation des ressources naturelles,ces
localités sont devenues des zones de départ vers le cercle de Sikasso. Aujourd’hui ce cercle
est en manque de terres cultivables. Aujourd’hui, dans le cercle de Sikasso, comme il n’y a
plus de terre, ils vont maintenant vers Kadiolo. Comme ce cercle (Kadiolo) est actuellement
menacé, détruit, ils se déplacent pour Bougouni, Kolondiéba et Yanfolila. Selon nos
informations, Bougouni est menacé. Les dernières réserves sont Kolondiéba et Yanfolila. Les
terres de toutes ces zones sont dégradées ».
3.2.8. Les provenances des migrants externes
Les émigrés maliens proviennent de toutes les régions du Mali, mais avec des ampleurs
différentes. D’après l’EMOP 2011 et le RGPH 2009, la région de Kayes fournit plus d’un
quart (28,8% et 25,9%) des migrants à l’étranger, Elle est suivie de la région de Koulikoro
avec 14,8% en 2009 et 19,9% en 2011 et celle de Mopti avec 16,9% en 2009 et 11,0% en
2011. Le District de Bamako (12,7% et 10,1%) et la région Sikasso (11,3% et 16%)
fournissent chacunde son côté plus d’un dixième des migrants externes.
Au niveau national, nous observons que les migrants externes sont essentiellement des ruraux
(80,4% en 2009 et 81,1% en 2011).
Dans toutes les régions, plus des trois-quarts des candidats à l’émigration proviennent de la
campagne. Seules les régions de Gao et de Kidal ont des proportions significatives issues du
milieu urbain (24,3% et 44,8%). L’émigration internationale issue des campagnes est
particulièrement très forte dans les régions de Koulikoro (97,3%), Tombouctou (96,7%),
Mopti (95,2%), Ségou (93,8%), Sikasso (90,9%) et Kayes (89,3).Ce résultat révèle que les
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populations rurales ont un penchant plus prononcé pour l’émigration que celles du milieu
urbain.
Tableau 17 : Répartition des émigrants internationaux par région de départ selon le
milieu
Région de départ 2009 2011
Urbain Rural Total Urbain Rural Total
Kayes 10,7 89,3 28,8 14,6 85,4 25,9
Koulikoro 2,7 97,3 14,8 5,3 94,7 19,9
Sikasso 9,1 90,9 11,3 8,4 91,6 16,0
Ségou 6,2 93,8 7,3 6,1 93,9 11,1
Mopti 4,8 95,2 16,9 9,0 91,0 11,0
Tombouctou 3,3 96,7 4,6 11,9 88,1 3,4
Gao 24,3 75,7 3,5 18,2 81,8 2,2
Kidal 44,8 55,2 0,1 46,1 53,9 0,3
Bamako 100 0 12,7 100,0 0,0 10,1
Total 19,6 80,4 100 18,9 81,1 100,0
Source : RGPH 2009 et EMOP 2011, INSTAT
Toutefois, il convient de signaler que « Si migrants d’origine rurale continuent d’alimenter
l’essentiel des migrations internationales maliennes, notons que la donne a changé et le
profildu migrant malien s’est diversifié tout comme l’espace migratoire. Ces changements
concernent aussi bien le genre que le niveau de formation des candidats à l’émigration
internationale. » (KEITA, 2012, p 67).
A partir de l’examen des régions de départ des émigrés internationaux par rapport à la
pauvreté et le développement humain durable,nous observons que les régions avec une grande
incidence de pauvreté sont les lieux de provenance des migrants externes.
3.2.9. Les principales destinations des migrants externes
Les émigrés maliens se déplacent généralement vers les pays africains. Selon le RGPH 2009,
près d’un tiers (31,9%) des émigrants maliens se dirigeaient vers la Côte d’Ivoire et
provenaient essentiellement des régions de Sikasso (86,4%), Mopti (69,3%) et Ségou
(57,5%). La destination « Europe » vient en 2ièmeposition, avec 19,8% provenant du District
de Bamako (9,2%) et des régions de Kayes (7,0%) et Koulikoro (4,4%).
Cette situation peut s’expliquer par les opportunités de travail en Côte d’Ivoire et en Europe.
Pour la Côte d’Ivoire, il existe non seulement des opportunités de travail, mais aussi par
l’histoire, avec le partage des mêmes aires culturelles, linguistiques, de productions agricoles
et de frontières. En effet, la Côte d’Ivoire a longtemps servi de destination pour les
travailleurs des pays voisins enclavés que sont le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Les pays
de l’Europe, considérés du reste comme un eldorado par une jeunesse en perte d’espoir pour
un avenir meilleur, expliquerait la position qu’occupe l’Europe en tant que destination de ces
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émigrants (cf. CISSÉ et DOUMBIA, 2012). Les proportions des émigrants internationaux
vers des destinations lointaines (hors continent) sont faibles.
Tableau 18 : Répartition des émigrés selon les principaux pays de destinations déclarés
(en %)
Pays de destination 2009
Burkina Faso 1,6
Côte d'Ivoire 31,9
Niger 1,2
Sénégal 6,1
Autre Afrique 32,1
Europe 19,8
Reste du Monde 2,1
ND 5,2
Total 100,0
Source : RGPH 2009, INSTAT
Cas de la région de Kayes
Historiquement parlant, l’émigration relativement récente dans la région de Kayes commence
avec la traite arachidière au Sénégal à l’époque coloniale et à partir des années 1950. Il
s’agissait de départs pour une zone de production de culture de rente. Après cette période de
navetanat, les émigrés ont pris les chemins de nombreux pays africains, pour le commerce
surtout, avant de s’orienter vers l’Europe, notamment la France. Le récit de D.TRAORE, chef
de village de Yélilmané, est un témoignage de ces mutations progressives des destinations
des migrants. « Ma première sortie, ce fut sur le Sénégal. Après, je suis parti en Côte d’Ivoire
de ma propre initiative pour l’orpaillage. Ensuite je suis allé en France en 1969 de ma propre
initiative. Je suis allé en France parce que les premiers qui sont allés dans les années 1951,
1953, étaient « Natiokoniuman » (paraissaient bien à leur retour) ».
De nos jours, les émigrants de Kayes sont présents partout à travers le monde, en Afrique
aussi bien qu’en Europe, en Amérique et en Asie. Dans les débats à l’échelle internationale,
les migrations intra-africaines sont souvent occultées, surtout quand il est question de pays
d’accueil et/ou de transit. Les zones de prédilection des émigrants maliens sont plutôt les pays
de l’Afrique Occidentale, l’Afrique centrale (les deux Congo) et l’Afrique australe. Les
propos suivants de S.SOUMARE6 relèvent cette différence de traitement : « On est en train
de crier partout que les maliens sont nombreux en France. On est trois fois plus nombreux en
Côte d’Ivoire qu’en France. » Et monsieur F.SISSOKO, secrétaire général du conseil régional
de Kayes d’enchainer : « Dans la cartographie de la migration, contrairement aux
apparences ou à ce que l’on croit, la plupart des migrants de Kayes ne sont pas en dehors de
l’Afrique, ils sont en Afrique. Aussi, les migrants de Kayes les plus fortunés ne sont pas en
dehors de l’Afrique, ils sont en Afrique ». Ce constat mérite d’être capitalisé en vue des futurs
projets de gestion des migrations au Mali.
6Ancien migrant, président de l’Union Régionale des Coopératives Agricoles de Kayes (URCAK)
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Les discours et les études sur des émigrants de Kayes sont non seulement abondants, mais
permanents, pour la simple raison qu’ils sont mieux organisés. Cette meilleure structuration
tient au fait qu’ils forment des associations qui s’impliquent dans le développement de leurs
localités d’origine en matière de réalisation d’infrastructures et d’équipements sociaux de
base. Bien qu’individuellement moins riches, les émigrés kayésiens en France contribuent
collectivement au-bien-être collectif de leurs zones de départ, comme le confirme cet
interlocuteur. « La migration a commencé par les campagnes arachidières d’abord au
Sénégal, puis, ont suivi des départs au Congo, en Ouganda (Kampala). Mais de toutes ces
migrations, c’est la migration en France qui a plus apporté à la région. C’est grâce à la
migration en France que nous avons eu de l’eau potable, des écoles, des centres de santé, des
grandes mosquées dans les villages. C’est grâce à la migration en France que la faim a été
éradiquée de nos villages. Dans les années 1970-1980, sans les migrants, certains villages
allaient cesser d’exister à cause de la famine. » (M.SIBY, ancien émigrant en France).
Tous ces discours évoquent la multiplicité des destinations des émigrants de la région de
Kayes. Toutefois, ils n’ont pas le même comportement vis-à-vis de leur pays de départ. Et
c’est là que réside la différence fondamentale.
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IV. MIGRATION INTERNE, PAUVRETÉ ET DÉVELOPPEMENT HUMAIN
DURABLE
4.1. Evolution des migrations internes
La migration interne est une migration qui s’effectue à l’intérieur des frontières d’un pays ou
d’un territoire.
Par rapport à la zone de provenance, les migrants internes viennent de toutes les régions du
pays. Les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti ont toujours fourni plus d’un
dixième des migrants externes de 1976 à 2009 et parfois le double. Actuellement le nombre
des migrants internes venant du District de Bamako ne cesse d’augmenter de 1998 à 2009
respectivement 15,0% et 15,4% par rapport aux périodes de 1976 et 1987.
Dans l’EMOP 2011, avec au moins un membre du ménage vivant en dehors de sa localité,
confirme la tendance déjà montrée par le RGPH 2009. En effet, les régions de Sikasso, de
Kayes, de Ségou et de Mopti sont celles qui enregistrent les plus forts taux de déplacement
hors de leurslocalités d’origine avec respectivement 40,3 %, 37,6 %, 37,2 % et 36,7 %. Par
contre, la région de Kidal (17 %) et le District de Bamako (18,4 %) sont les zones où la
migration est moins fréquente, soit moins d’un ménage sur cinq ayant un membre vivant et
travaillant en dehors de ces localités.
Tableau 19: Evolution des effectifs et des proportions des migrants internes selon la
région de provenance
Année 1976 1987 1998 2009
Effectif des migrants internes 373 448 642 950 772 328 1 825 048
Proportion
Kayes 15,8 10,5 10,4 11,0
Koulikoro 19,7 19,3 22,3 17,1
Sikasso 10,2 11,0 18,5 15,8
Ségou 12,3 21,0 15,6 19,2
Mopti 17,4 12,9 11,8 13,7
Tombouctou 9,6 13,3 3,7 4,7
Gao 7,3 3,8 2,3 2,9
Kidal
7
- 0,0 0,4 0,2
Bamako 7,8 8,3 15,0 15,4
Proportion des migrants internes
rapportée à la population du Mali
5,9 8,4 7,9 12,6
Source : DNSI, INSTAT_ RGP 1976 et RGPH (1987, 1998 et 2009), nos calculs
Un examen rapide du tableau suivant indique que, de façon constante, la ville de Bamako
(31,2% en 1976 et 38,7% en 2009) reste la zone qui accueille le plus de migrants internes.
Ensuite viennent les régions de Koulikoro (12,3% en 1976 et 19,3% en 2009), de Sikasso
7Kidal était un cercle de la région de Gao avant le RGPH 1998
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(15,3% en 1976 et 13,2% en 2009), de Ségou (20,0% en 1976 et 10,1% en 2009) et de Kayes
(5,9% en 1976 et 8,4% en 2009) avec la production aurifère. Pour les deux RGPH qui ont
concerné Kidal, nous constatons une proportion négligeable des migrants internes dans la
région, cela est compréhensible dans la mesure où elle a été érigée en région après les autres
et qu’elle avait besoin du personnel de l’administration, des ONG et des militaires pour le
fonctionnement.
Tableau 20: Evolution des effectifs et des proportions des migrants internes selon la
région de destination
Année 1976 1987 1998 2009
Effectif des migrants internes 373 448 642 950 772 328 1 825 048
Proportion
Kayes 5,9 4,9 5,3 8,4
Koulikoro 12,3 11,3 13,6 19,3
Sikasso 15,3 15,2 13,9 13,2
Ségou 20,0 14,8 13,5 10,1
Mopti 10,3 10,6 6,7 6,7
Tombouctou 4,1 2,4 1,8 1,8
Gao 1,0 1,6 1,5 1,5
Kidal
8
0,4 0,4
Bamako 31,2 39,1 43,3 38,7
Proportion des migrants internes
rapportée à la population du Mali
5,9 8,4 7,9 12,6
Source : DNSI, INSTAT_RGP 1976 etRGPH (1987, 1998 et 2009),nos calculs
Le phénomène migratoire interne ne cesse d’augmenter d’une période à une autre au Mali. En
effet, la proportion des migrants par rapport à la population totale a évolué de 5,9% en 1976 à
12,6% en 2009.
4.2. Une migration interne de natures diversifiées : cas du cercle de Sikasso
Depuis le début des années 1970, point de départ d’une série de périodes de sécheresse
successives, la région de Sikasso est devenue une zone d’immigration interne par excellence.
Sa vocation agro-sylvo-pastorale en fait une zone fortement convoitée par les paysans
maliens, en quête d’espaces favorables à l’agriculture et à l’élevage. En outre, « Les atouts de
la région sont la production de fruits et légumes, la situation géographique (région frontière
avec la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso), la présence du système bancaire et financier
décentralisé, des terres fertiles, des conditions climatiques favorables, etc. » (S. DIARRA,
Migration et pauvreté au Mali, p 9).
8Kidal était un cercle de la région de Gao avant le RGPH 1998
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La migration intrarégionale (interne à la région) est surtout le fait de personnes venant
principalement des cercles de Yorosso et de Koutiala. Actuellement ce flux a gagné les
cercles de Kadiolo, Kolondièba, Bougouni et Yanfolila.
La migration interrégionaleest pratiquée par des personnes venant surtout de trois régions. Il
s’agit, par ordre d’importance du nombre de leurs migrants de Mopti, Ségou et Gao. Dans la
région de Mopti, les migrants seraient majoritairement des dogons qui viennent des villages
des cercles de Badiangara, Koro, Bankass, Mopti, Djénné, etc. Il est recensé, parmi eux, des
agriculteurs, des pêcheurs, des éleveurs, des bouchers.
Dans la région de Ségou, ils seraient originaires des villages des cercles de San, Ségou, Bla et
constitués d’agriculteurs et de manœuvres.
Les migrants en provenance de la région de Gao se retrouvent dans le commerce et la petite
restauration.
Ce flux migratoire est actuellement orienté vers les cercles ci-dessus cités. Quelle que soit la
provenance de ces migrants, certains viennent pour une période limitée (migration
saisonnière) et d’autres pour une durée indéterminée, voire une installation définitive.
Les migrants temporaires sont ceux qui sont là pendant une période bien précise. Ils sont
manifestes ou visibles dans la ville de Sikasso pendant la saison sèche. Ils viennent des zones
rurales principalement les villages environs de la ville de Sikasso. Cette catégorie est
composée de jeunes (filles et garçons) qui quittent leurs villages après les récoltes, à la
recherche d’une occupation quelconque pouvant leur procurer des revenus individuels. Dans
leur majorité, ils viennent volontairement à la recherche de gains individuels et font
généralement toutes les activités qui peuvent leur procurer de l’argent.
Les potentiels candidats à la migration définitive ou prolongée sont à la recherche
permanente de terres cultivables et de pâturages. Généralement, ils poursuivent des objectifs
bien précis. En effet, « la plupart des gens qui viennent pour ici, c’est pour sauvegarder leur
patrimoine comme l’élevage ou chercher des terres fertiles pour la culture. Ici, la terre est
encore favorable en tout cas par rapport aux zones de départ. La plupart de ceux qui sont à
la recherche des champs cultivables, commencent leurs recherches dans les communes
rurales de Kouoro-Barrage et de Gonkasso. » (N.D). Actuellement, du fait de la saturation de
l’espace agricole, ces communes sont devenues des zones de transit vers d’autres.
La plupart de ceux qui ont opté et obtenu les conditions favorables à une migration définitive
s’inscrivent dans des activités pérennes pour l’exploitation des champs et/ou de bétail dont ils
sont propriétaires.
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4.3. Lien migration interne, DHD et pauvreté
Il s’agit dans cette partie de faire un lien entre la migration interne, la pauvreté et le
développement humain durable. La migration est suivie avec l’indicateur du solde migratoire,
à travers la migration durée de vie. Cette notion de migration durée de vie est perçue en
mettant en rapport le lieu de naissance et le lieu de résidence à la date de référence. L’analyse
du RGPH 2009, dit que « le migrant durée-de-vie est tout individu qui réside dans une entité
administrative autre que son lieu de naissance ». De façon opérationnelle, elle concerne les
individus dont la commune (respectivement, cercle, région et pays) de résidence au moment
du recensement est différente de leur commune (respectivement, cercle, région et pays) de
naissance.
« Certainesrecherches(DNSI,RGPH2009)ontétabliquelesfluxmigratoires,tant
interrégionauxqu’internationaux,s’expliquentparlescontraintesexistantesdans
lesmilieuxd’origine:conditionsdevie,revenus,potentieldedéveloppement
decesrégions.L’intensitédesmigrationsvarieraitdoncprincipalementselon
l’importancedecescontraintesetdel’indicedepauvretédanslesrégions d’origine. » (OIM, 2009,
62).
La pauvreté d’une région est appréhendée par l’incidence de la pauvreté, qui mesure le
nombre relatif de personnes dont les dépenses en termes monétairessont au-dessous d’un
niveau fixé appelé seuil de pauvreté.
Généralement le développement humain durable est évalué avec un indice de développement
humain (IDH). A défaut d’un IDH par région, nous allons faire notre analyse à travers
quelques éléments qui permettent de l’estimer, notamment la longévité (mesurée par
l’espérance de vie à la naissance), le niveau d’éducation (mesuré par le taux brut de
scolarisation et le taux d’alphabétisation à défaut d’avoir lesdonnées sur les durées moyenne
et attendue de scolarisation par région) et un proxy du niveau de vie (dépenses par tête).
Les coefficients de corrélation calculés entre la variable « solde migratoire » et les variables
de pauvreté et de développement humain ont montré qu’il y a une corrélation positive et
négative supérieure ou égale à 0,5 (±0,5, donc proche de 1). Ce qui permet de conclure qu’il
existe une relation linéaire entre la migration et la pauvreté (négative) d’une part et entre la
migration et le développement humain (positive) d’autre part, autrement dit, la migration et le
niveau de pauvreté ou le développement humain sont fortement liés. Au regard de ce lien et
des résultats d’analyses effectuées plus haut, la pauvreté et/ou le faible niveau de
développement humain pourrait être la cause d’un solde migratoire élevé, c’est-à-dire de
l’importance des départs par rapport aux arrivées dans la région considérée. A titre illustratif,
un coefficient de -0,7 observé en 2011 indique que si la pauvreté baisse au niveau de la
région, le solde migratoire augmente de façon substantielle c’est-à-dire qu’il y a plus de
départs que d’arrivées.
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Tableau 21: Coefficient de corrélation entre les variables migration, pauvreté et
développement humain
Variables Année Coefficient de corrélation
Incidence de la pauvreté
2009/2010 -0,5
2011 -0,7
2014 -0,6
Espérance de vie 2009 0,5
Taux d’alphabétisation
2009/2010 0,9
2011 0,7
2014 0,9
Taux brut de scolarisation
2009/2010 0,7
2011 0,7
2014 0,6
Dépenses par tête
2009/2010 0,9
2011 0,8
2014 0,5
Source : RGPH 2009, ELIM 2010, EMOP 2011 et 2014, INSTAT, nos calculs
4.3.1. Migration interne et Pauvreté
Le solde migratoire est l’indicateur qui mesure la différence entre l’entrée des personnes non
nées dans une région et la sortie des personnes nées de la région. En se référant à ce solde
nous observons que les régions de Koulikoro, Kidal et le District de Bamako ont un solde
positif c’est-à-dire que plus de personnes rentrent dans ces zones qu’elles ne sortent. Les
régions ayant beaucoup de ressortissants qui migrent plus qu’elles ne reçoivent sont celles de
Ségou, Mopti et dans une moindre mesure Tombouctou, Kayes, Sikasso et Gao.
Tableau 22 : Solde migratoire en 2009
Région de départ Solde Indice de solde migratoire
durée de vie
Kayes -48503 -0,03
Koulikoro 41337 0,02
Sikasso -47861 -0,02
Ségou -167220 -0,07
Mopti -127992 -0,07
Tombouctou -52603 -0,08
Gao -25921 -0,05
Kidal 2623 0,04
Bamako 426140 0,26
Total 0,0 0,0
Source : RGPH 2009, INSTAT, nos calculs
Les conditions économiques sont essentielles pour expliquer la migration. En effet, CISSE et
DIARRA ont rapporté que selon les modèles économiques d’inspiration néoclassique la
rationalité migratoire s’inscrit dans le déséquilibre entre les conditions défavorables des
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milieux de départ et celles plus attractives des lieux de destination. Lewis (1954) et Todaro
(1969) ont expliqué la migration du rural vers l’urbain comme un phénomène d’ajustement
face aux déséquilibres liés d’un système de dualisme économique entre les sites agricoles à
déficit de production et des sites urbains pourvoyeurs d’emplois. La pauvreté est le résultat
des conditions économiques difficiles.
De 2001 jusqu’en 2014, les régions de Sikasso, Ségou et Mopti sont celles qui ont une forte
incidence de pauvreté. Tandis que les régions de Kayes, Gao et Tombouctou sont reconnues
comme celles avec une incidence de pauvreté autour du niveau moyen. Ce sont la région de
Kidal et le District de Bamako qui ont une incidence de pauvreté largement supérieure à la
moyenne nationale.
En faisant référence au solde migratoire, les zones qui fournissent plus de migrants internes
qu’elles ne perçoivent sont celles qui sont restées dans la zone de pauvreté relativement
supérieure à la moyenne, il s’agit notamment des régions de Sikasso, Ségou et Mopti.
Les résultats de l’EMOP 2011 donnent ces régions comme ayant une incidence de pauvreté
au-dessus de la moyenne (45,4%) sauf Kayes. En effet, les principales régions de départ sont
les régions où la pauvreté demeure importante à part le cas de Kayes ; c’est-à-dire Sikasso,
Koulikoro, Mopti et Ségou.
Cela démontre une forte corrélation entre la migration interne et la pauvreté.
Le cas de Kayes est spécial : la pauvreté y recule assez vite et la migration se maintient. Il
existe sans doute la conjonction de plusieurs de facteurs :
- l’aspect culturel de la migration dans cette région ;
- une contribution de la migration à l’amélioration des conditions de vie des
populations, situation qui contribue à maintenir ou même intensifie la même
migration.
Les régions de Gao et Tombouctou qui ont un solde migratoire négatif, mais très loin des
quatre régions sont restées autour de l’incidence moyenne de la pauvreté. Ces deux régions
restent à profil intermédiaire tant au niveau du solde migratoire quedu niveau de pauvreté.
Les régionsà solde migratoire positif comme Kidal, Koulikoro et surtout le District de
Bamako ont enregistré une incidence de pauvreté faible de 2001 à 2014. Ce qui prévaut à dire
que les migrants sont attirés vers les zones dont les conditions de vie semblent meilleures. Le
District de Bamako, le principal pôle d’attraction des migrants internes a toujours une
incidence de la pauvreté (27,52% en 2001 et 11,1% en 2014) en deçà de la moitié de la
moyenne (56,6% et 46,9%) de 2001 à 2014.
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Tableau 23 : Classement des régions selon le niveau d’incidence de la pauvreté
Incidence de la
pauvreté
2001 et 2006 2010 et 2011 2014
0 à 25
Bamako
Kidal
Bamako
Kidal
Bamako
26 à 50
Gao
Tombouctou
Kayes
Koulikoro
Tombouctou
Gao
Kayes
Koulikoro
Tombouctou
Gao
51 à 75
Kayes
Ségou
Mopti
Sikasso
Ségou
Mopti
Sikasso
Ségou
Mopti
76 à 100
Koulikoro
Sikasso
Source : ELIM 2010, EMOP 2011 et 2014, INSTAT, nos calculs
4.3.2. Migration interne et longévité
L’espérance de vie est la résultante d’une bonne santé entrainant une longévité. Elle est le
nombre moyen d’années qu’un enfant né en 2009 peut espérer vivre toutes choses étant égales
par ailleurs.
Au Mali, l’espérance de vie est de 55,6 ans. Nous constatons que les régions de Sikasso,
Ségou, Mopti et Kayes ont une population ayant leur espérance de vie inférieure à la
moyenne. Autrement ces régions ont une longévité inférieure à celle des autres. Ce sont ces
zones qui fournissent plusieurs migrants internes et avec un taux de pauvreté plus élevé que la
moyenne nationale.
Tableau 24 : Espérance de vie à la naissance, longévité
Région de départ 2009
Masculin Féminin Total
Kayes 52,8 57,6 55,3
Koulikoro 53,7 60,2 56,3
Sikasso 52,8 57,2 53,2
Ségou 53,3 57,9 53,8
Mopti 52,5 57,6 55,0
Tombouctou 53,9 54,8 56,5
Gao 61,5 62,9 59,9
Kidal 53,6 57,4 56,2
Bamako 57,1 62,9 59,6
Total 53,0 58,4 55,6
Source: RGPH 2009, INSTAT,
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4.3.3. Migration interne et niveau de l’éducation
Le taux d’alphabétisation au Mali a évolué autour d’un tiers de la population totale (29,4% en
2009/2010 ; 33,4% en 2001 ; 31,0% en 2014) entre 2009 et 2014. Ce taux est au-dessous de la
moyenne nationale presque dans toutes les régions où il existe une forte migration interne et
une incidence de pauvreté assez élevée telles que Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti.
Tableau 25 : Taux d’alphabétisation
Région de départ 2009/2010 2011 2014
Kayes 22,1 30,4 27,5
Koulikoro 31,1 35,0 25,2
Sikasso 26,7 32,4 33,0
Ségou 25,4 37,0 22,4
Mopti 16,8 16,6 16,7
Tombouctou 18,1 15,2 25,3
Gao 34,1 37,4 41,0
Kidal 30,4 56,8
Bamako 55,8 52,5 61,5
Total 29,4 33,4 31,0
Source : ELIM 2010, EMOP 2011 et 2014, INSTAT
Les régions de forte migration interne telles que Ségou, Mopti et Tombouctou ont un taux
brut de scolarisation inférieur à la moyenne nationale pendant les années 2009/2010, 2011 et
2014.
Tableau 26 : Taux brut de scolarisation au primaire
Région de départ 2009/2010 2011 2014
Kayes 66,7 92,2 76,0
Koulikoro 87,2 83,8 75,4
Sikasso 79,9 83,2 77,5
Ségou 67,8 77,2 63,0
Mopti 51,6 47,9 41,9
Tombouctou 47,1 46,7 49,7
Gao 95,3 97,3 94,5
Kidal 74,6 95,2
Bamako 108,7 113,7 94,5
Total 75,4 79,8 72,3
Source : ELIM 2010, EMOP 2011 et 2014, INSTAT
4.3.4. Migration interne et niveau de vie
Le niveau de vie des personnes est cerné à travers leurs revenus, à défaut leurs dépenses de
consommation.
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Les régions qui ont eu un niveau de vie très inférieur à la moyenne pendant toute la période
sont entre autres les régions de Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti. Le solde migratoire est
aussi négatif et très élevé dans ces régions. Les régions de Kayes, Koulikoro et Gao dépassent
parfois la moyenne ou sont autour de la moyenne.
Le District de Bamako a un niveau de vie supérieur à la moyenne nationale pendant toute la
période, il est plus attractif que les autres zones du pays.
Tableau 27 : Dépenses de consommation par tête (en FCFA)
Région de départ 2009/2010 2011 2014
Kayes 184 079 254 438 222 320
Koulikoro 173 824 242 752 179 435
Sikasso 114 169 187 398 161 579
Ségou 131 439 200 844 173 856
Mopti 123 833 194 157 165 728
Tombouctou 152 588 216 135 398 072
Gao 150 203 262 172 201 253
Kidal 141 643 460 405 -
Bamako 389 605 462 614 372 601
Total 175 420 247 900 212 692
Source : ELIM 2010, EMOP 2011 et 2014, INSTAT, nos calculs
4.4. Les effets des migrations
4.4.1. Les effets des migrations sur les zones de départ
Lorsque des avantages économiques et financiers ont été engrangés dans les zones d’accueil,
ils sont nombreux les migrants qui concrétisent un sentiment de redevabilité d’une manière ou
d’une autre, vis-à-vis leur lieu de départ. « L’objectif de tout migrant est d’être autosuffisant,
être autonome, puis aider la famille d’origine. Ici, les migrants dogons envoient de l’argent,
du mil, du coton aux parents restés en famille au village. Ce coton qu’ils envoient n’est pas
celui de la CMDT, c’est eux même qui cultivent ça pour cet objectif. Ils font de petites
parcelles de coton dans l’objectif d’envoyer ça là-bas parce que c’est cher en pays dogon ».
(K.GOÏTA)
Le départ d’un grand nombre de jeunes pose un problème de disponibilité de main d’œuvre. A
Sélingué, la ruée des jeunes vers les sites d’orpaillage a créé une crise de manœuvres
agricoles et rendu le coût de production des cultures plus cher. Le quart (1/4) d’hectare qui
était désherbé à 7 500 F CFA s’élève actuellement à 12 500 F CFA. La désertion des jeunes
(garçons et filles) a rendu les conditions de production agricole plus difficiles. Le coût de
production est très élevé et peu de jeunes orpailleurs ont de quoi financer les travaux
agricoles. Il semble pertinent de se poser la question de savoir pourquoi les aménagements
agricoles, sur lesquels tant d’espoirs reposent, ne parviennent pas à retenir les jeunes ? Quoi
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qu’il en soit, les modalités d’accès aux périmètres irrigués devraient faire l’objet de
questionnement.
Hormis le travail dans les placers, la rentabilité de la migration, surtout lorsqu’elle est
organisée, ne fait apparemment l’ombre d’aucun doute. Les bénéfices en nature, en
équipement, en infrastructures et en argent sont évoqués comme preuve irréfutable de la
pertinence de la migration. Dans de nombreux cas, la migration résout plus de problèmes
qu’elle n’en crée.
4.4.2. Les effets des migrations sur les zones d’accueil
Dans le domaine du renforcement des capacités, les migrants y ont beaucoup contribué dans
les zones de destination. Plusieurs activités ont pris plus d’ampleur grâce aux migrants. Ces
activités étaient pratiquées soit timidement, soit pas du tout. Quand les migrants sont venus
s’installer, ils ont développé ces activités et ont transféré leurs compétences aux autochtones.
Aujourd’hui, la pratique de ces activités faitle bonheur de ces autochtones et concourt ainsi à
assurer une relative sécurité alimentaire de la localité. La présence de nombreux migrants
dans la région a donné lieu à un important partage d’expériences.
Dans le domaine de l’agriculture
La migration a participé au développement des zones d’accueil à travers le renforcement des
capacités. Ainsi, on note que la migration des miniankas dans la zone de Bougouni a
contribué à favoriser le renforcement des capacités des autochtones en matière de techniques
agricoles qu’ils maîtrisaient. Ce partage d’expériences aurait contribué à l’atteinte d’une
relative sécurité alimentaire dans certaines localités selon N. DIARRA.
Dans la commune rurale de Baya, le maire reconnaît la contribution des migrants en matière
de production intensive : « Je pense que la migration a beaucoup apporté. Le périmètre qui
n’était pas exploité entièrement l’est aujourd’hui à 100%, ce qui fait une production massive.
Aujourd’hui avec la migration, on trouve du maïs et du riz ici à bon prix. Avant l’arrivée des
migrants, on avait des difficultés à boucler les 12 mois de l’année sur le plan alimentaire».
Dans la commune rurale de Baya, la culture de la patate a été introduite par un migrant venu
du cercle de Sikasso. Il s’agit de l’entreprise d’un monsieur que raconte le maire : « il est venu
s’installer ici, car il connaissait bien les techniques de production de la patate. Il a pris un
hectare dans les champs abandonnés qu’il aménagea. La production d’un demi-hectare lui
avait rapporté plus de 500000 F CFA en moins de 4 mois. Les autochtones ayant constaté les
revenus importants qu’il avait tirés de la vente des patates produites se lancèrent dans la
culture de ce tubercule. Il y a maintenant une grande production de patate à Sélingué».
Dans le domaine de la pêche et de l’élevage
Lorsque les pêcheurs migrants Bozo sont arrivés dans la commune rurale de Kouoro-barrage,
la pêche était une activité marginale. Elle était pratiquée comme passe-temps ou tout au plus
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pour l’alimentation de temps à autre, avec des moyens rudimentaires. L’arrivée des bozo dans
la zone a rendu la disponibilité permanente du poisson. En outre, ils ont également formé les
enfants de leur logeur aux techniques de la pêche. Le maire de la commune rurale de Kouoro
reconnaît que «L’arrivée des bozo dans la zone a favorisé le renforcement des capacités des
autochtones pêcheurs dans cette activité. Il y a une famille senoufo ici qui a des pirogues,
mais elle n’est pas bozo. Ils se sont formés chez les bozo pendant un certain temps. On les
considère comme des bozo parce que chaque jour ils vont à la pêche. »
L’une des expériences qui mérite d’être soulignée est celle des peuls éleveurs devenus
agriculteurs et d’agriculteurs senoufo qui sont aussi devenus de vrais « éleveurs » de bétails.
Beaucoup de senoufo défient aujourd’hui les peuls dans le domaine de l’élevage. A ce sujet,
un responsable du conseil régional de la région dit ceci : « Les peuls qui viennent s’installer
ici par exemple chez moi au village, emploient les jeunes comme bouviers moyennant un
salaire en nature. Quelques années plus tard on retrouve ces bouviers senoufo propriétaires
de troupeaux et qui désormais ont l’élevage comme activité principale ». De leur côté, quand
bien même les éleveurs peul n’ont pas l’agriculture comme activité principale, ils possèdent
des champs dont ils tirent des profits substantiels. Le maire d’une commune reconnaîtra que
malgré une cohabitation souvent difficile entre éleveurs et agriculteurs, elle comporte des
avantages.
Paiement de taxes
Dans le cadre du paiement des taxes et impôts, il ressort que les migrants installés
définitivement dans les zones d’accueil paient des taxes à divers titres à la commune. Parlant
des migrants, un interlocuteur affirme: « Ils s’acquittent de leurs impôts et taxes. Tous les
hameaux installés paient régulièrement leurs taxes et impôts. Comparativement, ils
s’acquittent mieux de leurs devoirs administratifs que les autochtones. Ils sont impliqués dans
tout dans la vie villageoise, communale, etc. Il y a une organisation qui, il y a quelques
années, a décerné un Prix au village meilleur payeur d’impôt et taxe et généralement ce sont
les hameaux de migrants qui l’emportent».
4.5. Intégration
La mesure de l’intégration peut se faire et s’analyser de plusieurs points de vue. L’intégration
se vit et se pense différemment dans un village que dans une ville. Dans le village,
l’intégration se vit en fonction d’une inscription quelconque (champ, lot d’habitation) dans le
terroir villageois, la possession d’un carnet de famille, l’implication dans les actions de
développement du village, la pratique de l’activité de production principale, les échanges de
biens et de services.
4.5.1. Carnets de famille et biens immeubles
La détention d’un carnet de famille est la preuve d’une résidence ou pour le moins d’un
enregistrement au niveau d’un lieu précis. Quand une personne réside dans un lieu au-delà de
six mois, elle peut se faire enregistrer comme résidente. Dans la pratique, l’identification et le
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recensement des migrantsne sontpas une sinécure. Beaucoup de migrants ne sont pas
répertoriés, ce qui fait que dans une commune, la population flottante est très importante, bien
qu’on ne puisse pas parler de migrants clandestins. Ils ne se font recenser que lorsqu’ils ne
peuvent faire autrement pour accéder à des biens ou services, tels que l’accès à un lot
d’habitation ou à une parcelle de culture dans une zone aménagée. En effet dans la commune
rurale de Baya « Ceux qui n’ont pas de parcelle sont souvent obligés de se faire recenser
pour avoir une parcelle, parce que les parcelles sont attribuées à travers les carnets de
famille ».
Par ailleurs, à l’occasion des périodes électorales, beaucoup d’hommes politiques aident les
migrants à obtenir des carnets de famille afin de pouvoir avoir des cartes NINA pour les
votes. Dans les communes de Baya et de Kouoro, les migrants sont très nombreux et
organisés et il faut compter avec eux lors des élections. La composition des candidats avec les
migrants est devenue un passage obligé, comme le reconnaît le président du conseil de cercle
de Sikasso.
4.5.2. Hommes politiques locaux : des migrants élus municipaux
L’accès à un poste politique électif peut être perçu comme une intégration relativement
réussie. Dans le domaine de la participation à la vie politique, les migrants installés
définitivement sont très actifs. Les maires des communes rurales de Kouoro et de Baya ne
sont pas originaires des collectivités dans lesquelles ils ont été élus. A travers le Mali, de
nombreux élus communaux ne sont pas nés ou originaires des communes dans lesquelles ils
ont été élus. Avec eux, il semble que les communes fonctionnent mieux.
4.6. Les problèmes
4.6.1. La destruction de l’environnement
Au-delà des perpétuels conflits opposant agriculteurs et éleveurs pour destruction de cultures
et obstruction des pistes pastorales, les conflits ordinaires de cohabitation ne manquent pas.
Toutefois, il arrive que les pratiques initiées par les migrants et adoptées par les autochtones
soient des menaces sérieuses pour les uns et les autres.
La production du charbon, la coupe et vente du bois de chauffe sont devenues des activités
lucratives que mènent actuellement les populations de la région. Dans le cercle de Sikasso,
elles ont été introduites par les migrants. Ces activités leur permettent d’avoir des revenus
financiers individuels importants. Les populations autochtones se sont également mises à
produire et à vendre du charbon. La conséquence immédiate est que la déforestation du cercle
de Sikasso est fortement entamée actuellement. La région deSikasso, l’une des zones
forestières du Mali est en pleine déforestation, suite à ces activités. Face à une telle activité de
prédation et afin de stopper le processus, des mesures vigoureuses doivent être prises sans
attendre comme le suggère le maire de la commune de Gonkasso : «Si un malien migre chez
moi pour avoir des terres cultivables, je peux lui en donner par hospitalité. Mais s’il fait la
coupe abusive du bois je le chasserai de mes terres. Parce que ce dernier va nous faire perdre
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tout. Nos enfants et petits-enfants ne bénéficieront de rien. Une fois que tu pratiques la
production du charbon sur une terre, cette dernière ne sera pas fertile durant 20 ans ».
Malheureusement, ceux qui pratiquent la production de bois de cuisine et de charbon
disposent de permis de coupe, délivrés par l’administration qui les garantissent et les
protègent. Cette autorisation leur permet d’exploiter où et quand ils veulent. Face à ce permis
de coupe, les élus aussi bien que les autochtones sont impuissants, car « Nous ne pouvons pas
freiner cette pratique. Ce que je souhaite, c’est une rencontre avec les autorités
administratives de la localité parce que tous ceux qui font la coupe pour produire du bois et
du charbon possèdent des autorisations délivrées par ces autorités. C’est l’Etat qui les
autorise et nous sommes impuissants ».
4.6.2. La quête d’émancipation (autonomie – étrangers, statut de cadets sociaux)
L’autonomisation des migrants constitue un problème majeur, à en croire les migrants
installés définitivement dans la commune de Baya. Ils sont confrontés depuis toujours à des
problèmes de terres cultivables, de fonciers et de reconnaissance sociale. Statutairement, tout
semble être mis en œuvre pour maintenir les migrants dans le statut de cadets sociaux. En
effet, les autochtones sont opposés à toute velléité d’émancipation. Pour tout malentendu
opposant migrants et autochtones, les derniers rappellent aux premiers leur statut de migrants
en ces termes : «tu es un étranger, ici c’est la terre de nos pères (ancêtres). Voilà pourquoi
les hameaux comme Carrières, Batourou, Bozola, qui comptent chacun plus de 100 habitants
ont vu leur demande d’élévation au statut de village rejetée. Les villages mères s’opposent à
leur émancipation bien que ces hameaux soient plus peuplés. Ainsi, les chefs dans ces sites ne
sont que des chefs de quartiers et conseillers du chef de village. Ce statut les exclut des
réunions quand les autorités administratives ou politiques invitent les chefs de village.
Aucune correspondance n’est directement adressée à eux. Cette situation provoque la
frustration chez les habitants de ces quartiers. Le chef du quartier Bozola exprime sa
frustration en ces termes : « J’aimerai qu’on restitue à chacun sa dignité. Celui qui a fait plus
de 30 ans dans un lieu ne mérite pas d’être traité d’étranger. Je suis chef de village, mais les
autochtones me qualifient de conseiller du chef de village, chose que j’aimerai voir cesser. En
plus, j’aimerai qu’on nous laisse la gestion de nos terres et que personne ne s’y implique.
Quand on migre on voit tout, on entend tout, tout se fait ».
Pour tout acte de nature administrative (demande d’accès à un lot à usage d’habitation ou une
parcelle de culture irriguée), ces quartiers doivent toujours s’en référer au chef du village sur
les terres desquels ils ont été installés.
Dans la commune rurale de Kouoro, une autre tentative d’autonomisation des paysans dogon
s’est heurtée à une opposition farouche des autochtones. Il s’agit en fait de la tentative de
création d’une coopérative indépendante de celle des autochtones. Chose que ces derniers
n’ont pas appréciée. Cette tentative a créé une tension grave entre les migrants et les
autochtones qui avaient, à l’occasion, menacé les allochtones de les exproprier s’ils
persistaient dans leur entreprise d’autonomisation. A propos de ces évènements, voici ce que
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le maire raconte : « Avant, ces dogons et les autochtones cultivaient et vendaient leur coton
au compte de la même coopérative. Puis les dogons ont essayé de créer une seconde
coopérative pour être indépendants, sans en informer les autochtones. Quand les autochtones
ont fait le constat, ils se sont opposés parce qu’ils n’ont pas été informés. Ils estiment que les
dogons migrants ne les ont pas considérés, qu’ils ne les reconnaissaient pas comme hôtes. Ils
ont dit qu’ils n’ont pas refusé la création de la coopérative. Ils estiment que les dogons
devaient les informer, car ce sont eux qui leur ont donné les terres cultivables. Cela n’ayant
pas été le cas, ils ont exigé purement et simplement aux dogons de quitter leurs terres.».
Alors, que ce soit dans le cercle de Sikasso (Kouoro et Gonkasso), le cercle de Yanfolila
(Kangaré, etc.), l’autonomie des migrants dans certains registres n’est jamais acceptée.
4.6.3. Délinquance et prostitution
Au rang des problèmes liés à la migration interne, figurent la délinquance des jeunes migrants
sans emploi et la prostitution. En effet, des jeunes venant des zones rurales n’ayant pas eu de
travail sont susceptibles de s’adonner à des actes de délinquance afin de pouvoir répondre à
leurs besoins fondamentaux.De même, certaines jeunes migrantes dans les grandes villes,
notamment le District de Bamako, travaillant comme aides ménagères, constituent des proies
faciles pour les réseaux de prostitution.
4.6.4. Migrants mineurs
Des enfants, envoyés par leurs parents auprès de maîtres coraniques, pullulent dans les rues en
faisant de la mendicité pour se nourrir et pour amener de l’argent à leurs maîtres. Ces enfants
ne sont pas scolarisés, sont exposés à des problèmes de santé et peuvent verser dans la
délinquance.
Par ailleurs, de nombreux jeunes enfants migrent vers des sites d’orpaillage s’exposant aux
risques de maladie. De même, suite à la crise politico- sécuritaire survenue en 2012 dans la
partie septentrionale du pays, le phénomène des déplacés internes a eu pour corollaire
l’augmentation du nombre d’enfants vulnérables sur le plan sanitaire et scolaire.
4.6.5. Les difficultés du retour
Partir est une chose, revenir en est-il une autre ?. Tout dépend de ce que cette inconnue, qu’est
l’aventure migratoire, réserve.
La problématique de retour se pose en termes d’intégration. En effet, certaines acquisitions ou
investissements traduisent clairement une intention de ne plus retourner s’installer au lieu de
provenance. Si la possession d’un carnet de famille ou le paiement des impôts et taxes sont
autant d’actes citoyens, tout autant que l’implication dans la vie sociale, économique,
politique, l’acquisition d’un patrimoine foncier (résidentiel et/ou agricole) est le plus souvent
des signes très visibles d’une installation définitive sur le lieu d’accueil. Avec la possession
d’une propriété foncière, les intentions de retour des migrants à la recherche de terres
agricoles deviennent particulièrement faibles. Cette intention de non-retour est clairement
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exprimée par ce sexagénaire dogon installé à Kangaré9 depuis plus de 40 ans : «Je suis arrivé
ici à l’âge de 22 ans. L’intention de retour définitif n’est plus à l’ordre du jour. Nous partons
pour des visites de temps en temps au village natal, mais nous ne comptons pas retourner
vivre là-bas. Avant, je faisais l’agriculture sur 10 hectares. Maintenant, je fais le commerce
de céréales et d’autres produits depuis 21 ans. Les enfants s’occupent de l’exploitation des
champs. Ce sont mes parents restés au village qui viennent pour les visites fraternelles ».
Plus édifiants encore ces propos du chef de quartier de Batourou (village de Kangaré) qui
n’envisage pas de retourner : « il y a une crise permanente d’eau ; pour avoir du bois de
cuisine il faut faire 12 kilomètres ; pour aller vendre les produits locaux, il faut les
transporter sur la tête et sur de très longues distances ».
Si une migration réussie est une condition nécessaire d’un retour, celui-ci est fonction des
projets nourris et réalisés dans les lieux de provenance. Une personne dont la cause principale
de migration est liée à une crise foncière (insuffisance et épuisement des terres de culture),
effectuerait difficilement le voyage de retour définitif.
Il y a aussi ceux qui ne peuvent plus retourner au village natal, suite à l’échec du projet de
migration, ou bien ils n’ont rien d’autre à faire dans le lieu de provenance où l’essentiel des
liens sociaux sont dissouts au profit des relations de proximité géographique, comme cela
transparaît dans les propos de ce pêcheur bozo : Si tu nous vois toujours installés ici, ce n’est
pas parce qu’on gagne, mais parce qu’on a duré ici, sinon ce n’est plus pour la pêche. Quand
vous vous installez et que des relations se tissent, le milieu vous retient ». Retourner pour quoi
faire là-bas ? Est la question que se posent tous les migrants qui n’ont pas l’intention d’un
retour définitif dans leur agenda.
9 Chef-lieu de la commune rurale de Baya
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V. MIGRATION EXTERNE, PAUVRETE ET DEVELOPPEMENT HUMAIN
Une migration est dite externe lorsqu’elle porte sur des changements de résidence habituelle
entre pays.
Dans cette partie, il s’agit de rendre compte :
- de l’évolution de la migration externe ;
- des conditions de vie des émigrés ;
- des apports des migrants et leurs effets quant à la lutte contre la pauvreté dans les
zones de départ ;
- des problèmes liés à la migration externe.
5.1. L’évolution des migrations externes du Mali
Les migrations externes appelées internationales sont aussi importantes que celles de
l’intérieur. Les RGPH de 1998 et de 2009 se sont aussi intéressés à ce type de migration qui
est considéré comme une clé de réussite pour les candidats potentiels, car « aller à l’extérieur
est synonyme de bonheur pour une grande majorité ». Il existe des migrants des autres pays
qui sont au Mali, selon le RGPH 2009, ils sont plus de 313 000 personnes dont 51,2% sont en
milieu rural. Nous allons aborder la question des migrations externes à travers les émigrés
maliens qui sont à l’étranger et que les données du 4ièmeRGPH ont permis d'appréhender au
coursdes cinq années précédant le recensement.
De 1998 à 2011, la proportion des migrants externes par région a considérablement changé
aussi. Avec le RGPH 1998, la région de Sikasso était celle qui avait plus de personnes
(23,7%) à l’étranger suiviepar le District de Bamako (16,8%), les régions de Koulikoro
(14,4%) et de Kayes (13,4% en 4e position). Ce changement constaté dès les résultats du
RGPH 2009 plaçant la région de Kayes comme la région qui fournit plus de migrants externes
(29,3%), a été confirmé par l’EMOP 2011 (25,8%) et suiviedes régions de Koulikoro (16,0%
en 2009 et 20,0% en 2011) et de Sikasso (13,0% en 2009 et16,1% en 2011).
La majorité des migrants externes a longtemps été les personnes de sexe masculin. Les
résultats du RGPH 1998 ont confirmé ce constat.Le RGPH 2009 a révélé une inversion de
cette tendance. Les personnes de sexe féminin (52,5%) ont pris goût pour une installation à
l’extérieur et cela est confirmé par l’EMOP 2011(elles sont encore majoritaires avec 51,5%).
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Tableau 28 : Répartition des émigrants, par région de départ, selon le sexe
Région de
départ
1998 2009 2011
Masculin Féminin Total Masculin Féminin Total Masculin Féminin Total
Kayes 66,7 33,3 13,4 46,4 53,6 29,3 47,7 52,3 25,8
Koulikoro 72,8 27,2 14,4 48,1 51,9 16,0 48,9 51,1 20,0
Sikasso 64,7 35,3 23,7 48,3 51,7 13,0 51,6 48,4 16,1
Ségou 70,5 29,5 10,8 48,5 51,5 7,4 49,2 50,8 11,2
Mopti 75,2 24,8 12,0 47,5 52,5 13,6 45,5 54,5 10,8
Tombouctou 60,8 39,2 4,2 46,3 53,7 3,6 51,4 48,6 3,6
Gao 57,0 43,0 4,3 47,0 53,0 2,7 49,0 51,0 2,2
Kidal 55,4 44,6 0,4 51,2 48,8 0,1 53,0 47,0 0,3
Bamako 53,4 46,6 16,8 47,8 52,2 14,3 46,0 54,0 10,0
Total 65,6 34,4 100,0 47,5 52,5 100,0 48,5 51,5 100,0
Source : RGPH 1998 et 2009 et EMOP 2011, INSTAT
Les migrants externes maliens se dirigent principalement vers la Côte d’Ivoire (31,9% en
2009 et 39,0% en 2011). Les autres régions Afrique (surtout Gabon, RDC, Congo et Angola)
viennent en 2ièmeposition suivies de l’Europe.
Tableau 29 : Répartition des émigrés selon les principaux pays de destinations déclarés
(en %)
Pays de destination 2009 2011
Burkina Faso 1,6 2,0
Côte d'Ivoire 31,9 39,0
Niger 1,2 2,0
Sénégal 6,1 6,0
Autre Afrique 32,1 25,0
Europe 19,8 23
Reste du Monde 2,1 3
Non Déclaré 5,2 -
Total 100,0 100,0
Source : RGPH 2009 et EMOP 2011, INSTAT
5.2. Etat des migrations externes de la région de Kayes
Historiquement connue comme une zone d’émigration au Mali, la région de Kayes continue à
développer une forte tendance de ce phénomène, malgré les mesures restrictives des
traditionnels pays de destination. L’histoire récente de la migration dans la région de Kayes ne
saurait être suffisamment comprise en occultant l’intervention coloniale. Avec le contrôle du
commerce monopolisé par les colons français, les soninké jadis commerçants se sont rabattus
sur l’agriculture pour survivre. L’institutionnalisation du paiement de l’impôt per capita en
monnaie a contraint de nombreuses personnes à entreprendre le navetanat. « Les sécheresses
des années 70-80 ont contraint les maliens à migrer partout et plus loin. » (Merabet et
Gendreau 2007).
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L’émigration est une pratique largement ancrée dans les pratiques des populations de la région
de Kayes. Tous les cercles vivent la fièvre de ce phénomène avec plus ou moins d’intensité.
Trois cercles, en l’occurrence Yélimané, Kayes et Nioro du Sahel, semblent fournir plus
d’immigrés que les autres. La mobilité est plus forte en milieu soninké, où les jeunes de tout
un village peuvent partir en ne laissant que les femmes et les personnes âgées. Par contre, en
milieu peulh comme dans la commune de Koniakary, il y a toujours des jeunes qui restent
pour s’occuper de la famille. Autant les enjeux et les problèmes de la migration déterminent
des stratégies pour les émigrés, les candidats et les parents, autant ils suscitent l’implication
stratégique des acteurs régionaux et locaux aux statuts variés.
5.3. Les conditions de vie des migrants dans les pays d’accueil
5.3.1. L’accès à l’emploi
Pour les émigrants en Afrique centrale, le commerce est l’activité principale. Quant aux
émigrants en France, ils sont pour la plupart des ouvriers, des manœuvres et sont également
dans la restauration. Auparavant, les émigrants occupaient des emplois que les français
dédaignaient. Avec la crise de l’emploi aujourd’hui, ceux-ci sont candidats pour lemême
travail et la concurrence est actuellement plus âpre avec les facilités accordées aux
ressortissants des pays membres de l’Union Européenne. Ils sont candidats pour être
manœuvres, éboueurs comme les émigrés maliens. « Il y a 20 ans, le travail qui était
exclusivement exercé par nous, les blancs eux-mêmes le font maintenant, ce qui pose le
problème de l’emploi. Avant, nous balayions, lavions les assiettes. Les blancs eux-mêmes font
tout cela maintenant. Certainspays de l’Est font aujourd’hui partie de l’Union européenne.
S’il y a compétition, on prend les roumains ou les bulgares qui sont mieux qualifiés. Mais on
ignore tout cela et on pousse les jeunes à partir » (M.SIBY).
Le taux de chômage des migrants maliens en France est assez indicatif des difficultés d’accès
à l’emploi : « le taux de chômage chez les immigrés maliens en France est de 28,33%... Il est
donc plus élevé que la moyenne nationale… D’après les statistiques de l’INSEE, 38% des
maliens actifs (25 189 personnes) occupent des postes d’ouvriers non qualifiés et 17% des
postes d’ouvriers qualifiés.
Dans un contexte de compétition, la première arme est la qualification qui manque très
souvent aux émigrants africains, particulièrement ceux de la région de Kayes. Pour M.
SIDIBE, « La migration malienne est faiblement qualifiée, ce qui explique l’absence de
boulot directeur. Les maliens sont restés cloisonnés dans les domaines d’efforts physiques ».
La dégradation des conditions d’accès à l’emploi est très importante. Certains émigrés restent
sans travail pendant longtemps et sont à la charge des parents. Les émigrants irréguliers sont
contraints d’exercer n’importe quel emploi qui s’offre à eux.
Dans certains pays d’Afrique, en l’occurrence le Cameroun, les nouveaux migrants n’ont pas
de problèmes d’accès au travail comme au logement « A leur arrivée en ville, les migrants
maliens, …, sont accueillis à l’intérieur de réseaux de parenté fondés sur une région ou un
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village. Les migrants maliens à Douala ou à Yaoundé forment une population reconstituée sur
le modèle de l’espace villageois organisé. Lorsqu’un migrant arrive, c’est un réseau très solide
de parents qui l’accueille et le prend presqu’en charge, au départ dans un foyer. La mosquée
des dogons à Douala et le foyer dogon à Yaoundé sont les centres où tout nouvel arrivant
rencontrera un parent ou un ressortissant de son village. »(CISSE Pierre, 2009, p 45). Les
difficultés ou les facilités d’accès au logement tout comme à l’emploi sont fonction de la
nature des accords et/ou conventions qui lient les pays.
5.3.2. L’accès au logement
La plupart des maliens qui arrivent en France, surtout à Paris pour les migrants ruraux et
analphabètes, leur accès à un logement décent est particulièrement difficile. « Les conditions
d’habitation des migrants maliens en France sont caractérisées par l’exigüité, l’insalubrité, le
confort rudimentaire, la proximité et la précarité… Les sociétés HLM ont refusé quasi
systématiquement d’attribuer des logements aux soninké du fait de leur grande famille, de la
polygamie et des querelles de voisinage » (DIARRA, 2008, p 53). Cette image est relayée par
Founéké qui témoigne de sa visite des foyers lors d’un séjour en France par ces propos :
« Quand nous sommes partis une fois en France, nous nous sommes rendus dans un foyer.
Dans un périmètre réduit, vous retrouverez, l’étalagiste, le vendeur de colas, la restauratrice,
tout ce que vous pourriez imaginer. Ce sont des endroits plus insalubres que nos villages. Si
les parents des migrants pouvaient s’y rendre ne serait-ce qu’une fois pour voir leurs
conditions de vie et les conditions dans lesquelles ils gagnent leur argent, ils ne détourneront
plus jamais leur argent. Mais les migrants ne diront jamais à leur retour ce qu’ils font comme
activité dans leur pays d’accueil».
Ce sombre tableau est éloquemment décrit dans le passage suivant : « Flattés par les réussites
de quelques camarades rentrés au village, après un séjour en France (costumes, radios,
électrophones, etc.), tentés par l’immigration, nous nous sommes donc retrouvés en France,
comme tant d’autres.
Arrivés dans ce pays de rêve, qu’avons-nous trouvé ? Un travail, certes, mais un travail dur,
pénible. Un logement, certes, mais des conditions d’hygiène regrettables ; un dépaysement
total » (S.SOUMARE, 2001, p 25).
Ce mode de logement (une vie au Foyer), - ils sont 28% d’immigrés maliens en France à y
vivre – (CFSI, 2003) est loin d’être celui dont rêve tout candidat à la migration. Ils sont
nombreux à vivre plutôt dans des ghettos en plein cœur de Paris, la ville lumière. Les
clandestins vivent dans le noir et travaillent au noir.
5.4. Les transferts d’argent des émigrés
« Les migrants constituent à la fois une richesse pour le pays de départ et pour le pays
d’accueil » (Diarra, 2008, p 81). Quel que soit le type d‘emploi qu’ils exercent et le statut de
résident, les migrants se sacrifient pour épargner sur leurs faibles revenus, afin d’améliorer les
conditions de vie des parents restés au village. De nombreux enquêtés s’accordent à dire que
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ceux qui investissent, parmi les émigrants, sont ceux qui vivent dans les foyers en France qui
sont décrits comme des lieux insalubres et précaires.
Les régions ayant une forte proportion de migrants externes reçoivent de leurs ressortissants
une proportion forte des montants reçus. Plus d’un quart (25,8%) des migrants provient de la
région de Kayes, qui se taille plus de quatre dixième (43,5%) des fonds reçus.
5.4.1. L’estimation des transferts des migrants
Les transferts des fonds des migrants10 suscitent beaucoup d’interrogations quant à leur
apport à l’économie du pays d’origine. Selon la Banque Mondiale en 2013, ils peuvent croître
à un rythme de 9% l’an d’ici 2016 dans les pays en voie de développement. L’estimation des
transferts des migrants posed’énormes problèmes par rapport aux canaux de transferts et les
sources des données.
Canaux de transferts
Les canaux de transferts constituent les voies utilisées par les migrants pour transférer leurs
fonds dans leurs pays d’origine. Les canaux de transferts sont de deux types à savoir les
formels et les informels. Les canaux de transferts formels sont constitués des banques, de la
poste et des sociétés de transfert d’argent. Pour ce type de canal, l’estimation des transferts ne
pose pas de problèmepuisque tout est retracé au niveau des comptes de ces circuits.
Tandis que les canaux informels qui passent essentiellement par les voyageurs, les
commerçants et hommes d’affaires, le système fax sont difficiles à estimer. L’étude de la
BCEAO en 2011 indique que le circuit informel (54,7%) domine leformel (45,3%) dans les
transferts de fonds reçus par les ménages. Bien qu’ils ne soient pas aussi sûrs, les circuits sont
la préférence des migrants. D’après l’étude de la BAD en 2007, les principales raisons
peuvent être la rapidité, le coût des canaux formels et surtout l’importance des migrants en
situation irrégulière, pour protéger leur anonymat. Cette préférence est confirmée par l’étude
de la BCEAO (2011), qui s’est basée sur les opinions des ménages récepteurs de fonds quant
à la performance du canal : la rapidité est évoquée par 22,1%, suivie de la facilité des
transactions (13,5%), du faible coût du canal (12,6%) et de la sécurité des transactions
(11,6%).
Pour les différents transferts, les migrants disposent de systèmes différents de ceux des
structures modernes de transfert d’argent. A Koniakary, la caisse de transfert s’appelle « Toti
mi toti », dialecte peulh qui signifie « Donne, j’ai donné ». M. Bah décrit le fonctionnement
de cette caisse comme suit :« C’est une caisse d’urgence qui fonctionne à merveille. De
partout au monde, un émigré peut déposer de l’argent au niveau de son association dans
l’optique de le transférer à Koniakary et le destinataire peut l’enlever juste après un coup de
fil du point focal du pays d’envoi. C’est un transfert d’argent très rapide et sans aucun
frais ».
10
Transferts de fonds des migrants = argent que les émigrés envoient dans leur pays d’origine depuis leurs pays d’accueil, Banque mondiale 2013
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Les émigrants de la commune de Hawa Dembaya utilisent les mêmes systèmes de transfert
d’argent. Il s’agit des systèmes organisés à partir des foyers. A propos du système, I. Sarr,
maire de la commune de Hawa Dembaya affirme qu’il s’agit plutôt d’une question de
confiance entre clients et opérateurs : « Un réseau moins cher, moins sécurisé mais plus
utilisé car basé sur la confiance, en trente (30) minutes, le destinataire reçoit l’argent. Ce
réseau n’a pas pu être détrôné par Western Union ou Orange Money».
Sources de données
Les estimations des transferts sont effectuées par la BCEAO depuis des années avec la
production de la balance des paiements. Elles sont effectuées à partir des transferts bancaires,
des flux comptés par le biais des transferts électroniques (transferts reçus par les sociétés de
transferts d’argent à travers les banques et la poste), ainsi que les statistiques sur les billets
étrangers appréhendés à travers les opérations de change manuel. L’enquête sur les envois de
fonds des migrants réalisée en 2011 dans tous les pays de l’UEMOA a permis de corriger
cette tendance avec la prise en compte des flux informels comme le système « fax/téléphone »
bien développé actuellement.
Analyse de l’importance des transferts
Les séries actualisées du transfert des fonds des migrants consignées dans le tableau ci-après
montrent que ces transferts sont beaucoup plus importants que l’aide publique au
développement (APD). Ils font en moyenne 135% de l’APD en 2010 et 2011. Les années
2012 et 2013 ne sont pas significatives concernant l’APD, à cause de la crise et de l’arrêt de la
coopération qui en a résulté. On remarque cependant, que durant ces années difficiles, les
transferts ont considérablement augmenté. En d’autres termes, on n’est jamais abandonné par
les siens.
Les transferts des migrants sont également beaucoup plus importants que le financement
extérieur du BSI. Ils font en moyenne environ 160% de ce financement en 2010 et 2011.
Par rapport aux recettes d’exportation, les transferts représentent en moyenne 28% de 2010 à
2013.
Tableau 30 : Transferts des fonds des migrants comparés aux recettes d’exportations, au
BSI externe et aux APD (en milliards de FCFA)
Envois de fonds
des travailleurs
migrants reçus
Recettes
d’Exportations
BSI
externe APD
2010 291,7 973,9 166,6 198,14
2011 316,6 1132,2 217,9 254,93
2012 367,4 1337,8 52,1 1,79
2013 374,7 1371,6 117,7 156,05
Source : BCEAO, Balance des paiements ; DNPD BSI ; SHA CRMT ; INSTAT, Comptes économiques
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Ce sont donc des sommes importantes que les émigrants envoient chaque année, soit
individuellement, soit en association pour gérer les problèmes de familles, tels les achats de
vivres, soins de santé ou pour faire face à des investissements d’intérêt communautaire, à des
évènements sociaux ou religieux. Les émigrants envoient aussi de l’argent à leurs parents,
proches ou amis pour la réalisation de leurs projets personnels.
5.4.2. Provenance des Transferts
Selon l’étude BCEAO, les envois des fonds des migrants proviennent essentiellement de la
France (46,8%), quel que soit le circuit. Le circuit formel enregistre 41,0%, tandis que
l’informel donne 54,8%. Ensuite l’Espagne (10,5%) et les USA (9,3%) viennent en deuxième
et en troisième position. Les migrants résidant dans les pays d’Afrique envoient 6,0% en
provenance du Congo et seulement 4,7% de la Côte d’Ivoire. Ce qui est confirmé dans le
propos de S.SOUMARÉ « Les Ouvriers investissent plus dans les villages que les
commerçants qui sont pourtant beaucoup plus riches. Les ouvriers sont des migrants en
France. Ils sont plus organisés que les migrants des autres pays ». Tandis que les
commerçants qui sont surtout au Congo et au Gabon investissent dans l’immobilier à
Bamako.
5.4.3. Destination des transferts
Sur le tableau 25, nous constatons une évolution à la croissance des envois des fonds des
migrants par rapport aux APD reçues et au BSI financé par l’extérieur. Seules les recettes
d’exportations ont connu un niveau élevé plus que les envois des fonds des émigrés.
Seulement la destination des APD et du BSI est contraire aux envois des fonds des migrants.
Si les deux premiers sont destinés à la logique d’un projet, les envois des émigrés sont pour la
plupart destinés à « soutenir les dépenses de consommation », même si les analyses récentes
révèlent que leur impact ne se limite pas seulement à celles-ci. Il s’agit notamment de
l’EMOP 2011 et l’étude réalisée par la BCEAO qui indiquent respectivement 42,3% pour la
consommation, 10,4% pour les investissements (commerce/affaire, immobilier) et 48,7% pour
la consommation et 10,2% pour les investissements dont une part importante de
l’investissement immobilier (4,6%).
Au Mali, la grande partie des transferts (48,5%) est dirigée vers la région de Kayes, qui
constitue essentiellement la zone de départ des émigrés du pays (25,8%) selon l’EMOP 2011.
La problématique des transferts des migrants peut être appréhendée par trois modalités, à
savoir : l’utilisation des transferts, la perception du rôle et l’impact des transferts et
l’orientation des transferts vers les investissements productifs. Par ailleurs, l’usage des
sommes transférées par les migrants a suscité beaucoup de débats et pose de nombreuses
interrogations relatives à leur apport à l’économie nationale. L’EMOP 2011 révèle que les
dépenses de consommation des ménages prennent 42,3 % des envois des fonds des migrants.
Ensuite viennent les autres dépenses privées familiales (20,0 %), la réfection de la maison
(10,4 %).
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5.4.4. Utilisation des transferts
En premier lieu, le migrant se rend à l’étranger pour subvenir aux besoins élémentaires de sa
famille. Il ressort de l’étude de la BCEAO que 48,7% des transferts reçus sont utilisés dans
des dépenses de consommation, 16,7% pour des dépenses d'investissement immobilier et
15,0% pour des événements familiaux.
Les usages familiaux et individuels des transferts : Grâce aux revenus générés par les
migrations, les conditions de vie au niveau des familles et des collectivités ont connu une
amélioration incontestable. A travers les transferts, les migrants parviennent d’abord à
entretenir leurs familles et aussi à réaliser des projets personnels. Malgré l’exercice d’emplois
peu gratifiants et peu rémunérateurs, les migrants maliens parviennent à faire des réalisations
très importantes, voire inimaginables comme le cas de cet ancien émigrant en France à la
retraire à Kayes. « Ici, je n’ai pas réalisé grand-chose. J’avais deux (02) familles en charge
ici plus ma propre famille de Paris avec 13 enfants en charge. Mais, j’ai aménagé un champ
qui comporte des arbres fruitiers. J’ai pu construire une maison à Yélimané, une maison à
Kayes, une maison à Bamako (Banankabougou), un terrain à Magnambougou. J’ai deux(02)
Titres Fonciers à Kayes et je suis propriétaire d’un appartement de 5 pièces à Evry
(France).» C.N’DIAYE. Il a pu réaliser ce qu’un français moyen ne peut faire. Mais à quel
prix ? C’est une question pertinente qui mérite une analyse poussée.
Associations et usages collectifs des transferts : Les investissements collectifs sont le fruit des
actions réalisées en association. Ces associations sont des formes d’organisation qui
favorisent la réalisation d’actions communes.« Dans les pays d’accueil, ils sont très bien
organisés en association. Une cellule de l’association existe dans tous les pays où se trouvent
les ressortissants de la commune de Koniakary. Chacune cotise pour les actions de
développement de la commune. Dans tous nos projets, c’est eux qui payent les 10% de
quotepart ». (M. BAH).
Aussi dans le cadre associatif, les migrants arrivent à faire des transferts importants pour la
réalisation d’infrastructures à différents niveaux : village, commune, cercle et même région.
Dans le village de Gori Banda (commune rurale de Gori, cercle de Yélimané), la cotisation
villageoise, à partir de la France, a permis les réalisations suivantes :
- la construction de la mosquée du village ;
- le creusement d’une mare à 50 000000 de F CFA ;
- la réparation de l’ouvrage à 30 000 000 de F CFA ;
- la clôture du cimetière du village ;
- une école de trois (03) salles de classe ;
- une medersa de cinq (05) salles de classe ;
- un centre de santé pour lequel, pas encore eu de médecin ;
- une maternité construite ;
- un espace maraîcher aménagé pour les femmes ;
- l’eau potable courante et un robinet installé dans chaque famille.
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Dans la commune de Koniakary (cercle de Kayes), l’association Indam djombougou
Koniakary profite des cérémonies de Ziahra, auxquelles elle envoie des délégués, pour
discuter exclusivement du développement de la commune. Lors de ce forum, le bilan des
investissements de l’année écoulée est fait et des prévisions sont faites pour l’année à venir.
Grâce à son niveau d’organisation, cette association a financé la construction d’infrastructures
économiques et sociales de base. Elle a construit dans la commune un CSCom où des
canadiens viennent former les agents de santé.
5.4.5. Perception du rôle et de l’impact des transferts
Selon Merabet et Gendreau (2007), « les pertes liées au départ du migrant seraient
compensées par les retours matériels, financiers, voire symboliques ». Dans la logique, ces
retours devraient influencer l’économie de la zone de départ, voire le bien être de la
population. Kayes est la région d’excellence de la migration qui reçoit également une grande
partie des transferts, ce qui devrait avoir un effet sur les indicateurs du bien-être. L’incidence
de la pauvreté dans la région de Kayes est de 34,9% au-dessous du niveau national (46,9%) en
2014. Le taux brut de scolarisation au primaire de la région (70,4%) est supérieur à la
moyenne nationale (59,8%) en 2014. Toutefois, l’impact des transferts sur le bien-être de la
population de Kayes n’est pas toujours perceptible dans l’ensemble de la région. En effet, il
existe de grandes disparités entre les villages et portent la marque de l’importance plus ou
moins grande de l’émigration vers les pays occidentaux.
Une grande partie des envois de fonds étant dirigée vers les dépenses de consommation des
ménages, cela peut ne pas avoir un impact aussi significatif dans l’économie de la région. Les
transferts peuvent contribuer à installer chez les bénéficiaires, une sorte de dépendance ou
d’assistanat. « Parmi les effets non prévus de la migration, on cite parfois la prédominance,
chez les familles d’immigrés, des logiques de consommation sur celles de l’accumulation …
les transferts s’avèrent néfastes pour l’agriculture dans la mesure où ils offrent aux familles la
possibilité de conserver un même niveau de revenus tout en réduisant leurs efforts de travail.
Un tel phénomène, que l’on peut qualifier de rentier, s’accompagne d’une contraction de la
production agricole » (CFSI, 2003, p 16)
Problématique de l’orientation des transferts vers les investissements productifs
Les projets structurants et les initiatives ne manquent pas, au niveau du pays et des
associations de migrants dans les pays d’accueil, pour orienter les envois des émigrés. Au
niveau des pays, les banques et les collectivités territoriales (CT) appuyées par l’Etat ont initié
des programmes pour orienter les fonds des migrants vers les projets porteurs. A titre
d’illustration, la création de la Délégation Générale des Maliens de l’Extérieur qui s’occupe
des émigrés en les orientant vers les investissements productifs. Elle mène des activités de
développement en liaison avec les autres intervenants du domaine de la migration (CTC, les
ONG). Les Banques de la place essaient de bancariser le maximum possible des émigrés. Les
associations des migrants externes jouent un rôle prépondérant dans le développement de
leurs localités, dans le cadre des coopérations décentralisées.
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Tous les transferts effectués par les associations de migrants sont dirigés vers les
investissements (cf. Mérabet et Gendreau). En effet, « plus de 220 réalisations dans les 31
villages concernés par leur étude avec un montant total des investissements réalisés vers les
villages depuis le début des années 1970 représentait 8,1 milliards de FCFA ». Selon l’étude
Mérabet et Gendreau, plus de quatre sur dix (42%) projets d’investissement sont affectés à la
construction des mosquées pendant la période 1970 à 2004, même si 20% vont à
l’hydraulique et 17% à l’agriculture. Les recommandations des forums et assises organisés à
l’intention de la diaspora par l’Etat intègrent cet aspect d’orienter les migrants vers les projets
de développement de leurs localités, surtout en mettant l’accent sur la mise en place des
conditions favorables à l’entreprenariat et à l’investissement.
Une reproduction de plus en plus couteuse de la migration
Les transferts des fonds de migrants permettent dans une autre mesure à organiser et à
financer une nouvelle migration. Au conseil de cercle de Yélimané,ceci a été dit « le parent
en France peut appeler et demander le chef de famille l’envoi de quelqu’un de la famille. En
général, c’est l’aîné qu’on envoie, ensuite celui qui le suit, et ainsi de suite. Il y a des cas de
solidarité pour les familles qui n’ont pas quelqu’un en France pour leur faire partir ». Donc
tous les montants transférés des migrants ne sont pas directement injectés dans l’économie de
la localité. En outre, le coût du voyage est de plus en plus élevé et les parcours aléatoires « En
2000-2001, avec 2 ou 3 000 000 de F CFA, la procédure pour avoir un visa pour la France
ne dépassait jamais un mois, mais actuellement avec la biométrie, il faut une à 5 années de
patience pour avoir le visa de la France. Le prix pour un visa de la France est de 4 500 000
de F CFA, certaines familles dépensent deux fois cette somme pour faire partir un candidat et
c’est à la troisième tentative que l’affaire marche. Ce sont des intermédiaires, souvent
ressortissants du village, ou des intermédiaires du village, et sur la base de la confiance on
s’engage ». (B. DEMBELE).
5.4.6. Problèmes liés aux transferts
La sécurisation
Si grâce aux transferts, les migrants ont réalisé d’importants projets personnels et ceux
d’intérêt communautaire, la question de la sécurisation des transferts reste posée.
En effet, de nombreux enquêtés s’accordent à dire que l’argent transféré par les migrants n’est
toujours utilisé comme convenu. Ils sont nombreux les migrants qui ont connu des
désillusions dans leurs tentatives d’entreprise d’investissements productifs. A aucun niveau
(parents, amis, entrepreneurs, autorités), la confiance n’existe. Parce que « Les migrants ont
été déçus, trompés par tout le monde, en un premier temps, par leurs propres parents, après
les amis des pères et leurs amis. Quand un migrant envoie de l’argent pour acheter un lot afin
de le faire construire, celui à qui il a confié la mission lui envoie toutes les étapes de la
construction d’une maison à savoir la fondation, les élévations, jusqu’à la photo de l’ouvrage
final ; mais à son retour au Mali, il constate que même le terrain n’existe pas. Cela est un
exemple parmi tant d’autres. Les migrants ne font confiance à personne, même aux élus,
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qu’ils considèrent comme l’État » (M.SISSOKO).A ce niveau, la question de la confiance est
posée, entre parents, amis et divers proches. Le migrant ne sait plus à qui faire confiance pour
entreprendre des investissements à distance.
Le portage des actions d’investissements productifs
En plus de l’arnaque, le flux d’argent des transferts fait que les parents des migrants
s’installent dans une position d’assisté. Cette mentalité peut conduire à une mauvaise
valorisation des transferts. Les infrastructures d’autonomisation, tels les périmètres irrigués,
que les migrants font réaliser dans leurs localités d’origine, sont parfois l’objet de sabotage,
car les bénéficiaires pensent que ces infrastructures présagent une suspension des transferts
monétaires destinés à leur prise en charge. Cette volonté de neutralisation des efforts de
développement ressort dans les propos suivants : « En 1993, je me rendais dans un village (il
s’agit de Selifili), pour les accompagner dans la mise en valeur d’un périmètre irrigué, un
jour un vieux m’a dit ceci : Mon fils, je comprends que vous êtes dévoué mais ça va marcher
difficilement car nos enfants ont initié cela pour nous couper les vivres ; car si ça marche,
nos fils n’enverront plus de vivres » » (Propos d’un parent de migrant rapportés par
M.SIDIBE).
La question de la valorisation des transferts pose celle de l’opportunité de certains
investissements. En effet, tous les investissements des migrants ne sont pas opportuns,
encadrés ou priorisés. Des écoles non fréquentées, des CSCom non fonctionnels sont autant
d’exemples de ces investissements inappropriés. Leur principale fonction est de montrer la
grandeur d’une cité ».
5.5. Codéveloppement
La notion de Codéveloppement est définie comme la valorisation des compétences techniques
et financières de la diaspora malienne pour le développement de leur zone de départ. Elle se
fonde sur les pratiques solidaires des migrants qui les incitent à investir dans leur pays de
manière individuelle, à travers la rente mensuelle versée à leur famille, ou collective, à travers
le cofinancement de projets de développement en direction des villages d’origine, dans les
secteurs prioritaires de l’éducation, de la santé, du désenclavement, de l’agriculture, de
l’approvisionnement en eau potable, etc.
Dans les années 70-80, certaines ONG et collectivités locales françaises ont commencé à
accompagner ces initiatives, en proposant des appuis techniques ou financiers aux
associations de migrants de mieux en mieux organisées.
Le développement des zones de départ des migrants, ne doit pas être envisagé simplement au
travers des transferts financiers de la diaspora malienne.
En effet, plus de 80% de ces transferts financiers de la diaspora malienne n’ont que très peu
d’impact sur le développement des zones de départ, car ceux-ci sont destinés pour une grande
part à couvrir des besoins de consommation, de santé ou de logement.
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Par contre, ces acteurs de la diaspora sont des vecteurs essentiels du développement de ces
zones dans leur capacité à mobiliser, au-delà de leurs apports, les compétences techniques et
financières nécessaires auprès de partenaires dans le pays d’accueil ou au Mali.
C’est ce rôle essentiel de la diaspora malienne, en tant qu’acteur du développement, que le
Codéveloppement accompagne depuis 2003, trouvant à son action un écho de plus en plus
ample de la part des institutions, des collectivités locales, de la société civile, etc…
En plus des partenaires techniques et financiers classiques, nombre de villes européennes,
notamment en France, en Italie et en Espagne, entretiennent des liens de jumelage, de
coopération décentralisée, avec les villes et communes maliennes, mobilisant ainsi
d’importantes ressources financière, technique et matérielle avec les immigrés maliens, en
faveur du développement des zones de migration. De même, des fondations d’entreprise
prennent conscience de l’intérêt de se reposer sur les compétences des migrants maliens, pour
développer des coopérations avec le Mali.
Les différents programmes mis en œuvre de 2002 à 2014
La Table Ronde de Kayes, organisée en 1997 par le Gouvernement, a constitué le point de
départ d’une réflexion sur le développement à l’échelle régionale qui implique l’ensemble des
acteurs de la région, représentants de l’Etat, associations et structures privées. Cette Table
Ronde a mis en évidence l’importance de l’apport des migrants, installés pour la plupart en
France, dans le développement de la Région de Kayes.
L’émergence de cette thématique « migration et développement » entre la France et le Mali
s’est traduite par la création en mai 1998 du Comité Franco-malien sur les Migrations,
instance de débat sur les questions de Codéveloppement, de gestion de flux migratoires et
d’intégration des maliens de France et la signature en décembre 2000, d’une Convention de
Codéveloppement entre ces deux pays.
Pour donner un contenu opérationnel à cette convention, la Cellule Technique du
Codéveloppement, qui s’appuie sur le Secrétariat Permanent National de la Table Ronde de
Kayes et placée sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances, depuis 2002, a
mis en œuvre entre 2003 et 2009, deux Phases du Projet Franco malien de Codéveloppement,
pour un montant cumulé de 5 600 000 euros, soit 3 340 000 000 FCFA.
Les instruments du Projet Franco malien de Codéveloppement sont des outils de
cofinancement de projets portés par des migrants (projets individuels ou associatifs), des
outils de facilitation (études de faisabilité, formations, missions entre la France et le Mali) et
un service d’accueil et d’orientation des migrants et de leurs partenaires.
Ces deux phases ont été suivies à partir de 2009 par le « Projet d’Appui au
Codéveloppement» financé par l’Union Européenne pour un montant de 2 140 000 euros,pour
favoriser la participation des différents acteurs de la diaspora malienne au développement
socio-économique du Mali.
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Le bilan des actions de Codéveloppement depuis 2003, présenté par la Cellule Technique de
Codéveloppement, fait ressortir ce qui suit :
• investissements productifs/épargne : plus de 600 promoteurs économiques accompagnés
dans la création de leur entreprise au Mali ;
• développement des zones d’origine des migrants : près de 50 projets de développements
locaux cofinancés principalement en Région de Kayes, dans les secteurs de l’éducation
(écoles, jardins d’enfants,…), de la santé (CSCom), de l’agriculture (barrages, périmètres), de
l’hydraulique (AEP,…), en renforcement des partenariats constitués entre les collectivités
locales maliennes et les associations de ressortissants en France ;
• identité/jeunesse Franco-malienne : près de 30 projets sociaux culturels cofinancés
(échanges de jeunes autour de la photo, de la musique, de la migration...) ;
• mobilisation et valorisation de la Diaspora : plus de 200 missions préparatoires aux projets
de Codéveloppement financées et / ou mobilisant la diaspora, en appui à l’enseignement
supérieur malien, en soutien au projet TOKTEN.
Le programme en cours : Programme Mobilité et Migration pour le Développement
La France et le Mali ont signé une convention en novembre 2013 pour la mise en œuvre du
programme mobilité et migration pour le développement qui porte entre autres sur le
«développement local et investissements productifs». Il vise à promouvoir le rôle joué par la
diaspora en faveur de la croissance et du développement du Mali. La convention de
financement a été signée en mai 2014 entre l’AFD et le Gouvernement du Mali.
L’exécution du programme a été confiée à la Cellule Technique du Codéveloppement (CTC),
rattachée au Secrétariat Général du Ministère malien de l’Economie et des Finances, qui
accompagne depuis 2002 les dynamiques de valorisation des compétences de la diaspora
malienne pour le développement socio-économique du Mali.
Le projet comprend deux (2) composantes opérationnelles :
Composante 1 : Mise en place d’une Facilité d’appui financier aux initiatives de la diaspora
en appui à la décentralisation et au développement territorial.
Composante 2 : Appui à l’investissement productif
Volet 1 : Appui à la définition et la mise en œuvre opérationnelle d’une stratégie de
promotion et d’accueil de l’investissement productif de la diaspora (individuel ou collectif).
Volet 2 : Mise en place d’un dispositif pilote d’accompagnement sur le corridor France/Mali.
Volet 3 : Promotion de l’accès de ces investissements aux services financiers existants et
appuià la création de services et produits dédiés.
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Ce programme d’accompagnement à la création d’entreprises par la diaspora malienne
installée en France vise à mettre en place un dispositif d’accompagnement en services non-
financiers pérenne sur deux espaces (pays de résidence et pays d’origine).
L’appui aux projets en France permettra d'identifier des projets et des promoteurs motivés et
innovants, capables de mobiliser autour de leur projet, des partenaires techniques et
financiers.
L’accompagnement des porteurs de projets au Mali mobilisera un réseau d'acteurs publics et
privés et prendra en compte la dimension technique et financière du projet, sans négliger le
volet social et humain distinguant les entrepreneurs de la diaspora.
Eu égard à ce qui précède, le Codéveloppement est une thématique majeure dans la
valorisation de l’apport de la diaspora malienne en matière de développement économique et
social du Mali.
5.6. TOKTEN
Au regard de l’importance de la fuite des cerveaux, une réflexion a été entreprise pour qu’à
défaut de les faire revenir une fois pour toutes, comment peuvent-ils participer
audéveloppement du Mali, à travers la mobilisation de leurs savoirs. L’une des réponses a
été trouvée, à travers le TOKTEN (Transfer of knowledge through expatriate nationals), une
modalité du PNUD. Le TOKTEN, en visant à faire bénéficier leurs compétences
intellectuelles aux maliens qui en ont besoin, s’inscrit dans la politique de codéveloppement,
car les principaux objectifs sont : (i)
fairebénéficierlespaysendéveloppementdescompétencesdeleurs cadresinstallésàl’étranger; (ii)
élaborerunebasededonnéesdescadresnationauxinstallésàl’étranger; (iii)
identifierlesinstitutionsnationalessusceptiblesdebénéficierdel’expertise descadresexpatriés;
(iv)établirunliendirectentrelescadresexpatriésetleurscollèguesnationaux.(Cf. OIM, 2009,
Merabet Oumar, Gendreau Francis, 2007).
L’idée est de valoriser l’expérience des migrants qualifiés à partir d'actions de renforcement
des capacités du milieu de départ. De plus, ce projet répond à un véritable manque en matière
de formations supérieures.
Ce programme a été initié à un moment où le Mali en avait un grand besoin pour appuyer
l’université. En effet, l’université nouvellement créée ne disposait pas de toutes les
compétences nécessaires pour donner aux étudiants un enseignement approprié. Certaines
facultés ne disposaient pas d’enseignants de haut rang, le Tokten venait combler ce vide.
« Cesmissionsprennent laformedecoursmagistraux,deconférencesscientifiques,d’encadrement
dethèses,deformationscontinues.» (Migration au Mali, profil national 2009, p 87).
Il privilégiait, dans la phase initiale du projet (1998 – 2007), le secteur de l’enseignement
supérieur.
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Le principe de ce programme est de permettre aux migrants hautement qualifiés, installés
defaçon permanente à l’étranger, de mettre à disposition de leur pays d’origine leur
expérience et expertise par des consultations de courte durée. « Le TOKTEN rentre dans le
contexte spécifique de faire le lien entre migration et développement. » (Tokten, 2014,
Rapport annuel, p 5).
Par ailleurs, 16 accords de coopérations interuniversitaires ont été signés dans les domaines de
la recherche/enseignement, la valorisation de la médecine traditionnelle et les échanges de
chercheurs. Le budget de ce programme s’élevait en 2005 à 263 000 euros. En 2005, il était
financé par le PNUD (53 %), le Gouvernement malien (29 %), la Coopération française
(13%) et l’UNESCO (6 %). Le programme Tokten s’inscrit dans la même logique de celle du
projet Co-développement et apparaît donc tout à fait intéressant.
Deux ans après la mise en œuvre de ce programme (1998), une évaluation montrait non
seulement sa pertinence, mais souhaitait son extension à d’autres domaines. Il a été ainsi
étendu à d’autres secteurs importants de l’activité nationale. Désormais, « le programme
s’intéresse à tous les membres de la diaspora malienne intellectuelle, scientifique et technique
disponibles pour apporter leur appui aux besoins en renforcement des capacités des secteurs
de l’Education, de l’Agriculture de la santé et des PME/PMI… ». C’est la phase du Projet
TOKTEN élargi, étendue à d’autres secteurs clefs du développement, et « mise en œuvre pour
la période 2008-2011, avec l'assistance financière du PNUD et de l’Union Européenne dans le
cadre d’un accord global avec le Gouvernement du Mali ».
Les résultats obtenus jusqu’à ce jour sont les suivants :
- consultants potentiels répertoriés : 537 ;
- structures bénéficiaires répertoriées ; 165 ;
- missions réalisées : 788 ;
- thèses soutenues : 30 ;
- thèses en cours : 20 ;
- accords interuniversitaires conclus : 17.
Entre 2009 et 2014, 31 995 personnes ont été formées dans tous les domaines couverts par le
Tokten élargi. Ce bilan montre déjà l’importance des apports de la diaspora malienne. Malgré
les restrictions budgétaires, suite au retrait de la France en 2008 et de l’Union Européenne en
2011, le TOKTEN envisage d’étendre ses activités à tous les secteurs à travers tout le Mali.
« La pérennisation reste une grande préoccupation du projet. En tout état de cause, la
pérennisation du projet se fera dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’actions de la
Politique Nationale de Migration ».
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5.7. Les défis de la migration externe
5.7.1. Dans les zones de départ
La nature des problèmes que connaissent les zones de départ est fonction de l’organisation
dela migration. « A Koniakary, la migration ne crée aucun problème, le phénomène est très
bien organisé, tous les frères d’une même famille ne partent pas à la fois ; il y a toujours des
gens pour gérer le quotidien. Nous sommes des peulhs, différents des soninkés dont tous les
bras valides s’en vont à la fois. » (M. BAH). Incontestablement les départs sont plus massifs
dans certaines communes que d’autres, pour diverses raisons et modes d’encadrement divers.
Toutefois, la migration pose partout des problèmes d’ordre économique, social et psycho-
social.
Sur le plan économique, le départ des jeunes crée un manque de bras valides pour les zones de
départ. Elle accentue, par conséquent, la baisse de la production agricole (MACALOU, 2012),
et entretient la dépendance à l’apport extérieur. En effet, « l’émigration provoque un manque
de bras valides, faisant ainsi des ménages pauvres en main d’œuvre. Il semble qu’on ne soit
pas arrivé à cette pauvreté structurelle dans toutes les régions du Mali. Mais dans la région de
Kayes, elle semble une autre forme de pauvreté qui provient d’une main-d’œuvre incapable
entreprendre des travaux agricoles nécessaires au bien-être et à la suivie du ménage. Dans la
région de Kayes des études (GUBERT F., 1999) ont révélé qu’une baisse de la production
céréalière est constatée dans les familles avec émigrés : 337 kg/tête contre 436 kg/tête pour les
familles sans émigré. Le départ des hommes valides entraîne à la fois un manque de
disponibilité de main-d’œuvre et une réduction de la production des céréales traditionnelles.
La migration devient un facteur d’insécurité alimentaire et non une chance d’améliorer les
conditions de vie des populations restées sur place. La mentalité d’assistés soutenue par les
émigrants semble être une des causes de la pauvreté dans la région de Kayes. (S.DIARRA,
« Migration et pauvreté au Mali », p 9).
Sur le plan social, les relations avec les épouses des migrants sont particulièrement difficiles.
Faire venir sa femme ou la maintenir au village constitue une équation difficile à résoudre
pour les émigrés. Ils sont nombreux les migrants qui ont peur des conséquences du
regroupement familial pour des raisons de conformité avec les législations des pays d’accueil.
Par principe de précautions, certains s’abstiennent de faire venir leurs épouses malgré les
frustrations et risques, liées à une absence prolongée, qu’une telle décision comporte. « Je
pouvais faire 4 à 5 ans sans venir. Mes femmes étaient à Yélimané. Je ne les ai pas amenées.
Pourquoi devrais-je les amener ? Tous ceux qui ont amené leurs femmes ont des problèmes
(…) En France, l’homme n’a jamais raison, en cas de conflit de ménage, l’époux est renvoyé
et la femme perçoit les allocations des enfants. Beaucoup sont victimes de ce genre de
situation et ne reviendront plus.» Mais, maintenir les femmes au village n’est pas non plus
sans conséquence. Ces femmes qui restent, vivent un stress lié aux longues absences de leurs
maris ou, sont soumises de nombreuses tentations préjudiciables à leur crédit social.
Par ailleurs, pour certains enquêtés, le drame de l’émigration c’est l’acculturation des enfants
qui naissent à l’étranger étant donné qu’ils ne peuvent plus être éduqués suivant les valeurs de
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la propre culture du pays de provenance. Selon SOUMARE (2001) : « Le drame de
l’émigration, maintenant, c’est l’acculturation. Avant les soninkés envoyaient leurs enfants
dans leur village à l’âge de 10 ans pour connaître le pays. Maintenant les enfants ne veulent
pas venir. L’émigration française est plus dévastatrice que l’émigration africaine. Une fois en
France, on peut plus considérer les enfants qui naissent comme des maliens. Ce problème a
commencé depuis que les gens ont commencé à amener leurs femmes. Là, on perd ses enfants,
sa femme ».
Sur le plan psychosocial, ce sont les drames du Sahara ou de la mer, les aventures
infructueuses, les expulsions qui affectent les candidats, les émigrés ou leurs parents.
Au regard de ces revers de l’émigration et les mesures restrictives des pays d’accueil, des
acteurs s’interrogent sur la pertinence de continuer à baser la stratégie de développement de la
région de Kayes sur la migration.
5.7.2. Du retour des migrants
D’une manière générale, les projets d’installation définitive ne font pas partie des projets de la
majorité des migrants. L’intention première affichée est d’aller travailler, pour se construire
un avenir meilleur, puis revenir au pays natal. Mais les retours sont parfois liés à la maturation
et à la faisabilité de projets personnels. (cf. DIALLO, 2004).
Les retours volontaires
Un retour définitif est un objectif que se fixent de nombreux migrants, si certaines conditions
sont remplies : avoir réussi la migration - c’est-à-dire obtenu ce qu’on est parti chercher :
savoir ce qu’on entreprendra au retour et préparer son retour. Voici comment monsieur
BENGALY a minutieusement préparé son retour définitif au village : « Mon intention n’était
de partir pour partir. Durant mes 30 ans de migration, il ne m’est jamais venu en tête de
mourir un jour en Côte d’Ivoire. Chaque année, je venais des fois si je trouve que la
production familiale n’est pas bonne, je paie des céréales pour les appuyer. Etant en Côte
d’ivoire, j’ai réalisé une plantation d’oranges dont je venais souvent vendre les fruits. Je
pouvais faire une recette de 1 000000 F CFA. J’ai payé également des bœufs de labour pour
appuyer mes jeunes frères, des charrues, 3 fusils de chasse. En plus, chaque année, étant en
côte d’ivoire, j’envoyais le montant intégral de l’impôt de la famille. Après leur naissance,
chaque enfant est automatiquement enregistré dans le carnet familial au Mali».
L’aménagement du terroir villageois peut constituer un appel au retour de certains migrants.
C’est le cas de l’actuel chef de village de Kangaré. « Avec la construction du barrage, les
gens immigraient ici pour faire l’agriculture. Le système d’irrigation permettait deux
productions de riz par an. Donc, avec ces deux productions, ils avaient de quoi manger à tout
moment. Ils en vendaient et envoyaient une partie à leurs parents restés au village. Ce sont
ces opportunités qui m’ont poussé à abandonner ce qu’on faisait en Côte d’ivoire pour venir
me mettre à la riziculture chez nous. C’est le barrage qui est la cause de mon retour au
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bercail ». L’aménagement du territoire peut donc incontestablement constituer une réponse à
la migration.
Les retours assistés
Les offres d’assistance au retour peuvent être des opportunités que des émigrants saisissent.
Dans ces cas d’assistance, le volontaire peut être un émigré en situation de chômage qui saisit
la première occasion d’appui financier pour rentrer dans son pays. Mais, la modicité des
montants alloués aux projets (de 4000 à 7000 euro) et les cas d’échec enregistrés11 n’ont pas
attiré de nombreux candidats à un retour volontaire assisté. Et, monsieur SOUMARE de
conclure « Il n’y a plus de retours volontaires, il n’y a que des refoulés et des expulsés ».Dans
cette logique, ne reviennent que ceux qui sont refoulés. Ces refoulés/expulsés restent des
candidats au départ et à défaut de pouvoir retourner, ils restent souvent dans les villes
maliennes.
Les refoulés/expulsés
Chaque année, le Mali reçoit un nombre important de refoulés qui viennent de tous les
continents. Ils sont de plus en plus nombreux du fait des politiques de restriction de migration
des différents pays et, qui placent les candidats dans les positions de clandestinité.La DNDS a
enregistré 4855 migrants maliens rapatriés de 2013 à 2015 qui viennent essentiellement des
pays d’Afrique centrale comme la Centrafrique, le Cameroun, la Guinée Equatoriale et le
Gabon (274 en 2013, 3455 en 2014, 1126 en 2015).
Bien que très nombreux, les refoulés se font difficilement voir à cause du traumatisme qu’ils
vivent. « Les refoulés et les expulsés sont les plus nombreux, mais les moins vus ; car après
tant d’argent investi par la famille, c’est considéré comme un échec social. Ils se font très
discrets. Quand les parents se sont débrouillés pour réunir des moyens, te trouver un billet
d’avion et qu’on est expulsé, on se fait discret. On ne les voit que quand c’est des cas
d’expulsion forcée où ils viennent en nombre, le gouvernement est averti, la presse
s’intéresse»(M. SIBY). Le refoulement est vécu comme une défaite et un vaincu ne saurait
parader sur la place publique.
Les retraités
Ils commencent à être nombreux, car chaque année, des retraités reviennent s’installer dans
les villages. M. N’DIAYE est dans la dynamique de créer une association des émigrants
retraités du cercle de Yélimané. Ces retraités repartent en France, soit pour des dossiers
administratifs, soit en période de chaleur pour un meilleur climat.
5.7.3. La réinsertion
La réinsertion a deux dimensions : une dimension économique et une dimension
sociopolitique. Pour la dimension économique, elle revêt différentes formes suivant les types
11 Plus de 50% des retournés volontaires installés à Somankidi sont repartis en France par suite de déception.
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de retour. Pour ce qui est de la réinsertion sociopolitique, elle dépend du statut social, de
l’attachement à sa localité dont le migrant a fait preuve et de ses domaines d’action envisagés
à son retour.
La réinsertion économique
Les retours volontaires assistés
A travers l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), il existe un
programme d’assistance au retour volontaire des immigrés en France. Ce programme prévoit
le financement du billet d’avion pour le retour, celui du transport des bagages et du projet de
réinsertion économique dont le montant varie de 4000 à 7000 euro. Le bureau du Conseil
Ingénieur pour le Développement au Sahel (CIDS) et le Groupe de Recherche pour le
Développement Rural (GRDR) sont des partenaires de l’OFII dans le montage et dans
l’accompagnement des projets. Ils reçoivent 3 à 4 dossiers par an et assurent le suivi des
projets des migrants sur une période de 12 mois (au minimum). Il y a des cas de réussite
comme il y a des cas d’échec qui conduisent en général au retour des migrants dans leurs
anciens pays d’accueil.
Des ressortissants de Yélimané, financés dans le cadre du codéveloppement, sont installés à
Sélingué. Ils travaillent sur les périmètres irrigués et gagnent actuellement leur vie. L’Agence
pour le Développement Durable de Yélimané (ADDY) est une association dont les
volontaires assistés sont membres. Elle travaille sur le Programme de Développement Durable
de Yélimané (PADDY) qui est un programme de réinsertion des migrants de retour assistés.
Par ailleurs, dans le cadre du codéveloppement, un projet de l’union européenne a mené une
étude consistant à déterminer les compétences des migrants de retour de la région de Kayes.
Cette étude vise une réinsertion professionnelle des migrants.
Les retours volontaires non assistés
Il s’agit surtout de migrants qui sont partis pour mieux rebondir. La migration s’inscrit dans
une logique de retour et tous les calculs et stratégies convergent vers ce but. Comme cet
ancien migrant, le retour est au bout d’une abnégation faite de souffrances et de sacrifices.
« J’ai pris la décision d’aller travailler en France vers les années 1970…Là, j’ai travaillé
comme ouvrier non qualifié dans une usine pendant cinq années… Au terme de cinq années
de labeur j’ai pu épargner cinq millions (5 000 000) de FCFA. Alors, j’ai opté pour le pays
d’origine où, j’avais toujours comme objectif d’entreprendre quelque chose qui me
rapporterait plus d’argent que le travail salarié. Aujourd’hui, je suis installé dans mon
village où je m’occupe d’agriculture et d’élevage … Chaque année, elle me rapporte trois à
quatre millions de FCFA… Je ne regrette pas d’avoir choisi de m’installer au Mali, bien que
le début n’ait pas été facile » (DIALLO 2014 p 94).
La plupart des migrants de cette catégorie s’installe dans les villes et ont, en général, le
commerce comme niche de réinsertion. Lorsqu’ils sont encore jeunes, en cas d’échec, ils
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retournent également à l’émigration. Lorsque les migrants de retour volontaire non assistés
n’ont pas de projets d’avenir, leur insertion devient problématique, surtout quand ils n’ont pas
pu faire d’économie. Cela peut conduire à des drames comme celui-ci : « Il y a de sérieux
problèmes pour les personnes qui n’ont pas une bonne vision, elles n’ont investi dans aucun
domaine. Il n’y a pas six mois, un vieil homme qui était revenu de la France, s’est pendu ici à
Kayes dans le quartier de Lafiabougou, par suite de déception car il n’avait plus rien sur
lui. » M. COULIBALY. Une migration mal négociée peut conduire à une descente aux enfers.
La réinsertion sociale et politique
Les émigrants de la région de Kayes sont en général des gens qui ont investi dans leur famille
et dans la gestion des problèmes communautaires, ils n’ont donc pas, pour la plupart des cas,
de problèmes de réinsertion sociale.
Pour les retraités qui appartiennent aux clans de notables, aux fonctions sociale et politique
reconnues, ils assument ces fonctions conformément au droit successoral. Ainsi, M.TRAORE,
ancien migrant de France est chef de village de Yélimané. Il en est de même pour
M.N’DIAYE, ancien migrant de France qui est imam de Gori Banda, son village natal.
D’autres émigrant volontaires, assistés et non assistés, mènent la vie associative. M.
SOUMARE, migrant de retour volontaire assisté des années 1970, installé dans les périmètres
de Somakidé est président de l’Union Régionale des Coopératives Agricoles de Kayes
(URCAK) et membre de l’Espace Migration et Développement de Kayes (EMDK). M.SIBY,
migrant de retour volontaire est membre de l’Association des Migrants de Retour de Kayes
(AMRK).
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CONCLUSION
La migration participe à la résolution des problèmes issus de contraintes de divers
ordres :conditionsdevie,revenus,potentieldedéveloppement etc. La première cause est liée à un
relatif mal être dans le lieu de vie ordinaire. Dans le contexte malien, ce mal être a été
engendré par des conditions économiques difficiles (pauvreté), des dérèglements climatiques,
des facteurs socioculturels (conflits sociaux, culture de la mobilité, attrait d’un supposé
eldorado, construction d’un homme idéal). Dans la plupart des cas, elle est une stratégie de
diversification des sources de revenus pour les familles et joue une fonction principale
d’assurance. Les migrations ont pris de l’importance avec l’installation des sécheresses à
répétition. De ce fait, elles sont apparues comme une réponse immédiate aux calamités
naturelles. Si le déplacement a été la stratégie commune pour l’accès à de meilleures
conditions de vie, les objectifs poursuivis ont été différents. Les uns sont partis pour acquérir
de nouveaux espaces agricoles, les autres ont migré à la recherche de pâturages et de points
d’eau, une troisième catégorie s’est déplacée pour se faire de l’argent.
Qu’elle soit interne ou externe, la migration a toujours mobilisé plus de jeunes (des femmes
aussi bien que des hommes). Ils sont nombreux à placer leur avenir dans la migration. Au
Mali, les jeunes sont les porteurs d’assurance de leurs parents. Aussi, il n’est pas étonnant que
cette catégorie soit la plus touchée par les migrations. L’intention de la plupart des migrants
est de soutenir les proches parents qu’ils ont laissés derrière eux, de leur assurer des
conditions de vie meilleures à celles qui les ont fait quitter.
Les meilleures conditions de vie prennent plusieurs formes. Elles renvoient avant tout à
procurer une sécurité alimentaire, puis, entre autres, un logement décent, un habillement
approprié, des équipements divers, etc. Tout leur apport vise à mettre ceux qui sont restés à
l’abri du besoin. Malheureusement, il s’inscrit aussi dans un cycle de renouvellements
répétitifs dont la rupture est rarement envisagée.
Pendant longtemps, les hommes ont été les plus nombreux à émigrer. Actuellement une
nouvelle tendance, dominée par les migrants de sexe féminin, se dessine. Il importe de
prendre en compte ce phénomène nouveau pour en faire une analyse exhaustive.
Malgré les bonnes intentions dont la migration est porteuse et tous les bienfaits qu’on lui
reconnaît, elle fait l’objet de controverses aussi bien au niveau du lieu de départ que de celui
du lieu d’accueil. Il semble qu’elle apporte un déséquilibre plus ou moins important à chacun
des niveaux. Les perturbations dont les migrations sont porteuses ont donné lieu, de chaque
côté, à la mise en œuvre de législations en vue de leur gestion. Lorsque ces lois sont
particulièrement restrictives, elles génèrent des pratiques frauduleuses de contournement
construites sur des stratégies non seulement incertaines, mais dangereuses et périlleuses.
Les lois restrictives ne parviennent pas à limiter les migrations et elles produisent des
migrants irréguliers de plus en plus nombreux. Ils sont nombreux les migrants qui chôment,
travaillent au noir et vivent au noir. A terme, la réduction des transferts est annoncée surtout
que la plupart des enfants de la diaspora se sentent de moins en moins redevables au pays
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d’origine de leurs parents. Toutes choses qui nécessitent une révision des attentes vis-à-vis
des migrations.
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RECOMMANDATIONS
1. Recommandations concernant la migration interne
Impliquer les autorités communales dans lagestion de la migration interne
La gestion des migrants internes est un défi pour les autorités des communes qui enregistrent
d’importantes vagues d’immigration. Etant donné que la plupart de ces migrants viennent
pour l’exploitation des ressources naturelles, les communes qui enregistrent ces mouvements
d’immigration doivent se doter d’un règlement communal d’accès et d’exploitation des
ressources naturelles de leur territoire.
Respecter les couloirs tracés pour le déplacement des animaux
En vue d’une exploitation complémentaire et pacifique des ressources naturelles et au regard
du nombre important de troupeaux durant ces dernières années, des pistes pastorales ont été
tracées pour faciliter la circulation des animaux entre les pâturages. Afin de mieux canaliser
les mouvements des troupeaux, des mesures d’accompagnement sont indispensables. Il
s’agira de « faire des forages tout au long de ces itinéraires pour réduire les conflits entre les
agriculteurs et les éleveurs et délimiter des zones de pâturage pour qu’il n’y ait pas de
divagation de bétail. Les troupeaux doivent respecter les itinéraires indiqués par les pistes
pastorales. Ainsi, les conflits seront plus faciles à gérer, puisqu’on pourra identifier l’auteur
de la violation du domaine de l’autre». Il convient de mieux réglementer cette activité
d’élevage, ou pour le moins, appliquer les règles officielles existantes, afin d’obtenir une
valeur ajoutée plus importante.
Appliquer les règlements en matière d’orpaillage
Si les placers ont des règlements internes leur permettant de fonctionner au quotidien, il
semble qu’ils échappent à tout contrôle de l’Etat et ressemblent plutôt à un espace de non
droit ou dans une moindre mesure à un espace international. De ce fait, les sites d’orpaillage
posent un problème de sécurité. Non seulement ils peuvent servir de refuge aux malfaiteurs de
type divers, mais ils peuvent êtredes lieux de propagations de maladies graves. En outre,
l’activité d’orpaillage participe à la dégradation de l’environnement à grande échelle.
Mieux intégrer les actions des migrants aux stratégies de développement des
collectivités
Pour optimiser l’impact des actions des migrants sur le développement des collectivités, il
convient de ne pas les confiner dans le rôle d’apporteur de ressources uniquement. Il est
nécessaire de les associer à la définition, la mise en œuvre et le suivi des programmes de
développement des collectivités et d’inscrire leurs actions dans le cadre de ces programmes.
Prendre en compte la migration interne dans les politiques publiques
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La PONAM concerne l’émigration et l’immigration et ne traite aucunement de la migration
interne. Cette dernière est cependant sujette à beaucoup de questionnements, soit pour y
trouver des leviers de développement, soit pour prévenir des crises de plusieurs ordres :
sociales, économiques, environnementales. Il est donc important qu’elle fasse l’objet de
formulation d’une politique au lieu d’être contrainte à résoudre les crises au coup par coup et,
très souvent par l’utilisation de la force publique.
2. Recommandations concernant la migration externe
Promouvoir l’utilisation des fonds transférés par les émigrés pour l’investissement
par notamment (i) les activités de sensibilisation, d’information et de formation des
migrants, (ii) l’appui à l’identification, l’étude et le financement des projets porteurs, (iii)
le renforcement des capacités de gestion par un accompagnement professionnel.
Prendre en compte les apports des associations des migrants comme l’une des
sources de financement du PDESC des communes et faire participer, autant que
possible, les migrants au suivi évaluation des actions de développement, dont ils ont
participéà la mise en œuvre.
Mobiliser des financements auprès des (riches) migrants vivant dans les pays
africains
Les émigrants maliens les plus fortunés sont en Afrique. Il importe de les identifier,
entreprendre des actions de plaidoyer lobbying à leur endroit avec des propositions
attrayantes (en termes de créneaux et de facilités d’investissement).
Identifier et valoriser les compétences techniques de la diaspora
Il s’agit de renforcer le TOKTEN. Déjà que la PONAM souligne sa pérennisation à travers un
plan d’actions, son renforcement doit être en fonction du besoin en ressources humaines de
quantité et de qualité.
Développer la migration professionnelle
Il s’agit notamment de la multiplication des missions d’identification des opportunités
d’emploi dans les pays d’accueil et le recrutement des volontaires.
Sensibiliser les populations de la 2ème génération
Des actions doivent être menées afin de les sensibiliser à investir en rétablissant d’abord la
confiance entre les migrants et les résidents qui fait actuellement défaut. L’une des actions
immédiates est de mieux exploiter le lien culturel avec cette 2èmegénération, pour l’amener à
investir dans leur pays d’origine. Les associations de ressortissants des zones dedépart, à
travers les infrastructures productives réalisées, peuvent servir d’exemples de solidarité à
cultiver chez les jeunes générations.
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Mener une étude prospective sur les transferts de migrants
Les transferts des migrants est une source de revenus cruciale pour certaines régions du Mali,
particulièrement Kayes. Il est cependant fort probable que ces transferts amorcent une baisse
tendancière durable en raison (i) de la diminution probable de flux liés aux politiques
restrictives des pays d’accueil, (ii) des difficultés de trouver un emploi qui induit la prise en
charge des migrants sans emploi par ceux qui en ont ; ce qui est de nature à diminuer les
capacités de transferts de ces derniers et (iii) le passage à une génération de migrants, celle
composée des enfants des premiers, n’ayant pas les mêmes conceptions que leurs parents, ni
les mêmes liens affectifs avec leurs contrées d’origine.
Il est essentiel de mener une réflexion prospective sur cette question, qui est de nature à
impacter l’équilibre de toute une région de notre pays.
Travailler à une réduction du flux migratoire ,notamment (i) en créantles conditions
socioéconomiques permettant aux jeunes de gagner leur vie sur place (accompagner les
projets agricoles, promouvoir la création de petites et moyennes entreprises, etc.) et (ii)
en impliquant les anciens migrants dans les sensibilisations sur les conditions de vie des
émigrants et sur les drames de l’émigration clandestine.
Procéder à une meilleure régulation du phénomène par (i) la mise en œuvre
diligentede la Politique Nationale de Migration du Mali qui doit se traduire par la mise à
disposition des moyens financiers et humains nécessaires et (ii) la dotation du CIGEM en
moyens nécessaires à la mise en œuvre de son programme en vue de l’atteinte de ces
objectifs.
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BIBLIOGRAPHIE
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ANNEXES N°1 : Concepts de Développement Humain Durable
En juin 2012, les leaders dirigeants mondiaux se sont rassemblés à Rio de Janeiro pour
essayer de parvenir à un nouveau consensus quant aux actions à mener à l’échelon
international afin de préserver l’avenir de la planète et le droit des générations futures, partout
dans le monde, à mener une existence saine et épanouissante. Tel est le grand défi du
développement au XXIe siècle.
À cet égard, le Rapport Mondial sur le développement humain 2011 propose de nouvelles
contributions importantes au dialogue mondial, montrant à quel point la durabilité est
inextricablement liée à certains aspects fondamentaux de l’équité – c’est-à-dire de
l’impartialité, de la justice sociale, et d’un accès plus aisé à une meilleure qualité de vie. La
durabilité n’est pas exclusivement ni même essentiellement une question environnementale,
comme le démontre de manière convaincante ce Rapport. Elle concerne surtout le mode de
vie que nous choisissons d’épouser, en étant conscients que tous nos actes ont des
conséquences pour les sept milliards de personnesvivant sur la planète aujourd’hui, ainsi que
pour les milliards d’êtres humains qui nous succéderont dans les siècles à venir.
Il est essentiel de comprendre les liens entre durabilité environnementale et équité si
nousvoulons accroître les libertés humaines pour les générations actuelles et futures. Les
remarquables progrès effectués au cours des dernières décennies en matière de développement
humain, dont rendent compte les Rapports sur le développement humain, ne peuvent se
poursuivre, si des mesures audacieuses ne sont pas prises à l’échelle mondiale afin de réduire
à la fois l’inégalité et les risques environnementaux.
De nouvelles analyses montrent les liens entre, d’une part, les déséquilibres en termes de
pouvoir et les inégalités entre les sexes à l’échelon national, et d’autre part, l’accès réduit à
l’eau salubre ou à un meilleur assainissement, la dégradation des sols, et les décès liés à la
pollution de l’air intérieur et extérieur, amplifiant les effets associés aux disparités en termes
de revenus. Les inégalités entre les sexes se combinent également avec les problèmes
environnementaux et les aggravent. Au niveau mondial, les accords de gouvernance
affaiblissent souvent la capacité des pays en développement à se faire entendre et excluent les
groupes marginalisés.
Il existe pourtant d’autres voies que l’inégalité et la non-durabilité. La croissance gouvernée
par la consommation d’énergies fossiles n’est pas une condition sine qua non pour vivre
mieux en termes de développement humain. Les investissements améliorant l’équité – en
matière d’accès aux énergies renouvelables, à l’eau, à l’assainissement ou aux soins de santé
reproductive, par exemple – pourraient être synonymes de progrès aussi bien en termes de
durabilité que de développement humain. Une responsabilisation accrue et un renforcement
des processus démocratiques, passant notamment par le soutien d’une société civile et de
médias actifs, peuvent aussi améliorer les résultats. La réussite des approches couronnées de
succès sont subordonnées à la gestion par la collectivité, à la mise en place d’institutions au
bénéfice de tous, particulièrement des groupes défavorisés, et à l’adoption de démarches
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transversales coordonnant les budgets et les mécanismes entre les organismes
gouvernementaux et les partenaires du développement.
Quelques définitions clés :
Le Développement Humain est l’accroissement des libertés et des capacités permettant aux
personnes de mener une vie qu’elles jugent satisfaisante à juste titre. Il repose sur
l’élargissement de l’éventail des choix disponibles.
2
Le Développement Humain Durable est l’accroissement des libertés essentielles des
personnes vivant aujourd’hui, accompagné d’efforts raisonnables pour éviter le risque de
compromettre sérieusement celles des générations futures. Dans cet esprit, des débats publics
éclairés sont cruciaux pour définir les risques que les populations sont prêtes à accepter.
Les notions de libertés et de capacités vont au-delà de la satisfaction des besoins essentiels.
Laqualité de vie dépend de nombreux aspects, qui peuvent avoir une valeur intrinsèque autant
qu’un intérêt concret : nous pouvons par exemple valoriser la biodiversité ou la beauté de la
nature indépendamment de leur contribution à notre niveau de vie.
Les populations défavorisées constituent un axe essentiel du développement humain.Elles
englobent celles qui subiront à l’avenir les conséquences les plus graves des risques liés à nos
activités actuelles. Nous nous soucions non seulement des situations courantes ou
correspondant aux scénarios les plus probables, mais aussi de celles découlant de scénarios
moins probables mais néanmoins possibles, notamment lorsqu’elles peuvent avoir des
répercussions catastrophiques sur les populations pauvres et vulnérables.
Souvent, les débats sur la durabilité environnementale se focalisent soit sur la manièrede
remplacer les ressources naturelles parnotre potentiel technologique, soit sur notre ingéniosité
à atténuer les contraintes pesant sur ces ressources comme autrefois. Le fait que l’on ignore si
cela sera possible un jour, allié aux risques de catastrophes, incite à préserver nos actifs
naturels essentiels et le flux de services écologiques qui en découle. Cette attitude résulte
également d’une approche du développement fondée sur les droits humains.
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ANNEXES N°2: Autres Indicateurs du Développement Humain Durable
1. L’Indice de Développement Humain ajusté aux Inégalités (IDHI)
L’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) ajuste l’indice de
développement humain (IDH) en tenant compte des inégalités dans la répartition de chaque
dimension au sein de la population. Il est fondé sur une classe d’indicateurs composites
sensibles à la répartition, proposée par Foster, Lopez-Calva et Szekely (2005), qui s’inspire de
la famille des mesures de l’inégalité d’Atkinson (1970). Il est calculé sous la forme d’une
moyenne géométrique des moyennes géométriques, sur la base de la population totale, en
considérant chaque dimension séparément (pour de plus amples détails, voir Alkire et Foster
2010).
L’IDHI reflète les inégalités existant dans les dimensions de l’IDH en « réduisant » la valeur
moyenne de chaque dimension en fonction du niveau d’inégalité qu’elle présente. Ainsi,
l’IDHI est en théorie égal à l’IDH s’il n’existe aucune inégalité entre les individus, mais il
décroît pour s’éloigner de l’IDH à mesure que les inégalités augmentent. Autrement dit,
l’indice ajusté représente le niveau réel du développement humain (tenant compte des
inégalités), tandis que l’on peut considérer l’IDH comme un indice de développement humain
« potentiel » qu’il serait possible d’atteindre en l’absence de toute inégalité. La différence
entre les deux indicateurs, exprimée sous forme de pourcentage, indique la « perte » subie par
le développement humain potentiel en raison des inégalités.
Sources des données
Etant donné que l’IDH repose sur des agrégats propres aux pays, par exemple les
comptabilités nationales, l’IDHI doit s’appuyer sur d’autres sources de données pour obtenir
la répartition de chaque dimension. Les répartitions sont paramétrées selon des unités
différentes : l’espérance de vie est distribuée en tranches d’âge hypothétiques, tandis que la
durée de scolarisation et le revenu sont distribués suivant une base individuelle.
Calcul de l’indice de développement humain ajusté aux inégalités
Le calcul de l’IDHI se décompose en trois étapes :
1ère étape : mesure de l’inégalité dans les dimensions de l’indice de développement
humain
L’IDHI reprend les principes de la famille des mesures de l’inégalité d’Atkinson (1970) et
donne au paramètre d’aversion ε une valeur égale à 1. Dans ce cas de figure, la mesure de
l’inégalité est de A = 1 – g/μ, ou g représente la moyenne géométrique et μ la moyenne
arithmétique de la répartition. L’expression peut s’écrire ainsi :
(1)
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Ou { } exprime la répartition sous-jacente dans les dimensions considérées. Nous
obtenons le terme Ax pour chaque variable (à savoir : espérance de vie, durée moyennede
scolarisation et revenu disponible ou consommation parhabitant).
La moyenne géométrique de l’équation (1) ne peut pas comporter de valeur nulle. Dans le cas
de la durée moyenne de scolarisation, nous avons ajouté une année à toutes les observations
valables afin de calculer les inégalités. En ce qui concerne les valeurs aberrantes obtenues
pour le revenu par habitant (par exemple des revenus extrêmement élevés, ainsi que des
revenus négatifs ou nuls), l’exercice a consisté à tronquer les valeurs supérieures au 95ième
percentile de la répartition dans le but de réduire l’impact des revenus extrêmement élevés, et
à remplacer les revenus négatifs et nuls par la valeur minimale du 5ièmepercentile de la
répartition des revenus positifs. L’analyse de la sensibilité de l’IDHI est donnée dans
Kovacevic (2010).
2ème étape : ajustement des indices dimensionnels par rapport aux inégalités
Le niveau moyen atteint dans une dimension IDH, ̅, est ajusté par rapport aux inégalités
selon la formule suivante :
De ce fait, la moyenne géométrique représente la moyenne arithmétique réduite en fonction
des inégalités présentes dans la répartition.
Les indices dimensionnels ajustés aux inégalités sont obtenus à partir des indices
dimensionnels de l’IDH, Ix, en les multipliant par (1 – Ax), ou Ax constitue la mesure
d’Atkinson définie par l’équation (1).
I*x= (1 – Ax).Ix.
L’indice du revenu ajusté aux inégalités, I *Revenu, repose sur l’indice RNB (sous forme non
logarithmique), IRev. Cela permet ainsi à l’IDH ajusté aux inégalités de tenir compte de
l’impact total dû aux inégalités de revenu.
3ème étape : combinaison des indices dimensionnels pour le calcul de l’indice de
développement humain ajusté aux inégalités
L’IDHI représente la moyenne géométrique des trois indices ajustés en fonction des
inégalités. Nous commençons par calculer l’IDHI qui englobe l’indice de revenu sous sa
forme non logarithmique,
IDHI* :
Puis nous calculons l’IDH sur la base de l’indice de revenu (sous forme non logarithmique),
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La perte, en pourcentage, affectée à l’indice IDH* en raison des inégalités dans chaque
dimension, est calculée de la manière suivante :
En partant de l’hypothèse que la perte en pourcentage due aux inégalités, en termes de
répartition des revenus, est identique au revenu moyen et à son logarithme, nous calculons
ensuite l’IDHI selon la formule :
2. L’Indice des Inégalités de Genre (IIG)
L’indice des inégalités de genre (IIG) traduit le désavantage d’un sexe par rapport à l’autre
dans les trois dimensions considérées, à savoir la santé reproductive, l’autonomisation et le
marché del’emploi. L’indice indique les pertes en termes de développement humain causées
par les inégalités entre femmes et hommes au regard de ces dimensions. Il varie entre zéro –
situation dans laquelle les deux sexes sont traités de manière égale – et 1, cas dans lequel la
condition d’un des sexes est aussi mauvaise que possible quelle que soit la dimension
mesurée.Cet indice, calculé sur la base de la mesure des inégalités sensible aux associations, a
été suggéré par Seth (2009). Il repose sur la moyenne générale des moyennes générales
d’ordres différents : la première agrégation se fait sur la base du calcul de la moyenne
géométrique de toutes les dimensions ; ces moyennes, calculées séparément pour les femmes
et pour les hommes, font ensuite l’objetd’une agrégation faisant intervenir une moyenne
harmonique entre les sexes.
Calcul de l’indice des inégalités de genre
Le calcul de l’IIG se décompose en cinq étapes :
1ère étape : traitement des valeurs nulles et des valeurs extrêmes
Une moyenne géométrique ne pouvant pas comporter de valeur nulle, il faut définir une
valeur minimale pour tous les indicateurs des composantes. La valeur minimale est fixée à 0,1
% pour le taux de fécondité chez les adolescentes, la proportion de sièges parlementaires
détenus par des femmes, le niveau d’instruction atteint dans l’enseignement secondaire et
supérieur et le taux d’activités sur le marché de l’emploi. Dans les pays qui rapportent un
pourcentage nul, la représentation parlementaire des femmes se voit attribuer la valeur 0,1 %,
car les femmes exercent quand même une certaine influence au plan politique même
lorsqu’elles ne sont pas représentées au Parlement.
Une mortalité maternelle élevée suggérant une santé maternelle de mauvaise qualité, le taux
de mortalité maternelle est tronqué à 10 (valeur minimale) et à 1 000 décès (valeur maximale)
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pour 100000 naissances vivantes. Nous supposons que les pays affichant des taux de mortalité
maternelle supérieurs à 1 000 ne peuvent être distingues du point de vue de leur inaptitude à
créer des conditions propices et un soutien à la santé maternelle. Sur la base de ce même
critère, nous supposons que des pays enregistrant entre 1 et 10 décès pour100 000 naissances
ont en substance un niveau de performance égal.
L’analyse de la sensibilité de l’IIG est donnée dans Gaye etal. (2010).
2ème étape : agrégation sur l’ensemble des dimensions au sein de chaque groupe
sexospécifique, à l’aide de moyennes géométriques
Il s’agit de faire l’agrégation sur l’ensemble des dimensions pour les femmes et pour les
hommes à l’aide de la moyenne géométrique, ce qui permet de rendre l’indice sensible aux
associations (voir Seth 2009).
Pour les femmes et les filles, la formule d’agrégation est la suivante :
Alors que pour les hommes et les garçons, la formule est la suivante :
Il est nécessaire de décaler le taux de mortalité maternelle de 0,1 dans la formule d’agrégation
pour les femmes et les filles de manière à prendre en compte le fait que la valeur minimale du
taux est tronquée à10. Il s’agit d’un nouvel ajustement introduit dansle Rapport mondial pour
le développement humain 2011.
3ème étape : agrégation entre les genres, à l’aide d’une moyenne harmonique
Nous procédons à l’agrégation des indices relatifs aux femmes et aux hommes par la moyenne
harmonique afin de créer l’indice sexospécifique à répartition égale.
L’utilisation de la moyenne harmonique sur les moyennes géométriques au sein des groupes
traduit les inégalités entre les femmes et les hommes, et tient compte des associations entre les
dimensions.
4ème étape : calcul de la moyenne géométrique des moyennes arithmétiques pour
chaque indicateur
La norme de référence pour le calcul des inégalités s’obtient suite à l’agrégation des indices
relatifs aux femmes et aux hommes, en utilisant des pondérations égales (on traite ainsi les
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femmes et les hommes de manière égale), et ensuite grâce à l’agrégation des indices sur
l’ensemble des dimensions :
NB : La santé ne doit pas être interprétée comme étant une moyenne des indices
correspondants concernant les femmes et les hommes, mais comme une valeur se situant à mi-
chemin entre les normes établies pour les indicateurs de la santé reproductive, moins de décès
liés à la maternité et moins de grossesses chez les adolescentes.
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5ème étape : calcul de l’indice des inégalités de genre
La comparaison de l’indice sexospécifique à répartition égale par rapport à la norme de
référence permet d’obtenir l’IIG :
A l’aide des formules ci-dessus, on peut facilement obtenir :
3. L’Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM)
L’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) se veut le reflet des privations multiples dont
souffre chaque individu sur le plan de l’éducation, de la santé et du niveau de vie. Il s’appuie
sur des micro-données tirées des enquêtes auprès des ménages et, contrairement à l’indice de
développement humain ajusté aux inégalités,tous les indicateurs requis pour l’élaboration de
la mesure doivent impérativement provenir de la même enquête. De plus amples détails sont
fournis dans Alkire et Santos (2010).
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Méthodologie
Nous attribuons à chaque personne un score en fonction du nombre de privations subies par
ménage pour chacun des 10 indicateurs des composantes. Le score maximal est de 100,
chaque dimension faisant l’objet d’une pondération égale. En d’autres termes, le score
maximal pour chaque dimension est de 33,3 %.
Les dimensions de l’éducation et de la santé présentent chacune deux indicateurs ; chaque
composante a donc une valeur de 5/3, soit 16,7 %. Pour sa part, la dimension du niveau de vie
repose sur six indicateurs ; par conséquent, chaque composante est égale à 5/9, soit 5,6 %.
Les seuils sont définis de la manière suivante :
• Education : aucun membre du ménage n’a achevé cinq années de scolarité et au moins un
enfant d’âge scolaire (moins de 14ans) ne fréquente pas l’école ;
• Santé : au moins une personne du ménage souffre de malnutrition, et un ou plusieurs enfants
est ou sont décédé(s) ;
• Niveau de vie : pas d’électricité, pas d’accès à une eau claire et potable, pas d’accès à des
installations d’assainissement adéquates, utilisation de combustibles de cuisson « sales »
(déjections animales, bois ou charbon de bois), sol en terre battue dans l’habitation ; le
ménage ne possède ni voiture, ni camionnette, ni véhicule motorisé similaire, mais possède
tout au plus l’un des biens suivants : bicyclette, motocyclette, radio,réfrigérateur, téléphone ou
téléviseur.
Pour nous permettre de déterminer les personnes en situationde pauvreté multidimensionnelle,
nous faisons la somme des privations de chaque ménage afin d’obtenir le niveau de privations
par ménage, c. La valeur-seuil de 33,3 %, qui correspond à un tiers des indicateurs pondérés,
sert à faire la distinction entre les pauvres et les non-pauvres. On considère qu’un ménage (et
chaque personne qui en fait partie) est « multi dimensionnellement » pauvre si c’est égal ou
supérieur à 33,3 %. Un ménage dont le niveau de privationsse situe entre 20 % et 33,3 % est
vulnérable à la pauvreté multidimensionnelle ou risque de se retrouver dans cette situation.
Les ménages dont le niveau de privations est supérieur ou égal à 50 % sont en situation de
pauvreté multidimensionnelle sévère.
La valeur de l’IPM correspond au produit de deux mesures, le taux de pauvreté
multidimensionnelle et la sévérité (ou ampleur) de la pauvreté. Le taux de pauvreté, H,
représente la proportion de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle :
Ou q correspond au nombre de personnes en situation de pauvreté multidimensionnelle et n a
la population totale.
La sévérité de la pauvreté, A, reflète la proportion des indicateurs pondérés des composantes
dans laquelle, en moyenne, les personnes pauvres souffrent de privation. Dans le cas des
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ménages pauvres uniquement, nous faisons la somme des niveaux de privations et nous les
divisons par le nombre total de personnes pauvres :
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ANNEXES N°3 : Concepts de pauvreté
La pauvreté est un phénomène multidimensionnel auquel toutes les sociétés font face. Ses
manifestations, différentes selon les régions du monde, vont de l’exclusion sociale dans les
pays riches jusqu’à la malnutrition et la mort dans les pays les plus pauvres. Relative par
essence, elle doit être définie de façon contextuelle en fonction de la société dans laquelle elle
est observée. Etre pauvre à Washington, à Paris, à Pretoria, à Bamako ou à Kidal, n’a ni la
même signification, ni les mêmes implications. Ainsi, selon le Traité des Organisations Non
Gouvernementales et des Mouvements Sociaux réunis au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro
au Brésil en 1992 « la pauvreté est l’état de privation des éléments essentiels nécessaires à
l’être humain pour vivre et se développer avec dignité sur les plans physique, mental et
spirituel, mais elle influe également sur des besoins spécifiques liés à la reproduction, la
capacité ou l’incapacité, les valeurs culturelles, l’âge et l’ethnie ».
On voit ainsi la complexité du phénomène dont la définition et par conséquent la mesure, ne
sont pas simples. Le concept intègre progressivement de plus en plus de facettes de la vie:
dimension économique (ressources, revenus), dimension psychosociale (satisfaction de
besoins, épanouissement de la personne), dimension sociale (santé, éducation, accès au
logement, reconnaissance sociale et culturelle) ; dimension politique (respect des droits
civiques, participation à la vie politique). Mais quel que soit le pays, pouvoir se nourrir
convenablement reste prioritaire par rapport au fait d’accéder à l’université. On se préoccupe
davantage de sa santé que des élections, etc. (Petit, 2006).
L’évolution du contour de la pauvreté au fur et à mesure de l’évolution de la société rend à
l’évidence son élimination définitive problématique, voire une question sans solution.
Diverses mesures de politiques économiques pour la combattre ont été prises dans différents
pays avec des résultats différents et souvent très mitigés. Ces mesures varient selon
l’importance donnée par la société à des valeurs comme l’égalité et la justice ainsi qu’à la
conception de ces valeurs (Alejandro, Soliz, 1999).
1. Mesures de la pauvreté
On ne peut pas caractériser la pauvreté sans se donner un instrument de sa mesure. Cet
instrument dépend principalement de la façon de considérer le concept de pauvreté, mais aussi
tient compte des difficultés techniques et matérielles pour mesurer un concept si complexe
aux multiples facettes.
Il existe différentes approches de la mesure de la pauvreté selon ses différentes facettes : les
dimensions économiques, les dimensions sociale, culturelle et politique.
Les dimensions économiques s’inscrivent dans la tradition de la théorie du bien-être que l’on
relie à la philosophie utilitariste. C’est le courant de pensée qui a actuellement permis le plus
grand développement d’instruments d’observation, de mesure et d’analyse de la pauvreté.
Dans le cadre de la théorie de l’équilibre, on fait référence à la théorie microéconomique du
consommateur qui maximise sa satisfaction sous contrainte budgétaire, ou du « producteur-
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consommateur » qui intègre aussi une fonction de production. Elle est vite assimilée à une
approche monétaire.
Les dimensions sociales venant de l’élargissement à l’économie de la famille et à ses
interactions sociales, la prise en compte des aspects de capital humain et de capital social
(Ravallion, 1996 ; Dubois, 1998 ; Lachaud, 2005) sont de plus en plus considérées. On en
vient ainsi à la notion de pauvreté des conditions de vie qui prend plutôt en compte les
facteurs sociaux tels que la santé, l’éducation, le logement, etc.
a. Mesures objectives de la pauvreté
Différents indices sont utilisés au niveau international pour mesurer la pauvreté. Parmi les
indices les plus utilisés, on retrouve les indices de Foster, Greer et Thorbecke (FGT). Les
indices FGT permettent de déterminer l’incidence, la profondeur et la sévérité de la pauvreté à
partir d’un critère donné. Ce critère est généralement économique (niveau de revenu ou de
consommation monétaire), mais peut être alimentaire ou nutritionnel (niveau de
consommation de céréales, niveau de satisfaction des besoins en calorie) et même social
(mesures de l’accès aux services de santé, à l’éducation, etc.). Pour un critère donné, on
détermine un seuil dit de pauvreté en deçà duquel on est considéré comme pauvre. La
détermination du seuil de pauvreté bien que technique par nécessité n’en demeure pas moins
un sujet souvent polémique.
L’incidence de la pauvreté est mesurée par la proportion de pauvres dans la population.
C’est l’indicateur le plus demandé et le plus utilisé. Par exemple, dire que 50% ou 40% de la
population sont pauvres a une signification immédiate pour tout lecteur.
L’indice de la profondeur de la pauvreté donne la mesure de l’écart qui sépare du seuil de
pauvreté la valeur moyenne du critère chez les pauvres. Plus il est grand au niveau d’un pays,
plus il y a à faire pour que les pauvres rattrapent les non pauvres.
L’indice de la sévérité de la pauvreté mesure le degré d’éloignement des plus pauvres des
pauvres du seuil de pauvreté. Plus ces plus pauvres sont nombreux et plus la valeur de leur
critère est éloignée du seuil de pauvreté, plus cet indice est grand et plus sévère est la
pauvreté.
b. Mesures de la pauvreté subjective
Les approches subjectives de la pauvreté partent du ressenti ou de la perception de la
population par rapport à la pauvreté. Les réponses à des questions relatives au sentiment pour
l’individu ou le ménage d’être à l’aise, de pouvoir mettre de l’argent de côté, ou à l’opposé
être amené à tirer sur ses réserves, de disposer ou non de la somme minimale perçue pour
subvenir aux besoins. De ce point de vue, elle a un lien direct ou indirect avec la pauvreté
monétaire et la pauvreté des conditions de vie qui détermine tout sentiment de l’individu
relatif à son bien-être. La critique majeure faite à ces approches est l’impossibilité de faire des
comparaisons internationales.
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ANNEXES N°4 : Les outils d’entretien
GUIDE D’ENTRETIEN n° 1
A l’intention des structures nationales et internationales
Programmes et actions
- Les missions en rapport avec la migration (domaines –types- d’intervention
- Les activités envisagées
- Les activités réalisées
- Les activités non réalisées
Connaissances sur les migrations
- Les grandes tendances actuelles des migrations en termes de :
o Catégories hommes/femmes, jeunes/adultes
o Provenance : rural ; urbain
o Destination : interne/externe ; Afrique, Europe, Amérique, Asie,
o Motif :
o Intentions : retour (acquérir un capital humain, matériel, financier), installation
définitive, mieux aider les parents, etc.
- Présentation des zones de départ (causes et conséquences)
o Contraintes : Conditions de vie (possibilité d’épanouissement individuel,
familial, et collectif) dans les zones de départ.
o Impact des migrations
Apports : amélioration des conditions de vie, soutien famille, soutien
action de développement, infrastructures (la question des transferts et
leur valorisation).
Difficultés : détérioration des conditions de vie (comment)
- Impact sur les zones d’accueil
o Facteurs d’attraction (raisons du choix, nature informations reçues, sources
information) ;
o Type d’emplois et Conflits (Compétition pour l’emploi, insécurité, menace
environnement) ;
o Création de richesse (comment) ;
o Intégration (conditions et comment travail, traitement logement) ;
o Marginalisation (pourquoi, comment).
- La réglementation des migrations
o Orientation des textes fondamentaux dans les principaux pays d’immigration
Quelles sont les forces (avantages) et les faiblesses (contraintes) de ces
textes
o La question de la sécurisation des maliens de l’extérieur.
- Les retours
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o Importance par type
Volontaires assistés ;
Volontaires non assistés ;
Expulsés et refoulés
- Modes et domaines de réinsertion
- Quels sont les défis que posent les migrations actuelles et les perspectives d’une
meilleure gestion ?
GUIDE D’ENTRETIEN N° 2
A l’intention des organisations de migrants et les ONGs
Programmes et actions
o Les rôles/objectifs
o Les actions
Connaissances sur les migrations
- Les grandes tendances actuelles des migrations en termes de :
o Catégories hommes/femmes, jeunes/adultes
o Provenance : rural urbain
o Destination : interne/externe ; Afrique, Europe, Amérique, Asie,
o Motif :
o Intentions : retour ; installation définitive, acquérir un capital, mieux aider les
parents, etc.
- Les zones de départ (contraintes et impacts)
o Contraintes : Conditions de vie (possibilité d’épanouissement individuel,
familial, et collectif) dans les zones de départ.
o Impact des migrations
Apports : amélioration des conditions de vie soutien famille, soutien
action de développement, infrastructures (la question des transferts et
leur valorisation).
Difficultés : détérioration des conditions de vie (comment)
- Impact sur les zones d’accueil
o Facteurs d’attraction (raisons du choix, nature informations reçues, sources
information) ;
o Type d’emplois et Conflits (Compétition pour l’emploi, insécurité, menace
environnement) ;
o Création de richesse – comment ?
o Intégration (conditions et comment travail, traitement logement) ;
o Marginalisation (pourquoi, comment).
- La réglementation des migrations
o Orientation des textes fondamentaux dans les principaux pays d’immigration ;
Quelles sont les forces (avantages) et les faiblesses (contraintes) de ces
textes ;
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o La question de la sécurisation des maliens de l’extérieur.
- Les retours
o Importance par type
Volontaires assistés ;
Volontaires non assistés ;
Involontaires Expulsés et refoulés, départs précipités ;
o Réinsertion
Modes et domaines
o installation définitive
les motivations
- Quels sont les défis que posent les migrations actuelles et les perspectives d’une
meilleure gestion ?
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ANNEXES N°6 : Les Termes De Références de l’étude
1. Contexte et justification
La production des rapports nationaux sur le développement humain au Mali, entre autres,
figure parmi les missions de l’Observatoire du Développement Humain Durable et de la Lutte
Contre la Pauvreté (ODHD/LCP). Le Rapport National sur le Développement Humain est un
outil de dialogue de politique et de mobilisation des ressources, et aussi un instrument de
sensibilisation et de plaidoyer en faveur du grand public, des autorités politiques nationales,
régionales et locales, des partenaires au développement, de la société civile, des médias et du
secteur privé. Pour l’année 2015, le thème porte sur : « Migration, Développement Humain et
Lutte Contre la Pauvreté ». Ce thème pertinent, d’actualité et d’intérêt national, a été retenu
suite à la réunion du comité scientifique élargi du 26 juin 2015, tenue dans la salle de
conférence de l’ODHD/LCP.
Les mouvements migratoires suscitent de nos jours la montée des sentiments xénophobes et
l’émergence des mouvements politiques d’extrêmes droites dans les pays d’accueil. Ces
mouvements comportent d’importants enjeux à travers le monde, l’ampleur du phénomène a
conduit à la mise en place d’organismes internationaux dont l’Organisation Internationale
pour les Migrations (OIM). Selon l’OIM, la migration est un « déplacement d'une personne
ou d'un groupe de personnes, soit entre pays, soit dans un pays entre deux lieux situés sur son
territoire. La notion de migration englobe tous les types de mouvements de population
impliquant un changement du lieu de résidence habituelle, quelles que soient leur cause, leur
composition, leur durée, incluant ainsi notamment les mouvements des travailleurs, des
réfugiés, des personnes déplacées ou déracinées ».L’immigration est l’ « action de se rendre
dans un Etat dont on ne possède pas la nationalité avec l'intention de s'y
installer ».L’émigration est l’ « action de quitter son Etat de résidence pour s’installer dans
un Etat étranger».
Les contraintes géographiques, écologiques, économiques et sociales ont entraîné et
continuent d’entraîner une grande mobilité des populations maliennes. La migration est
importante au Mali d’une part par l’intensité du flux et d’autre part par le montant des
transferts financiers, si l’on s’intéresse au flux des migrations et aux transferts financiers des
migrants maliens vers le pays d’origine. Le Mali est un pays de tradition migratoire tant sur le
plan national (interne) qu’international (externe). Comme l’ont souligné de nombreux travaux
(RGP 1976. RGPH 1987,1998 et 2009) le Mali a été le trait d’union entre l’Afrique du Nord
et l’Afrique sub-saharienne. S’agissant des flux migratoires, on estime à plus de 4 millions de
personnes la communauté malienne vivant à l’extérieur. Cette communauté se caractérise par
sa forte structuration et sa capacité de mobilisation pour le pays d’origine. Au Mali, selon le
RGPH 2009, la population migrante du Mali est estimée à 2.330.860 individus, soit plus de
16,6% de la population totale.
L’intensité des migrations internes varie d’une région à l’autre en fonction de son niveau de
pauvreté. Les contraintes et le poids de la culture sont en général les causes de l’émigration et
les potentialités sont les facteurs de l’immigration dans chaque région. On peut émettre aussi
l’hypothèse que les migrations interrégionales, intersectorielles et saisonnières sont liées aux
contraintes et aux potentialités existant dans chaque région. La population rurale notamment
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la composante jeune constitue la bonne partie des migrants ruraux vivant dans des conditions
de vie souvent précaires les conduisant à choisir la migration. On peut citer entre autres
comme conséquences :
- le dépouillement des campagnes de leurs forces de travail, ce qui peut avoir un impact
sur la production agricole ;
- l’urbanisation non contrôlée avec son corollaire de faible viabilisation des quartiers ;
- le développement de la délinquance dans les villes à cause de la paupérisation des
ménages en raison du chômage, du sous-emploi…
Les facteurs économiques expliquent pour beaucoup l’émigration malienne (87 % selon le
RGPH 2009). S’agissant des flux migratoires, on estime à plus de 4 millions de personnes la
communauté malienne vivant à l’extérieur. Cette communauté se caractérise par sa forte
structuration et sa capacité de mobilisation pour le pays d’origine. Cette migration
internationale est confrontée à beaucoup de difficultés dont :
- de nombreux drames dans les tentatives d’émigrer vers l’Europe (naufrage de bateaux
lors de la traversée des océans) ;
- des contraintes liées aux législations des pays d’accueil (chasse aux immigrés
clandestins et les reconduites aux frontières) ;
- la fuite des cerveaux et la perte de bras valides.
D’après une étude de la Banque Africaine de Développement (BAD)12, les transferts
financiers officiels représentent 11% du PIB, 79% de l’Aide Publique au Développement et
une moyenne de 7700 Euros par foyer et par an, dans quatre (04) pays africains (le Maroc, le
Sénégal, le Mali et les Comores). La BAD avait estimé à 300 milliards de FCFA en 2007, le
montant des transferts reçus au Mali dont 73 % transitait par le canal informel. Selon les
informations de la BAD, les envois de fonds en Afrique ont atteint 65 milliards de dollars EU
en 2013, soit une hausse de 5% par rapport à 2012. Les transferts de la diaspora ont atteint
67 milliards de dollars EU en 2014.
La diaspora malienne, quant à elle, n'est jamais restée en marge du développement
économique et social du pays. Les flux financiers générés par les migrants représentent une
source importante de devises non seulement pour la famille d’origine, mais aussi pour la
localité et le pays de départ dans leur utilisation. Le montant des transferts financiers des
migrants (migration externe) était estimé par la BCEAO à 234 milliards de FCFA en 2011
(Balance des paiements du Mali). Les relations des Maliens de l’extérieur avec la patrie sont
intenses et variées et se matérialisent par des transferts de fonds importants (estimés à 431
milliards de FCFA en 2012) et de nombreuses compétences en ressources humaines
susceptibles d’appuyer le pays dans son processus de développement. Les ménages
bénéficiant de ces transferts de fonds les utilisent en priorité pour les dépenses familiales,
d’où le problème de la canalisation de ces transferts vers les investissements productifs. Selon
les études réalisées par la Cellule technique du Co - développement, « l’investissement
12
Une étuderéalisée par la Banque Africaine de Développement (BAD), entre 2007 et 2008 portant sur le thème « Les transferts de fonds
des migrants, un enjeu de développement » qui fut la première étude sur les transferts monétaires des migrants en direction de quatre
pays africains (le Maroc, le Sénégal, le Mali et les Comores).
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productif des diasporas surtout individuel est au cœur de la problématique actuelle
d’accessibilité financière et d’appui « à l’offre et à la demande » en matière de création ou de
développement d’entreprises. La majeure partie des études estime la disponibilité des
transferts en faveur de l’investissement productif en moyenne à 20 % du montant global,
logement compris».
Cette manne financière est investie de plus en plus dans des actions de développement comme
le désenclavement (route, téléphonie), l’hydraulique villageoise, l’éducation, la santé et
l’irrigation de petits périmètres pour la sécurité alimentaire (Daum 1998 ; GUBERT, 1999).
La migration internationale a fait de certains membres de la famille des opérateurs qui
développent dans la région l’activité commerciale malgré son enclavement (CMD/OMI,
Kayes, 2000).
Face à l’acuité du problème, le Gouvernement du Malia adopté le 03 septembre 2014une
politique nationale de migration (PONAM) dont les objectifs13 sont : i) assurer la protection et
la sécurisation des migrants et les membres de leurs familles en veillant au respect de leurs
droits et devoirs, en favorisant leur accès à un travail décent et à une bonne couverture
sociale; ii) mettre en place des mécanismes et des dispositifs de gestion appropriés (en matière
de connaissance, de réglementation, d’accueil et de réinsertion, de valorisation des capacités)
pour mieux organiser la migration; iii) mobiliser et valoriser les apports des diasporas pour
réduire la pauvreté et soutenir le développement national; iv) faire du Mali, un carrefour
ouest-africain de dialogue et de concertation sur les migrations.
Pour l'économiste indienAmartya Sen, tout comme pour le PNUD, le développement est un
processus d'élargissement du choix des gens qu'une simple augmentation du revenu national.
Selon le PNUD, le développement humain est l’accroissement des libertés et des capacités
permettant aux personnes de mener une vie qu’elles jugent satisfaisante à juste titre .Il repose
sur l’élargissement des choix disponibles. Le développement humain durable est
l’accroissement des libertés essentielles des personnes vivant aujourd’hui, accompagné
d’efforts raisonnables pour éviter le risque de compromettre sérieusement celles (libertés) des
générations futures. Selon le rapport mondial 2014, le Mali avec un Indice de Développement
Humain de 0,407 se place à la 176ème place sur 187 pays classés.
La lutte contre la pauvreté est la préoccupation des plus hautes autorités du pays à travers les
différentes générations du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté :
CSLP 2002-2006 ; CSCRP 2007 – 2011 ; CSCRP 2012 – 2017 (en phase de relecture). Selon
le rapport de la revue à mi-parcours 2012-2014 du CSCRP, l’incidence de la pauvreté s’élève
à 46,9%. Si les tendances se maintiennent, la cible OMD qui consistait à réduire le taux de
pauvreté de moitié (34,7%) avant 2015, ne sera pas atteinte. La relative aisance du milieu
urbain par rapport à celui rural n’est pas de nature à freiner l’exode rural notamment vers
Bamako. Les cibles de croissance de ces différents cadres stratégiques de lutte contre la
pauvreté n’ont pas été atteintes après les différentes évaluations. La crise de 2012 a aussi
impacté l’activité économique dégradant ainsi les conditions de vie déjà précaires. Cette crise
sécuritaire et institutionnelle a entrainé le repli de l’activité économique avec un taux de
13
Document de Politique nationale de migration du Mali 2014, p22
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croissance de 0,0% en 2012. Malgré la persistance de la crise, le taux de croissance a connu
une légère reprise pour s’établir à 1,7% en 2013 et 7,2% en 2014 suite à une performance du
secteur primaire.
La présente étude s’inscrit dans cette préoccupation et cherche à mener une analyse
approfondie sur les questions de migration tant aux niveaux interne qu’international. Elle
permettra de fournir une meilleure compréhension des questions de migration et de réduction
de la pauvreté et de développement humain durable.
2. Objectifs
L’objectif général de l’étude est d’analyser la problématique des migrations pour soutenir les
politiques publiques en la matière.
De façon spécifique, il s’agira de :
- définir le profil socio démographique des migrants au Mali ;
- comprendre les causes profondes des migrations aussi bien interne
qu’internationale ;
- analyser les effets socio-économiques des migrations sur les milieux de départ ;
- analyser l’apport des émigrés à leurs communautés et à l’économie nationale ;
- formuler des recommandations pour une meilleure régulation du phénomène et
une meilleure utilisation des ressources financières et humaines des émigrés pour
le développement des communautés d’origine aux niveaux local et national.
3. Résultats attendus
Les résultats attendus sont les suivants :
- le profil socio démographique des migrants est défini au Mali ;
- les causes profondes des migrations internes et externes sont comprises ;
- les effets socio-économiques des migrations sur les milieux de départ sont
analysés ;
- l’apport des émigrés à leurs communautés et à l’économie nationale est analysé ;
- des recommandations en vue d’une bonne régulation du flux migratoire et une
meilleure utilisation des ressources humaines et financières des migrants pour le
développement des communautés d’origineaux niveaux local et national sont
formulées.
4. Profil des consultants
Pour la réalisation de cette étude, il sera fait appel aux compétences de quatre (4) consultants
à savoir : un économiste du développement, un statisticien, un spécialiste des questions de
migration et un sociologue/anthropologue.
L’économiste du développement, doit avoir :
- au moins bac+4 en sciences économiques et des compétences avérées dans le
domaine de l’analyse macroéconomique sur des thématiques de développement ;
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- une maîtrise des questions politiques de développement, des politiques
macroéconomiques et budgétaires ;
- une expérience notoire d’au moins 10 ans de recherche dans le domaine du
développement humain durable et une connaissance des questions de migration ;
- une bonne connaissance des politiques de développement du Mali, notamment les
stratégies de réduction de la pauvreté ;
- être en mesure de travailler en équipe.
Le statisticien doit avoir :
- au moins bac+ 4 en statistique ou économétrie ;
- une bonne connaissance du système statistique national ;
- au moins cinq années d’expérience dans la collecte, le traitement et l’analyse des
données socioéconomiques ;
- avoir une bonne connaissance des politiques de développement du Mali, notamment
les stratégies de réduction de la pauvreté ;
- être en mesure de travailler en équipe.
Le spécialiste des questions de migration doit avoir :
- au moins bac+4 en démographie, sciences économiques ou sociales, sciences et
techniques et des compétences avérées dans le domaine de l’analyse des questions de
migration sur des thématiques de développement ;
- une expérience notoire d’au moins 5 ans de recherche dans le domaine du
développement humain durable ;
- une bonne connaissance de l’évolution des questions de développement institutionnel
du Mali et des politiques et stratégies de développement notamment les stratégies de
réduction de la pauvreté ;
- être en mesure de travailler en équipe.
Le sociologue/ anthropologue doit avoir :
- au moins bac+4 en socio anthropologie ou dans une autre discipline des sciences
sociales ;
- une expérience d’au moins 5 ans dans les études et recherches sur les comportements
sociologiques en lien avec la migration / sociologie des migrations ou sur un domaine
assez similaire ;
- avoir une bonne maîtrise des questions de migration ;
- avoir une bonne connaissance de l’évolution des questions de développement
institutionnel du Mali et des politiques et stratégies de développement notamment les
stratégies de réduction de la pauvreté et des programmes de développement
institutionnel ;
- être en mesure de travailler en équipe.
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5. Méthodologie
Les consultants élaboreront une démarche de travail, un plan de rédaction et un calendrier
détaillé des activités à mener conformément aux TDR. Ces outils feront l’objet d’une
validation par le Comité scientifique de l’ODHD/LCP élargi au besoin à des personnes
ressources. Les étapes suivantes seront suivies par l’équipe :
- une description de la méthodologie de travail avec une présentation des différentes
étapes du déroulement de la mission et des produits attendus ;
- le plan de rédaction du rapport ;
- la méthodologie de collecte, d’analyse et de traitement des données ;
- la liste des institutions et zones géographiques à couvrir pour la collecte des
informations ;
- la production des rapports provisoire et final.
6. Durée de l’étude
Ce travail sera effectué en quatre (4) mois à partir de la date de signature du contrat. Les
consultants devront impérativement remettre le rapport final à la fin du quatrième
mois conformément au calendrier ci-après.
Activités Mois1 Mois 2 Mois 3 Mois 4
Semaines Semaines Semaines Semaines
Validation des TDR
Choix des consultants
Elaboration et validation de la note de
compréhension
élaboration des outils
Collecte traitement et analyse des données
Elaboration de la partie thématique
Dépôt du rapport provisoire
Examen technique
validation, intégration des observations et
dépôt du rapport final
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Mois 1
Validation des TDR
Choix des consultants
Elaboration et validation de la note de compréhension des TDR par les consultants
Elaboration des outils de collecte
Mois 2 et 3
Collecte, traitement et analyse des données
Mois 3
Elaboration de la partie thématique
Dépôt du rapport provisoire
Examen technique du Rapport
Mois 4
Validation du rapport, intégration des observations et dépôt du rapport final
7. Financement
Budget National et Budget PNUD.
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